L'Avventura

Fait étrange concernant Lupin III, le personnage connait un succès bien plus retentissant en Italie qu’en France, patrie dont il est pourtant originaire. Tandis qu’au Japon, sa popularité ne se dément pas depuis plusieurs décennies, justifiant chaque année la sortie d’un nouvel anime estampillé Lupin III ; le plus souvent un téléfilm d’une qualité au mieux médiocre, mais il arrive parfois que le studio TMS – ici représenté par sa filiale Telecom Animation Film, spécialisée dans les coproductions internationales – se montre plus ambitieux. C’est le cas avec L’Aventure Italienne, série TV qui comme son nom l’indique cherche à profiter du succès de la licence de l’autre côté des Alpes.

Dans la mesure où cette nouvelle adaptation constitue une porte d’entrée idéale vers l’univers de Lupin III, je vais partir du principe que je m’adresse ici aussi bien à des néophytes qu’à des habitués de la licence, donc qu’il faut que j’apporte quelques précisions sur celle-ci.
Fait relativement rare dans l’animation japonaise, Lupin III repose avant tout sur ses cinq personnages principaux – quatre voleurs et un inspecteur de police – lesquels évoluent dans un univers contemporain qui se veut plus ou moins réaliste selon les auteurs. Pas de début à proprement parler, sans doute jamais de fin, les protagonistes se contentent d’être immuables, et aucune des œuvres ambitionnant d’expliquer leurs origines et leurs premières rencontres ne vont dans le même sens. Avec ce matériau de base, les différents scénaristes ayant travaillé sur Lupin III ont de quoi s’amuser, et tout dépendra d’une question de dosage et d’interprétation. Certains aimeront intégrer des éléments fantastiques quand d’autres préféreront s’en tenir à un environnement cartésien, les protagonistes prendront plus ou moins d’importance selon les auteurs, tous n’auront pas la même vision de leurs personnalités respectives, et les plus téméraires chercheront à revisiter la mythologie de la série (le plus souvent en pure perte).
Cette malléabilité offre de nombreuses possibilités, même si toutes les versions ne rencontreront pas l’approbation des spectateurs les plus fidèles et passionnés.

Ne tournons pas autour du pot : L’Aventure Italienne s’impose comme le meilleur avatar de la licence depuis bien longtemps. Outre le format de 24 épisodes, qui permet de développer un univers et témoigne d’une ambition revue à la hausse, cette série dispose de nombreux atouts, à commencer par un subtil mélange entre tradition et modernité. Par tradition, comprenez que les auteurs – de vieux briscards de l’animation japonaise – ont tout compris à Lupin III et aux recettes de son succès, à savoir l’alchimie entre les cinq personnages principaux, un sens aigu de l’aventure, des poursuites, de la roublardise, de l’humour, mais aussi une touche de sérieux quand besoin est. Pour autant, il s’agit d’un anime parfaitement accessible pour un nouveau public. La modernité, quant à elle, s’exprime à travers les quelques protagonistes inédits, bien écrits et attachants sans être omniprésents.

La série est bâtie sur deux intrigues fil rouge – une pour chaque moitié de l’anime – avec tantôt des épisodes qui leur seront (plus ou mois) consacrés, tantôt des épisodes indépendants. Les auteurs ont tenté de trouver un équilibre entre chaque personnage, alternant les passages les exploitant en groupe, et ceux les travaillant individuellement, faisant qu’ils participent tous à l’élaboration de la série, y compris Jigen et Goemon, trop souvent mis de côté dans les téléfilms. L’ensemble baigne dans un monde globalement cartésien, mais avec des touches de fantastique plus ou moins bien utilisées, en particulier dans la seconde moitié. Néanmoins, comprenons-nous bien : avec 24 épisodes relativement indépendants les uns des autres, explorant des situations voire des thèmes différents, il y aura forcément du bon et du moins bon. Pour quelques-uns qui m’auront ému aux larmes – ce qui reste très rare – d’autres semblent au contraire lourds et superflus. Même si, au final, je garde une impression très positive de L’Aventure Italienne.

Techniquement, la série s’avère ambivalente. L’utilisation des CGI n’est pas toujours heureuse, loin s’en faut, mais en contrepartie, elle propose une direction artistique très soignée, mettant parfaitement en valeur les environnements italiens – seul un épisode se déroule à Paris, et un autre dans un Japon de carnaval – ainsi qu’une animation qui sait se montrer soignée lorsque le besoin s’en fait sentir.
La musique compte parmi les points forts du titre, puisqu’il s’agit essentiellement de réorchestration des thèmes mythiques de la licence, modernisés voire « italianisés » pour l’occasion. Un régal de tous les instants.

L’Aventure Italienne ne peut décemment pas être considérée comme parfaite, tout simplement car certains épisodes ne se montrent pas à la hauteur des autres, et que le fil rouge de la seconde moitié fonctionne moins bien que celui de la première. Mais il ne s’agit là que de défauts minimes comparés à ce que cette série souhaite nous offrir, à savoir une grande aventure ensoleillée, dépaysante, et passionnante, portée toute entière par une palette de personnages qui n’auront que rarement été aussi charismatiques. C’est drôle, c’est palpitant, cela flatte la rétine, Lupin fait preuve d’une intelligence redoutable, et un Zenigata trop souvent présenté comme un idiot nous fait ici la démonstration de tous ses talents (et de son attachement envers son antagoniste favori). Un régal à la fois pour les amateurs de la franchise – lesquels étaient sevrés de bons animes depuis bien trop longtemps – et les néophytes.