C'est la 250è critique. Après de timides débuts je me suis pris au jeu des critiques et, pour les nombres ronds, ce qui est loin d'être original, je me suis dit que ce serait sympa de proposer une critique relative à un film m'ayant particulièrement marqué.
Ayant quasiment fait le tour de mon top 10, l'envie m'a porté sur de nouveaux sentiers pour cette 250è. Voici donc une critique de série, d'une de ces séries vue et revue ayant bercé mon enfance et pour lesquelles je voue une sorte de culte païen ridiculement délicieux.
D'aussi loin que je me souvienne Papy Boyington et ses Têtes Brûlées ont été avec moi. Si j'en crois les récits familiaux, dès lors que le générique se lançait j'ouvrais la bouche pour 47 minutes sans pouvoir la fermer. Je partais avec les Corsair dans le Pacifique au cœur d'une guerre lointaine, avec ses cocotiers, son whisky, ses combats de boxe contre des kangourous, ses bagarres et duels aériens.
Le temps a fait son œuvre et, comme la série, j'ai vieilli. Certaines mauvaises langues pourraient même dire qu'à l'instar de la série, j'ai mal vieilli. Ce n'est assurément pas faux tant cette série souffre de nombreux défauts. Les erreurs quant à la véritable histoire du major Gregory « Papy » Boyington et de la VMF-214, les fameux Black Sheep, sont légions. Historiquement les approximations sont nombreuses, techniquement il est assez drôle de suivre les nombreuses conversations entre pilotes lorsqu'on sait qu'en réalité, en vol, les radios fonctionnaient mal. Dans le souci d'adapter sur petit écran les mémoires, pour le moins très partiales et partielles de l'As Boyington, NBC n'a pas fait dans la dentelle. Mêlant images d'archives, plans mille fois éculés de Corsair en vols, reprises d'autres films (par exemple repompe de combats de la Bataille d'Angleterre ... pour des duels dans le Pacifique, ce qui est à tout le moins pittoresque) "Les Têtes Brûlées" sont à des années lumières de la qualité historique des Bands of Brother, pour rester dans les limites chronologiques de la seconde guerre mondiale. Assurément donc pour laisser cette série, qui a fait les beaux jours des rediffusions de la Cinq de Jean-Claude Bourret ou de M6, dans mon top 10 alors que l'Hiver vient avec Netflix-Amazon-HBO-Canaplus séries estampillées-certifiées "réflexion cul verge seins sang tripes humour budgets de malade stars teasing de dingue que avant la télé c'était pourri", suffit à confirmer que je vieilli mal.
Et bien j'assume. Oui, Les Têtes Brûlées, c'est un Top 10. La madeleine de Proust est évidente, les odeurs des dimanches après-midi, les frissons épidermiques incontrôlables générés par la sirène, cette voix off de Boyington et ces Baa-Baa-Baa, autant d'explications surnaturelles qui pourraient faire s'arrêter cette modeste critique là. J'ai raison, je me fou de connaître vos arguments, au revoir et merci. Allez vous faire voir chez Lard et laissez-moi caresser Barbak en sirotant mon Whisky.
Derrière les faiblesses évidentes, cette série a su distiller des banderilles intéressantes. Au-delà de Robert Conrad pour lequel je vouais un véritable culte dans ces années 80 dans cette série ou les Mystères de l'Ouest, le casting est assez génial. Cette tête de con de Colonel Lard (Dana Elcar), Barg, T.J., Anderson, French, Boyle, Casey, Tomio Harachy ... aucune fausse note. Des types sympas, des types imparfaits, une alchimie singulière permettant à Robert Conrad de camper un père sans pour autant écraser ses compagnons de série. Gutterman (James Allen Whitmore Jr ) et sa tête de con, j'aime au plus haut point. Lorsque Red West, légendaire sergent Micklin, est décédé cet été, j'ai eu un pincement. C'est con mais c'est ainsi. Mais, au-delà de l'évidente qualité du casting, je dois aux Têtes Brûlées des fulgurances scénaristiques. Avec cette bande de pilotes ingérables, j'ai appris les ressorts essentiels de l'amitié. Ces types vivent pour les autres. Série des années 70, montrant un visage héroïque et naïf de la guerre ? Non. Ces types souffrent et aspirent à la quiétude, montant au front par devoir, espoir, habitude, envie d'en finir, envie de ne pas laisser tomber les copains. Ces types souffrent. Les Têtes Brûlées gagnent à la fin, sauf lorsqu'elles échouent. Car rien n'est si simple ou manichéen. Le Japs sont des "face de citron" et des "bol de riz", mais on les respecte, on les aime presque à l'image de ce dernier plan de The Fastest Gun, en fin de saison 1. Ce sont aussi des êtres humains, alors que la propagande des années 40 les montrait comme des animaux. Cette série simpliste, c'est aussi ça. Ce sont aussi des lettres qu'on écrit aux pilotes morts. Ce sont ces rapaces d'homme d'affaire désirant faire du fric, quitte à livrer des Corsairs pourris aux pilotes pour gagner plus de dollars. C'est un univers machiste où on picole, se bastonne, reluque les infirmières mises en avant pour sauver la série par NBC, ce qui n'a pas marché. Mais ces femmes meurent. Les héros meurent. Game of Thrones c'est génial, les héros peuvent mourir ; quelle trouvaille de folie de la balle. Regardez Last One for Hutch, l'épisode 22 de la saison 1.
Alors que dire de plus. Je ne convaincrai personne. Et puis mayrde, c'est une évidence, le Corsair est le plus bel avion du monde. De tout façon, ce n'était pas l'objectif. Pour moi, Les Têtes Brûlées, c'est une pierre cardinale de la construction d'un type qui vieilli mal. Mais il assume. Et que celui qui n'est pas content soit heureux de ne pas tâter des poings de Micklin.
https://www.youtube.com/watch?v=n4a7Edf9n9A