Luther
7.5
Luther

Série BBC One (2010)

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Saison 1:

Ce format de saison avec si peu d'épisodes ne laissait pas présager la faillite de cette saison sur les deux derniers épisodes. Rien ne peut justifier une incohérence pareille, si ce n'est une écriture laborieuse, bâclée et la présomption rédhibitoire que le public s'accommodera de tant de raccourcis oiseux, de cette absence de précision et de soin dans l'élaboration d'un récit qui se veut surprenant et sortant de l'ordinaire. Quel vautrage!

Les quatre premiers épisodes étaient très bien foutus, belles promesses. Certes, ils se développaient sur une trame somme toute classique, avec un enquêteur un peu borderline, entouré de personnages secondaires qui essaient de s'adapter à son originalité, tant bien que mal. Sinon, chaque épisode proposait une énigme à résoudre, un assassin à attraper.


Sur les deux derniers morceaux de la galette, la série prend un tour mélodramatique, taillé à la serpe, grossier, outrancier, en accumulant les rebondissements de plus en plus énormes. Tout y est fracassé, dans une explosion de coups de théâtre que le scénario ne parvient plus à maîtriser, et donc à rendre crédibles. A quel prix? On va jusqu'à oblitérer des pans entiers de l'histoire, par exemple un meurtre, pour faire avaler les couleuvres d'un scénario alors pas loin d'être indigeste. Comme si le public était assez con pour ne pas voir l'évidence, toutes ces incohérences, dans les réflexions, dans l'évolution de l'enquête, les faits, les attitudes des personnages. Un grand ratage.

On va au bout de la saison dans l'espoir que l'histoire va aboutir à quelque chose de sensé, que le scénario va parvenir à recoller tous les morceaux éparpillés, que l'incompréhensible va s'évanouir avec un climax qui résoudra tout. Mais les ellipses grossières ne sont jamais justifiées. La violence étouffant le récit est-elle censée anesthésier l'attention et le sens critique du spectateur? Quel gâchis!

La série avait réussi très vite à créer des personnages intéressants. La relation entre Luther (Idris Elba) et Alice Morgan (Ruth Wilson) était troublante, pleine d’ambiguïté et de mystères.

Le personnage de Luther lui même condense pas mal de questions sans réponse, incertitude plaisante. Il interroge la violence, la justice, la fidélité. Sujet à des crises de colère plus ou moins aiguës, le lion en cage qu'il représente promettait une réflexion profonde sur le thème.

Et surtout on est frappé par la très grande qualité de jeu de tous les comédiens. Pas étonnant que Hollywood recrute autant sur la vieille Britannia. Les acteurs, même s'ils sont là pour un épisode, quelques scènes donnent des prestations excellentes. A chaque fois, c'est la stupeur devant la performance de l'un ou de l'autre. Même les tous petits rôles peuvent impressionner.

La qualité de la mise en image ainsi que de la mise en scène appuie ce travail des acteurs. La caméra est très proche des comédiens, attentives au moindre geste, à ces inflexions dans la voix, ces regards qui se détournent, ces yeux qui vacillent, ces émotions trop fortes si difficiles à traduire sans excès. Or, on ne déplore aucune fausse note. Tout le long de cette saison, j'ai été séduit par cette incroyable qualité de jeu de la distribution. Cela aide aussi énormément pour aller au bout de l'histoire.

D'autre part, il faut insister sur l'esthétique très froide que la réalisation a mis en place. Les tons grisâtres, très pâles atténuent l'effet coloré que peut avoir une ville aussi cosmopolite que Londres. Le Londres de Luther est une ville métallique, industrielle, partagée entre les immeubles à l'architecture moderne et les quartiers pourris, abandonnés, entre tôles et grillages, herbes folles, grandes flaques. La nuit ne donne pas plus de couleurs à la ville. Les personnages peuvent être filmés de loin, ou cadrés de façon à ce que le gris qui les entoure prenne plus de place... Le gris, le gris, rien que le gris.

Ce style triste exprime parfaitement la mélancolie qui envahit de plus en plus le personnage principal. Luther, ange noir et blanc, entre l'envie de tuer et l'impératif de l'amour, subit ce balancement qui le fait tanguer sans arrêt. Il devient inaccessible à celles et ceux qui essaient de l'apaiser. La mise en scène faite de proximité et de décors gris métal peut engendrer chez le spectateur un franc plaisir.

Alors quand le récit part en sucette, on se raccroche aux comédiens qui époustouflent, mais la déception demeure. Quel dommage!

Et puis ce superbe générique rouge et noir, visuellement addictif, musicalement envoûtant (merci Massive Attack) me donne encore envie de laisser une chance à la saison 2 pour rééquilibrer la balance.

http://alligatographe.blogspot.fr/2014/01/luther-season-saison-1-elba.html

Saison 2:

Chat échaudé craint l'eau froide. J'étais donc sur ma réserve, c'est le moins que l'on puisse dire, au départ de cette saison. Surtout j'étais pressé de voir comment le scénario allait se dépatouiller de la fin de saison 1 calamiteuse. Or, une nouvelle fois, le scénario botte en touche. Elliptique. On comprend en gros que l'un des personnages avait tout pris en charge. On repart à zéro, comme si de rien n'était. Tout va bien, dispersez vous braves gens. Encore une fois, Neil Cross (scénariste) ne se dépare pas d'une certaine facilité dans l'écriture. Je ne suis donc pas rabiboché avec la série.
Néanmoins, cette saison 2 a quelques atouts en main non négligeables et qui expliquent qu'on peut aller au bout de cette saison.

D'abord et avant tout, il faut souligner que les criminels sont hyper flippants. La mise en scène ainsi que le jeu des comédiens se combinent à merveille pour rendre ces méchants encore plus effrayants, dans la folie, dans le glauque. Il est vrai que la police londonienne, spécialement cette unité dirigée par Luther, est à chaque fois salement à côté de la plaque, n'arrivant jamais à temps. Heureusement que dans la réalité les flics ne sont pas aussi manches!

Toujours est-il que la série atteint son but, comme tout bon thriller qui se respecte. Le travail est bien fait. La mise en image très léchée, peut-être même plus colorée que dans la saison 2 encadre ses personnages avec toujours un grand soin et un souci constant de décentrer le sujet. Souvent, le personnage est coincé dans le côté droit ou gauche du cadre, comme s'il n'était pas possible de lui laisser le confort d'un cadrage traditionnel. J'aime bien ça, même si cela n'a rien d'extraordinaire. Reste que le procédé fonctionne très bien dans cette série, utilisé à bon escient, sans grand excès.

L'autre grand atout de la série est une nouvelle fois sa distribution. Cette saison voit la confirmation du talent d'Idris Elba dont j'ai déjà dit tout le bien que je pensais sur les saisons 1 de "Luther" et de "The wire".

Cette saison voit l'apparition d'une jeune comédienne (Aimee-Ffion Edwards) qui, en peu de temps, m'a troué le popotin. Elle a un rôle compliqué d'ado en crise, en pleine déchéance. Elle aurait pu facilement laisser sa composition aller vers la caricature de l'auto-destruction, or elle maîtrise parfaitement.

Et comme je le disais juste avant, les bad-guys sont excellents. Là aussi, a priori on peut s'imaginer que jouer le serial-killer, le fou peut amener de grotesque, à des effets excessifs. Mais tous sont très froids et secs dans leur jeu, donnant plus de poids à la folie de leurs personnages.

Voilà, cette saison, j'ai eu peur, une vraie tension mais je n'ai toujours pas pu m'attacher réellement aux personnages et n'ai donc pas l'intention de poursuivre l'aventure "Luther".
Alligator
7
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Créée

le 8 janv. 2014

Modifiée

le 11 févr. 2014

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Alligator

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