La série Daredevil produite par Netflix vient allègrement écrabouiller le pathétique film qui avait fait de Ben Affleck un galérien du cinéma. Autant le dire tout se suite, certains fans genre « fondamentalistes » vont crier au scandale et peut-être auront-ils raison. Mais si on prend cette série pour elle-même, sans faire de comparaison hasardeuse, il faut l’admettre : la réussite est totale et livre une œuvre aux qualités proches des séries les plus exigeantes du moment, avec en prime un côté défouloir primitif, excellent pour évacuer les trop-pleins hormonaux.
Sans aller jusqu’à dire que Daredevil a toutes les qualités des séries les plus en vue, on peut tout de même la rapprocher des plus cérébrales d’entre elles. Que les fans de Marvel qui espèrent retrouver de l’humour, du héros sans peur et sans reproche, toujours prompt à sauver la veuve et l’orphelin et qui vole aux riches pour donner aux pauvres, que ceux-là passent leur chemin. Le Daredevil de Netflix n’est pas un énième pantin manichéen auquel, on attribue quelques soucis existentiels pour lui donner de la profondeur façon : «Mais que faire de mon slip rouge ? Dois-je le mettre sur ou sous mon collant bleu ? ». Ce Daredevil-là messieurs dames, se rapproche beaucoup de Batman et en particulier de la version Nolan de l’homme chauve-souris. Comme lui, sa voix devient grognement quand il revêt son costume de nuit, comme lui il a appris à se battre…et encaisser. Comme lui, l’homme normal devient une bête une fois costumé.
Oui ce Dardevil-là (traduisez par exemple par: « trompe-la-mort ») est une bête, un fauve noir qui rôde la nuit pour traquer plus bestial que lui, et lâcher dessus des déluges de coups de pied, de poings et de tête. En cela d’ailleurs, les scènes de combats sont ahurissantes de violence, de fluidité, de rapidité et de beauté chorégraphique. D’autant que ce Daredevil n’est pas encore tout à fait lui, puisqu’il se balade encore en pull à col roulé et bonnet noir trop grands pour lui. C’est appréciable que, pour une fois, le costume de notre super-héros ne tombe pas comme une vérité divine, mais est l’aboutissement logique du fait que, comme il est un homme normal, il en a un peu marre des points de suture à chaque fois qu’il va tataner du bandit.
Parlons-en du bandit : une grosse baleine ! Car pour les plus fins connaisseurs, ils ne pourront s’empêcher de se dire qu’ils ont déjà vu ce Wilson Fisk quelque part. Puis l’étincelle jaillira, ils iront faire un tour sur internet et se verront confirmer que ce Wilson Fisk n’est autre que ce pauvre « Grosse Baleine » de Full Metal Jacket, qui fait un usage si particulier des toilettes lorsqu’il ne peut plus supporter son instructeur. Vincent D’Onofrio, puisque c’est de lui qu’on parle, prometteur à l’époque est ici incroyable, terrifiant même. Il passe comme une lettre à la poste du dangereux parrain de la drogue à l’amoureux transi face à une Vanessa (délicieuse Ayelet Zurer) magnétique. Mais n’oublions pas Matt Murdock himself, interprété avec force biceps mais pas que, par un excellent Charlie Cox, mi-gendre idéal mi-démon de minuit.
Netflix frappe encore, cette fois avec toute la conviction d’un Daredevil qui mériterait de passer au contrôle anti-dopage, l’E.P.O. n’est pas bien loin. C’est du Marvel sans être tout à fait du Marvel, les codes sont bien présents, mais on y retrouve ce qui marque le monde des séries américaines depuis plus d’une dizaine d’années maintenant : l’exigence. On ne se moque plus du téléspectateur messieurs dames ! Il veut du pain et des jeux, il veut du sang bref, il en veut pour son argent et, il faut croire qu’avec Daredevil, il a payé une sacrée belle somme !
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