Gargantuesque Tony Soprano.
À l'aube des années 2000,une série à elle-seule contribua à redonner ses lettres de noblesse au genre souvent moqué de la fiction télévisuelle. Pour l'éternité,elle s'appelle "Les Soprano" et doit autant à son créateur,David Chase,qui en fit une fresque moderne sur la mafia et la famille qu'à la chaîne HBO,qui lui laissa carte blanche,pour porter à l'écran ses fantasmes. Tony Soprano est un personnage tellement fascinant et ambivalent que les 86 épisodes ne suffisent pas à décrypter la complexité de ses sentiments. Ce qui est le propre de la nature humaine en somme... Tour à tour violent,colérique,aimant,arrogant, manipulateur,ou vulnérable; cet Italo-américain pure souche suit une thérapie savoureuse pour contrer son tempérament dépressionnaire et garder sa suprématie en tant que boss du New Jersey Nord. James Gandolfini,avec sa mélancolie constante dans le regard en a fait une icône du mâle alpha et de la culture pop. Autour de lui,gravitent des personnages inoubliables,qui ont tous leur moment de gloire(ou de déchéance). On retiendra particulièrement Christopher Moltisanti,le neveu ayant la fureur de vivre ou Carmela,la housewife jamais dupe mais toujours consentante. La constante de cette oeuvre géniale,concerne son double niveau de lecture qui en font une série adulte et exigeante,parfois constellée de métaphysique et d'humour particulièrement corsé. En répétant inlassablement les mêmes erreurs,autour d'une routine bien rodée et hiérarchisée,Chase montre que les gens ne changent jamais,même en ayant la meilleure volonté du monde... Ses gangsters sont des gens normaux,bedonnants,incultes,et ingrats,bien éloignés de ceux flamboyants de Scorsese ou baroques de Coppola. Le générique est sublime,tout comme chaque fin d'épisode au son d'une musique toujours très illustrative. Tony me hante,hantera quiconque le suivra dans son enfer doré,où l'identité italo-américaine et le culte de l'argent facile conduisent à l'immobilité forcée. Terrassant.