Sequence killers
La série est devenue depuis lontemps une œuvre à part entière, et ne se contente plus d’être un divertissement low cost en adéquation avec la médiocrité ambiante du petit écran. Les cinéastes s’y...
le 22 oct. 2017
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Créée sous l'impulsion de David Fincher - artiste obsédé autant par la résolution des énigmes criminelles que par la façon dont le cinéma peut en illustrer les rouages - Mindhunter est une sorte de condensé ludique des films du cinéaste Américain. D'ailleurs, la saison inaugurale marque très nettement la volonté de lier deux éléments jusque-là plutôt disparates dans son œuvre filmique : les enquêtes morbides d'un côté, liées aux obsessions des hommes qui les orchestrent (Seven d'abord, Zodiac en point culminant, et plus récemment Millenium) et une jouissance de l'oralité de l'autre, via une grande part donnée aux dialogues et à l'expression des pulsions (dont l'immense Social network écrit par Aaron Sorkin est le meilleur exemple).
Mindhunter est donc l'occasion rêvée de développer à plus grande échelle narrative un récit sur la résolution de crimes tout en faisant intervenir l'intellect foisonnant des têtes pensantes du FBI, mais surtout en s'attardant sur la parole donnée aux tueurs, et donc, à l'élocution des meurtres.
Et si ce programme paraissait simple à mettre en place pour un réalisateur comme Fincher, il ne l'était qu'en apparence, tant cette liaison exige un scénario rondement mené, capable d'évoluer, mais aussi une mise en scène captivante lors des conversations ; la preuve étant qu'il faudra bien attendre 3h de visionnage avant que le récit prenne véritablement son envol, le début étant timide, pour ne pas dire ennuyeux, tant Fincher souhaite poser des bases stables de son récit.
Ceci étant fait, le programme peut plus facilement se développer - les fameux "chasseurs d'esprits" qui tentent de se mettre dans la tête du criminel pour deviner leurs profils et leurs agissements. Mais on aurait tort d'attendre de cette énième série criminelle le suspens étouffant d'un Zodiac où la quête frénétique et torturée de Seven. Et il y a fort à parier que les fans de la première heure de Fincher soient déçus. Bien sûr, la série est au-dessus de toute la production télévisuelle insipide qui inonde les écrans depuis deux décennies et dont on s'évitera ici la litanie, mais il faut reconnaitre
que Minhunter s'inscrit plutôt dans la lignée des deux derniers films du cinéaste (et donc, pas les meilleurs) et n'élève jamais le genre jusqu'à des sommets.
Le ton gris-vert automnal de l'image baigne les personnages dans une sorte de brouillard constant qui donne un aspect nostalgique à la série, et de ce point la photographie est plutôt soignée. Le tandem des personnages d'abord, puis le trio ensuite sont suffisamment bien écrits pour être crédibles, d'autant plus que les différences de caractère permettent à chacun de trouver sa place en toute indépendance - pas de héro qui écrase les autres.
D'où vient alors ce constat que la série ne remplit pas complètement ses promesses ?
Il faut partir de la base même du scénario pour comprendre, et donc, les scènes de recueil des données des agents. Si les éléments de l'intrigue sont toujours bien emmenées à ce niveau, la mise en scène n'apporte jamais le petit plus pour emballer la scène, se contente facilement de filmer son déroulement. Et c'est ce même problème qui affaiblissait déjà Millénium et surtout Gone Girl, qui donnait la désagréable sensation d'un défilé de scène pré-programmées et d'une froideur dans l'approche filmique. C'est malheureusement cela que l'on retrouve dans Mindhunter et la série peine vraiment à décoller. Résultat : les dix épisodes passent sans égratigner leur vernis, sans prendre aucun risque, et sans réellement attiser la curiosité pour la suite. Pour un réalisateur comme Fincher (qui réalise les deux premiers et deux derniers épisodes), on n'était en droit d'attendre plus qu'un banal feuilleton sur l'origine des recherches sur les "serial killers".
En réalité, ce petit laboratoire se voudrait innovant dans sa réflexion sur la criminalité mais ne va jamais au-delà de l'effleurement de son sujet .
Pourtant les idées développées y étaient très intéressantes : d'abord cette petite sociologie du crime (comment la culture influence les idéations meurtrières) ; et cette idée de questionner l'insondable genèse de crimes afin d'en déceler à l'avenir les prodromes. Et la série a bien compris que la meilleure chose à faire pour comprendre un sujet, c'est avant tout de l'écouter parler, y compris lorsqu'il s'agit de choses inénarrables et terrifiantes. Ainsi renait chez le spectateur l'envie de reconsidérer les choses différemment, et de voir que l'environnement social a lui même sa part de responsabilité.
A une époque où il est bon ton de se liguer n'importe comment (par les réseaux sociaux par exemple) contre tout ce qui est déviant, d'entendre dans les médias des termes aussi tronqués que stupides tels que "déséquilibré" pour parler des agissements criminels en tout genre sans faire aucun discernement, et de se ruer à la moindre occasion pour pointer le monstre dans la société, il n'est pas inutile d'utiliser le medium artistique pour aplanir les choses, et pour ré-humaniser un tant soi peu ce monstre. Cela étant dit, le résultat aurait pu être plus percutant.
A.A
Créée
le 25 nov. 2017
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