Série américaine développée par David Chase en 1999 qui a révolutionné l'univers du petit écran en six ans de diffusion, "The Sopranos" est une œuvre télévisuelle à part entière et d'une incontestable qualité sur plusieurs points ...
Tout d'abord Chase a su retranscrire sous le format série tout ce qui fonctionne au cinéma dans le registre de film de gangsters, en s'inspirant principalement du "Parrain" et des "Affranchis", deux longs métrages restés dans les mémoires et jouissant d'une excellente réputation, le public friand de ce genre de cinéma ne peut que se régaler ... "The Sopranos" c'est donc l'histoire de familles mafieuses du New Jersey et de New York entre affaires, intérêts et règlements de compte, elle est principalement axée sur le personnage de Tony Soprano, parrain charismatique qui doit gérer son business, sa vie familiale et sa thérapie avec sa psychiatre.
Beaucoup de thématiques sociologiques sont abordées de manière très construites tout au long des six saisons, comme le crime, la politique, la famille, la religion, le racisme ou encore l'homosexualité, tout cela avec les codes du genre mafia, et je pense que même si on n'adhère pas forcément à l'atmosphère explicitement violente elle peut convaincre par sa diversité et son élaboration. Le rythme est excellent et permet de ne jamais décrocher au fil des épisodes, l'addiction est telle qu'elle m'a filée des nuits blanches, on s'habitue très vite à l'ambiance et à ses protagonistes, portés à merveille par une écriture parfaite de David Chase et ses scénaristes.
Le casting est fabuleux avec des rôles tout autant charismatiques les uns que les autres, James Gandolfini restant en haut de la pyramide avec son interprétation dantesque du anti-héros Tony Soprano, personnage taillé sur mesure pour lui et qui lui restera collé à la peau jusqu'à sa disparition tragique en 2013; beaucoup d'acteurs ayant participé aux "Affranchis" et au "Parrain" sont cette fois dans des rôles majeurs comme Lorraine Bracco (Dr Melfi), Dominic Chianese (Junior), Michael Imperioli (Christopher), Tony Sirico (Paulie) ou encore Vincent Pastore (Pussy); des guests sont même au rendez vous comme Steve Buscemi, Annette Bening, Danny Baldwin, Ben Kingsley ou Lauren Bacall.
Chase en profite pour dresser le tableau d'une Amérique en proie à la psychose face au crime organisé et au terrorisme, ses gangsters représentent une certaine vision des USA renfermés sur eux mêmes, désaxés, psychotiques et violents, Tony Soprano est un parrain sans pitié, raciste, homophobe et gueulard mais on ne peut s'empêcher d'avoir de la sympathie pour lui car on ressent une profonde sensibilité sincère bien que complexe, sorte de symbole de la toute puissance, de l'ours protecteur et féroce gardant ses points faibles, sa kryptonite restant ses propres sentiments les plus humains. L'autre personnage intéressant est celui de Christopher, jeune affranchi espérant gravir les échelons malgré son addiction à la drogue et à l'alcool, il a également beaucoup de défauts mais reste incroyablement attachant grâce à sa psychologie contrastée, ses confrontation avec Tony sont certainement les plus marquantes de la série (notamment cette séquence inoubliable de l'épisode "Bon débarras"). Les femmes ont quand à elles une représentation de figure bafouée, fragiles, vénales ou colériques, le stéréotype de l'épouse italo-américaine, comme pour les rôles masculins ce sont les personnages de Carmela Soprano et de Adriana (petite amie de Christopher) qui sont les plus intéressants, l'une d'elle connaîtra d'ailleurs un destin inéluctablement tragique ("Arrivederci Bella").
La mise en scène reste un des gros points fort des "Sopranos", qui alterne le violent réaliste et l'humour sarcastique, les dialogues sont très souvent percutants et jouissifs (d'ailleurs la VF est d'une grande qualité, c'est à souligner), on a vraiment droit à de séquences cultes comme la partie de poker à la table des Seigneurs, l'anniversaire de Tony ou les divers meurtres parfois assez inattendus renforçant le degré d'immersion; les scènes de rêves sont aussi très bien retranscrites avec un symbolisme construit et amusant ("Rêve et réalité").
La bande son est aussi une grande réussite, il y en a pour tout les goûts avec des styles différents reflétant cette diversité culturelle américaine, on passe des Rolling Stones à Britney Spears en passant par Lynyrd Skynyrd et Mary J. Blige.
Cette série est autant instructive que divertissante, une fois plongé dedans elle fait presque partie de notre quotidien, on ne peut plus se passer de Tony et sa bande, une vraie drogue comme on dit, la fin de la série sonne comme l'aboutissement d'une véritable aventure télévisuelle, comme un excellent film se prolongeant, on ne veut plus que ça se termine, puis vient le dernier épisode et cette ultime séquence ayant beaucoup fait parler, Chase voulant probablement donner la possibilité au spectateur de prolonger l'histoire selon sa propre interprétation et rendre ainsi la série immortelle, audacieux donc.
"The Sopranos" reste un des grands monuments de l'univers série, HBO a frappé très fort sur ce projet confirmant son statut de grande chaîne US ("Oz", "Les Contes de la Crypte", "Six Feet Under", "The Wire", "True Detective" ...), pour moi une véritable révolution pour la télévision qui ici se rapprochant au plus près d'une œuvre cinématographique, les frileux des séries pourront sans doute ici trouver leur salut. Incontournable et culte !