Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées
Cette année est importante pour les fans d’héroïc-fantasy. En effet, Peter Jackson tire sa révérence à la Terre du Milieu avec son dernier long-métrage adaptant les histoires de Bilbo : Le Hobbit, la Bataille des Cinq Armées. Après avoir passé en revue les deux précédents volets, il temps de s’attaquer au final qui nous a été promis comme épique. Mais alors, au sortir de la salle, que vaut vraiment cette seconde saga, prélude du Seigneur des Anneaux ?
C’est avec quelque peu d’anxiété que l’on s’installe lors de ces moments-là. La Terre du Milieu est un endroit apprécié, chéri même. C’est avec un pincement au cœur que l’on avait quitté le Seigneur des Anneaux, et quelque part c’est aussi ce sentiment que nous cherchions. Hélas, en tout point, le Hobbit fait défaut à ce que le Seigneur des Anneaux avait su instaurer.
La Bataille des Cinq Armées reprend exactement là où la Désolation de Smaug s’était arrêtée : le dragon se dirige vers Lactown, prêt à semer la mort sur son passage, tandis que les Nains ont enfin retrouvé leur trésor. La faute à un montage malhabile, l’histoire de Smaug sera bien vite chose oubliée et le film se concentrera donc sur les querelles entre Nains, Hommes, Elfes et Orcs (je sais ça fait pas 5 mais les Orcs ont deux armées). Le souci c’est que le tout manque d’enjeu. Loin de la survie de la Terre du Milieu qui est au centre de l’attention dans le Retour du Roi, la Bataille pour Erebor peine à s’affirmer tant l’impact de la victoire semble mineur. C’est à se demander pourquoi même tout ce beau monde est là… Il fallait s’y attendre, faire un troisième film sur quelques chapitres d’un livre, c’était s’adonner une fois de plus à du remplissage. Ce ne serait pas un problème en soit si les deux opus précédents n’en étaient déjà pas rempli !
Les personnages perdent encore un peu plus de profondeur, certains étant purement et simplement oubliés du récit, tandis que le film se concentre sur des sous-intrigues quasi-adolescentes (le trio Twilightien Tauriel-Legolas-Kili est ridicule) venant plomber un rythme déjà mal installé.
Et pourtant, malgré la maigreur somalienne du scénario, ce n’est pas le pire dans le dernier long-métrage de Peter Jackson. Ce dernier a truffé « la Désolation de Smaug » de fan-service à tout va n’en faisant qu’un film fantôme à sa première trilogie. Ici, il opère différemment mais la finalité est la même. On pousse toujours un peu plus loin les situations, on emploie des running-gags et le pire : on tire à l’extrême sur la corde « Cascade de Legolas », plongeant celui-ci dans une caricature de lui-même dans des scènes presque honteuses tant elles virent au ridicule. Ca fait mal ce genre de cas de conscience, quand la classe d’un personnage disparait au profit de clichés, pâle reflet d’une splendeur passée.
Et sur ce point tout est du même acabit, franchement Hollywoodien, jamais épique, la Bataille des Cinq armées s’écrit avec un grand H, mais pas pour Hobbit non, pour Huatzefeuque.
Par ailleurs, ce volet est visuellement éprouvant. Bourrés d’incrustations sur fond vert, on en oublie presque la beauté de la trilogie initiale. La 3D est traîtresse puisqu’elle accentue d’autant plus les effets criards. Ainsi, comme dans les deux premiers opus les visages des Nains, des Elfes comme des Orcs sont trop lisses, loin de la perfection des maquillages d’antan. Les paysages même les plus bénins sont tous des productions artificielles, plus rien n’est vrai. On perd ici tout ce qui faisait le sel du Seigneur des Anneaux au profit d’une réalisation fade, sans âme, suintant l’artificiel. Seule la bande-son fidèle à elle-même rehausse quelque peu le niveau de cette désastreuse réalisation.
Enfin, Jackson plombe malheureusement ses efforts d’établir un lien entre les deux trilogies avec des allusions maladroites et scènes carrément ratées où toute la cohérence qu’il aurait pu instaurer entre le Hobbit et la suite s’envole comme des cendres au vent. Tout du long, le film est une souffrance, une injure faite aux fans fidèles de l’univers de Tolkien et à l’amour que le réalisateur avait pu lui porter autrefois.
Ce n’est qu’à la toute fin, alors que Peter Jackson nous gratifie enfin d’un fond de verdure plutôt que d’un fond vert, que l’on respire, et alors on se souvient. On se souvient de cette trilogie que l’on a tant aimé. De ce Seigneur des Anneaux, grand, majestueux, épique. De ces musiques enlevantes et de ces paysages vertigineux. De cette communauté soudée, des émotions, des frissons lors de ces discours sur les champs de batailles. On se souvient, et on a envie de continuer, alors une fois encore, pour oublier le Hobbit, pour oublier le gâchis, on s’empare de « La communauté de l’Anneau ». La musique s’élève, le film commence, et on retrouve vraiment la Terre du Milieu, enfin.