Le moins que l'on puisse dire c'est que Netflix, autant en termes de films que de séries, est prolifique. Sous la loupe aujourd'hui : « Messiah », le thriller géo-politiquo-religieux que nous offre la plateforme pour ce début d'année. Alors, mauvais jeu de mots voulu, la série est-elle un Messie bienvenu ou une énième production dispensable ?
Le pitch : "Un agent de la CIA enquête sur un personnage charismatique dont les disciples affirment qu'il fait des miracles. Homme au pouvoir divin ou dangereux criminel ?"
Il faut le dire, Netflix essaie de truster toutes les places laisser vacantes en termes de séries phare. The Witcher vient s'inscrire dans la lignée de Game of Thrones (critique dispo), Dracula prend la suite de Sherlock dans la catégorie « adaption remis au goût du jour » (critique dispo également) et « Messiah » dissimule à peine sa volonté de s'inscrire comme un nouvel «Homeland ».
Le problème c'est que la série n'a ni le brio, ni l'intelligence de l'ancien show favori de Barrack Obama (pour ceux qui le savait pas, l'anecdote est gratos, vous pourrez briller en soirée).
En effet, en posant le personnage de « Al-Masih », les créateurs veulent interroger le spectateur, l'inclure directement dans l'histoire et faire de cette apparition intrigante un événement géopolitque global. Pour se faire, de nombreux allers-retours sont effectués entre le Moyen-Orient où l'intrigue débute et les Etats-Unis où elle se poursuit. Est également inclus un grand nombre de Breaking News estampillés CNN pour que l'ambiance Alerte Générale se fasse bien sentir.
Le souci c'est que ça ne prend pas vraiment. Déjà, la série n'est pas aussi intelligente qu'elle le voudrait. Pire, parfois elle est même carrément prétentieuse. Dans une interview accordée notamment à Première (ce torchon people qui se réclame mensuel cinématographique), le créateur Michael Petroni déclare avoir voulu une écriture des plus subtiles. C'est vrai que les énormes placards à tout va avec des croix, des étoiles de David ou des croissants sur des mosquées, c'est hyper subtil .
Même chose dans la représentation des Syriens qui ont soit le statut de réfugiés qui crèvent la dalle à la bordure de Jérusalem ou celui de terroristes convertis. En termes de subtilité, j'applaudis les artistes.
Il en va de même avec notre Jesus fucking Christ reborned. Afin de semer le doute, le personnage est doté d'un passif d'interné psychiatrique, de mégalo fini, affublé d'un oncle pro du tour de passe-passe MAIS il arrête des tornades, il marche sur l'eau, il soigne des morts et globalement arrive à définir le CV, les trois derniers repas et la fréquence des rapports sexuels de n'importe quel gugusse qu'il va croiser. Ah oui, rien à dire, plus subtil tu meurs.
C'est, à mon sens le plus gros défaut de « Messiah », le créateur n'a pas voulu prendre de parti. Il ne sait pas lui-même si « Al-Masih » est oui ou non un Jésus réincarné. Il compte sur le spectateur pour le savoir à sa place. A la différence d'un Inception (au hasard hein) qui laisse une liberté de lecture à son spectateur mais qui dispose d'une vérité établie (la toupie n'est pas le totem de Dom, sa bague de mariage l'est), Messiah ne fournit pas de réponse, peu importe le degré de lecture. Si cela se veut intelligent, prenant ainsi à parti le spectateur et ses convictions profondes (genre moi j'ai beuglé « PLEXIGLAS » quand j'ai vu le charlatan marcher sur l'eau), ça démontre surtout d'une certaine indécision fainéante à l'écriture.
Il en va de même pour les questions religieuses ou politiques. La série veut par exemple questionner l'engagement religieux (notamment avec la question intéressante de l'avortement choisie par une des protagonistes) mais ne creuse jamais vraiment loin. A aucun moment "Messiah" ne choque ou n'interroge viscéralement le spectateur sur la violence du monde ou sur la futilité de certaines querelles, ce qui pourtant est censé être le fer de lance de ce genre de série. En voulant interroger tout et tout le monde, on finit par ne parler de rien, à personne, à mon sens. Le constat vaut également sur l'effet tout relatif des réseaux sociaux. Si la question de l'introduction d'un Jésus à l'ère de Facebook et d'Instagram était intéressante, l'utilisation et l'impact des réseaux sociaux sont sous-exploités.
Je passe également sur le développement désastreux des personnages de Michelle Monaghan et de Tomer Sisley, aussi déplorables qu'inintéressants. Voulant donner de la profondeurs à ces personnages, la série ne fait que se planter lamentablement ne faisant d'eux que des pions sans saveur. Heureusement le charme nébuleux du Messie vient sauver le tout.
Au delà de ses défauts, la série reste intéressante à regarder, particulièrement les derniers épisodes où le mystère s'épaissit autour de « Al-Masih » alors même que les informations dont on dispose sur lui sont plus nombreuses.
Le casting est également bien choisi (exception de Tomer Sisley dont on se demande ce qu'il fout là) et Mehdi Dehbi est absolument captivant dans son rôle peu loquace de Messie des temps modernes.
Reste la question d'une saison 2 et de l'envergure que prendra l'intrigue. Si la fin de la première saison peut se satisfaire à elle-même, elle témoigne d'une possible suite bien que les enjeux à suivre restent nébuleux.