C’est sans aucun doute pour faire bêtement concurrence à Netflix et sa série Formula 1 Drive to Survive que MotoGP Unlimited d’Amazon Prime a vu le jour, mais a su intelligemment prendre le contre-pied de cette dernière pour portraiturer cet autre sport mécanique. Et c’est avec la même approche que je me suis plongé dans la série, à savoir : sans rien y connaître !
La première chose qui frappe c’est l’angle résolument documentaire et humain qui a été choisi, qui dénote donc avec la dramatisation des confrontations & la narration fictionnalisée de F1 DTS (Drive to Survive). Car oui la série de Netflix est un régal à regarder, mais à quel prix ? Dire que la représentation qui est faite de la Formule 1 est biaisée serait un euphémisme. Sortir de leur contexte des injonctions prononcées par les pilotes et responsables d’écuries pour les placer en réponse aux actions de leurs concurrents, créer de toutes pièces des phrases à partir de morceaux de prises de paroles de ces mêmes personnes ou carrément leur demander de jouer la comédie pour les besoins narratifs de Netflix relève de la désinformation, au point que certains pilotes ont décidé de ne plus donner la parole aux caméras de la production; ce qui alimente aujourd’hui les memes de la communauté de F1 à coup de “Netflix drama” & de “if DTS edited this”. Tout un monde.
Et même si la série MotoGP Unlimited a également été créée dans le but de promouvoir le sport, elle rend davantage hommage à ce dernier et aux personnes qui le font vivre. Remplacer le spectaculaire par l’authentique c’est substituer les frissons d’excitation par des frissons de préoccupation, pour le meilleur et pour le pire...
Là où F1 DTS donnait l’impression que les voitures se transformaient en véritables cercueils lors de crashs de grande envergure, du fait que les pilotes étaient pris au piège par l’armature les entourant, en ne comptant que sur l’arrivée d’une aide extérieur pour les sauver, MotoGP Unlimited déplace cette personnification de la faucheuse aux virages des circuits : en effet, à force de se coucher pour tourner dans les virages, il ne se passe pas une course sans une poignée de chutes, oscillant au mieux entre glissement de la moto qui fait perdre du temps et donc des positions, au pire vers une sortie de piste qui fait valdinguer moto et pilote dans un ballet horrifique où l’humain impliqué - impuissant - se transforme en pantin désarticulé avant de finir soit à l’hôpital soit à la morgue, au bon vouloir du destin. Un spectacle étrangement non censuré et où malgré les avancées considérables en terme de sécurité, demeure un sport d’équilibriste (au sens propre du terme, de part le centre de gravité de la machine et de l’étroit tracé (la ligne) que doivent maintenir les pilotes) entre l'insensé et l'impensable, où chaque enrôlé accepte le compromis suivant comme contrat de travail : finir victorieux ET en vie. Pas si simple de concilier les 2.
Et c’est lorsque certains prennent conscience qu’ils ont quelque chose à perdre (leur vie, après avoir subi un grave accident, ou celle de leur enfant nouvellement né par exemple) que la balance penche : les trompe-la-mort se réveillent et reviennent à la réalité en mettant fin à leur carrière, ou bien replongent dans cet antagonisme rêve-cauchemar en concourant de nouveau, fermant les yeux sur l'épée de Damoclès qui les poursuit et du fardeau qui les dépasse.
Chaque virage est un supplice, tant pour les pilotes qui sont à chaque instant aussi proches de la mort que d’une potentielle consécration, que pour les spectateurs qui assistent - complices - au dénouement de l’un ou de l’autre.