Précision incontournable pour tous ceux qui n'auraient pas vu l'anime : il est impératif d'avoir vu les deux séries Kaiji pour capter les références, les personnages et, accessoirement, ce qui donne son sel à Chuukan Kanriroku Tonegawa : le décalage entre le ton sérieux et tragique des premières œuvres et ce qui nous est offert ici.
Cela étant à présent rapporté, la critique peut débuter.
Chuukan Kanriroku Tonegawa, écrite en premier lieu par le même auteur que Kaiji se veut la démonstration de l'auto-dérision absolue d'un auteur vis-à-vis de son œuvre phare. Imaginez Georges Lucas qui parodierait Star Wars (délibérément, j'entends) en produisant une série dérivée autour de Stormtroopers incompétents et dépressifs sous les ordres d'une amirauté désespérée, rageant de se savoir bloqués entre des subalternes incapables et des supérieurs aux idées stupides. Si vous parvenez à visualiser cela, alors vous avez capté l'essence de cet anime.
L'idée est la suivante : Kaiji repose sur une série de jeux macabres visant à endetter davantage les participants sous l'œil satisfait de Tonegawa, redoutable requin aux ordres du sadique président Hyôdô. Le dénouement se veut généralement douloureux pour beaucoup. Les innocents en particulier.
Avec Chuukan Kanriroku Tonegawa, on aborde les modalités qui ont abouti à l'idée de ces terribles jeux. Tout est alors fait pour ridiculiser la Teiai dans son intégralité. Séminaires et powerpoint, tout est fait pour détruire le sens de l'épique et tuer le mythe Kaiji afin de mieux en rire. Les principales problématiques ne tiennent plus à savoir si l'on subira une chute mortelle mais si l'on parviendra à retenir le nom de tous ses subalternes. L'envers du décor se veut pitoyable, les silencieux hommes en noir de la Teiai, bénéficiant alors d'un développement de leur personnalité, font montre d'un amateurisme à toute épreuve.
Chuukan Kanriroku Tonegawa, c'est Saw qui rencontre la série The Office avec Jigsaw comme patron désabusé en personnage principal. Jamais parodie n'a visé aussi juste que lorsque l'auteur du support raillé se trouve être celui-là même à s'en moquer. Rien n'est épargné, pas même les comparaisons démesurées du narrateur afin de mieux situer un événement dramatique se voulant, ici, on ne peut plus dérisoire.
Rien, pas même le plus infime ressort de mise en scène ne sera épargné. Un régal pour qui aura su apprécier Kaiji.
En supplément des aventures de Tonegawa, un autre des adversaires de Kaiji aura droit lui aussi à ses propres aventures : Ootsuki. Ses pérégrinations occasionnelles hors de la mine de travaux forcés du groupe Teiai l'amèneront à fréquenter divers restaurants au gré de ses périples (dont certains émouvants). Jamais on ne m'avait autant ouvert l'appétit. Les plus succulents fantasmes culinaires de l'auteur nous sont déballés sans vergogne pour nous faire saliver entre deux ricanements.
À voir pour parachever l'aventure Kaiji. Il est déplorable que les œuvres de Fukumoto n'aient pas connu davantage d'adaptations animées, d'autant que celles-ci sont très réussies ; aussi bien sur le plan technique que de la mise en scène.