En l’espace de six saisons et par quatre fois récompensée d’un Emmy Award dans la catégorie de meilleure série dramatique, Mad Men s’est imposée comme l’une des meilleures productions dramatiques de ces dernières années. Enivrée par la fumée et le whisky, Mad Men est telle une petite souris qui nous fait voir de l’intérieur l’ébullition de l’univers publicitaire alors en plein essor. Mais surtout, la série tient avec équilibre sur une corde bien fine, dangereuse, et pourtant solidement tendue entre attachement aux personnages et distance objective vis-à-vis de leurs abus.
A l’image du générique, simple et minimaliste, les six saisons nous entraînent à tour de rôle dans la chute vertigineuse des mad men. Le rythme s’étire, se ralentit. Il laisse place au développement pointilleux des histoires et de l’intrigue, permet au temps de s’écouler pour que chaque séquence gagne en virtuosité. Et l’emprise est totale lorsqu’on parvient à se perdre dans l’incarnation de personnages travaillés dans les moindres détails, humanisés malgré les stéréotypes qu’ils incarnent. Don Draper (Jon Hamm) en est le maître et représente avec perfection le mal être de l’anti héros effroyablement attirant, séduisant, résolument électrisant. Mythe américain à lui seul, il est le symbole même du self made man tourmenté et éternellement insatisfait, en proie à quelque chose de toujours nouveau, de toujours meilleur. Aux antipodes de nos moeurs actuelles, il nous hypnotise pourtant à grimper cette échelle a priori sans limite dans un Babylone qui ne s’effondre au fond jamais. Cette ivresse, on en prend d’autres shoots avec des personnages comme la sulfureuse secrétaire Joan (interprétée par Christiana Hendricks). On ne peut qu’admirer la restauration du sex symbole de la femme pulpeuse. Joan sublime les formes de la femme et est de loin bien plus érotique et sexuelle que la référence classique d’une beauté longiligne.
Outre toutes ses qualités esthétiques et cinématographiques, Mad Men réussit à contourner les pièges de la fabrique nostalgique du passé. Relativement craintifs sur le futur, et conditionnés dans un contexte socio-économique actuel relativement sombre et pessimiste, la tendance de ces dernières années est aux séries nous remémorant un fameux-faux « good old time ». Mais n’a t-on pas tendance à idéaliser le temps passé, à s’enfermer dans une approche rétrospective bien trop biaisée par nos déceptions et doutes actuels ? En cela la série mérite des applaudissements, car même si transportés dans l’ambiance des années folles, on ne tombe jamais dans l’usine à nostalgie. Au contraire, elle utilise le passé comme projecteur sur les méandres de l’hégémonie masculine et des dérives sexistes, racistes et homophobiques de l’époque. On se tient prêt pour la septième et dernière saison diffusée à partir de ce dimanche aux Etats Unis ; décidément ces hommes n’ont pas fini de nous rendre fou !