Mindhunter
7.8
Mindhunter

Série Netflix (2017)

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Les hommes qui n'aimaient pas les femmes

Saison 1 : Article original sur LeMagduciné


David Fincher et l’image du « Serial Killer », c’est une drôle d’histoire d’amour. Après son polar pluvieux qu’était Seven, sa dissection méthodique que fut Zodiac et sa plongée dans la Suède muette et viscérale de Millenium, voilà de nouveau le cinéaste se frotter à l’idée même du tueur en série. Mais comme on pouvait s’y attendre, Mindhunter se range plus du côté de Zodiac que de Seven dans sa manière d’appréhender le mal. Car à l’image de Zodiac, ce qui importe dans la série, ce n’est pas tant la représentation du mal et la violence des faits, mais plutôt la compréhension de la volonté d’un acte, le recoupement d’indices et la puissance des mots.


C’est l’histoire d’une obsession, presque maladive, dégénérative, qui empoisonne le quotidien et tout un entourage, celle qui amène à comprendre et surtout, à contrôler son interlocuteur. A l’image du dialogue inaugural dans The Social Network, entre le futur créateur de Facebook et sa future ancienne petite amie, tout est une question de point de vue, de rapidité, de connexion au monde, à l’idée de hiérarchie et de domination verbale. Entre personnages, c’est un débat assez récurrent et durant les entretiens avec certains des meurtriers, le questionnement se matérialisera une nouvelle fois : le comment n’est pas d’une grande utilité, tout est dans le dossier ; le sang, le nombre de coups de couteaux, la mort, la présence de marques de viol ou non sont une conséquence d’un mal profond. La conséquence d’une cause. Et cette cause est le fil rouge de la série : c’est le pourquoi qui prédomine, c’est cette recherche de ce qui est inconnu, l’aboutissement d’une pensée mortifère et meurtrière qui pourrait servir de bases pour empêcher – et non prévenir, c’est aussi en débat – ce genre de crimes à l’avenir.


Dans une époque qui a vu sa période libertaire des 60’s s’effacer pour voir naître une période des 70’s plus moribonde et crépusculaire dans ses agitations sociales et morales, comme le montraient des films comme Inherent Vice ou même le dernier Quentin Tarantino Once Upon A Time in Hollywood, l’Amérique prend les allures d’un terrain de jeu où les petites villes de périphéries deviennent des espaces pour tuer et où la police, notamment locale, se fait incompétente pour gérer dans les faits ce genre d’épreuves. C’est alors que deux agents du FBI vont sillonner l’Amérique pour donner des cours à la police locale tout en commençant, avec l’aide du docteur Wendy Carr, des entretiens carcéraux avec des tueurs en série pour comprendre leurs agissements. Au delà de son duo composé du jeune loup plein d’ambition (Holden Ford) et du vieux briscard fatigué et las du goût du sang (Bill Tench) comme ce fut déjà le cas dans Seven, de son ambiance névrotique alimentée une nouvelle par la bande son hypnotique de Jason Hill rappelant celle de Trent Reznor et Atticus Ross, de sa pluie de détail sanguinolent, de la luminosité pleine de pénombre du cadre habituelle chez Fincher (il a réalisé 4 épisodes sur 10), le verbe est au centre de tout.


Premièrement la série n’interrompt quasiment jamais le dialogue, l’échange ou même le monologue narcissique. Chaque détail est mis sur un piédestal : c’est foisonnant de fluidité et exigeant dans l’architecture des rapports humains (impressionnant et glaçant personnage de Ed Kemper ou même de Jerry Brudos). Mais ces séquences continues de mots ont un but : redéfinir le genre. A l’heure où à notre époque nous voyons fleurir un nombre incalculable de séries policières où certains agents de leurs sections connaissent sur le bout des doigts l’éventail de tous les comportements diagnostiqués à des tueurs en série (Esprits criminels et ce genre programme), Mindhunter revient au fondamentaux, va creuser et débattre sur la création de ces diagnostics là. Il existe dans les œuvres du cinéaste, une formule usée mais qui se renouvelle à chaque fois : celle de de la dualité de méthode entre la jeunesse/l’ancien, le nouveau monde/l’ancien monde, l’ambition/la raison. Seven avec son duo où la fougue de Mills s’évertuait à faire renaître la flamme de Somerset et inversement, ou la modernité de recherche de Lisbeth faisait face à la méthode faite de paperasse de Blomkvist dans Millenium.


Mindhunter est une zone en friche qui, avec obsession et une méticulosité vacillante, va s’évertuer à vouloir comprendre, archiver et mettre en place une méthode pyramidale. Et c’est passionnant et les interrogatoires trépidants. Pourtant l’oeuvre pourrait devenir extrêmement monolithique et surtout particulièrement programmatique dans sa construction : entretien/compréhension, enquête/découverte, succès/chute. Sauf que la série se donne le droit d’avoir un deuxième jeu de lecture dans son escarcelle et lui donne ses lettres de noblesse : un versant plus malsain et sociétal. Au lieu d’être une simple étude du mal, au lieu d’afficher l’horreur domestique dans toute sa perversité, Mindhunter est avant tout une série très humaine et qui pose une question : que veulent les femmes ?


L’autre fil conducteur de la série se penche sur les femmes et surtout sur l’homme qui ne comprend pas les femmes. La série, notamment dans les discussions entre Holden et Debbie, aime à opposer les points de vue pour parfois différencier le comportement féminin et celui qui est masculin. Du petit ami qui ne cesse de poser la question s’il a fait jouir sa compagne et qui devient peu à peu jaloux, de l’homme qui devient fou par le désamour et le mépris de sa mère, de ces hommes qui ne peuvent s’empêcher de juger les intentions d’une femme belle et libre, de cette femme qui cache aux yeux du monde son homosexualité, Mindhunter est une grande série sur la difficulté qu’a l’homme à se remettre en question et à dévoiler sa piètre capacité à utiliser son pouvoir d’auto persuasion pour vilipender la femme et lui jeter la faute sur les épaules. Le point culminant est l’un des derniers dialogues entre Holden et Debbie sur le porche de l’appartement de cette dernière : Holden parle seul, trouve une réponse aux faits et comprend pour la première fois sa petite amie. Ce qui le poussera à prendre une décision. Mindhunter affiche une grande première saison, qui d’une main de maître horrifie et questionne autant qu’elle passionne par son déroulement, certes rapidement déchiffrable mais dont l’objectif premier est de nous perdre dans les méandres de pensées qui amènent à la mort.

Velvetman
9
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le 29 août 2019

Critique lue 1.9K fois

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Velvetman

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