Étant encore assez novice en matière de japanimation, j'ai longtemps été intimidé par des animes comme Mushishi ou Ping Pong, adulés avant tout par les connaisseurs -d'aucuns diront "élitistes". Je nourrissais cette crainte idiote de tomber sur quelque chose de trop intello, trop perché, trop prétentieux pour que je puisse l'apprécier. Puis mon intérêt pour les animes n'a cessé de croître au fil des mois, j'ai commencé à suivre les sorties saisonnières, élargissant à chaque fois ma liste afin d'y inclure un maximum de productions différentes. Dans le même temps j'ai regardé et adoré Ping Pong, ainsi que The Tatami Galaxy. Bref, j'ai découvert de super choses en mettant de côté mes préjugés, si bien que j'ai fini par donner une chance à Mushishi. On peut dire que j'ai bien fait.
Il ne m'aura pas fallu plus d'un épisode pour tomber sous le charme de la série. Les paysages fourmillant de détails sont à tomber, chaque décor est plus beau que le précédent et s'il est vrai qu'ils sont généralement figés, ils n'en demeurent pas moins pleins de vie. Le chant des oiseaux, le bruit de l'eau qui coule, du vent qui souffle ou des pas du héros... L'animation n'est pas en reste : pluie, neige ou fumée sont représentées avec une grande fluidité, de même que les mushi, qu'ils soient plutôt gazeux ou gélatineux. La musique est au diapason, tantôt légère, tantôt angoissante, avec une pointe de mystère omniprésente. Tout est fait pour nous immerger dans ce Japon rural fictif du 19e empreint de magie.
Au niveau graphique, je n'ai que deux petits reproches à faire à l'anime : les visages "effacés" (sans détail) sur les plans éloignés sont parfois déroutants, et le chara design manque de diversité. Ce dernier défaut n'en est pas vraiment un compte tenu du format épisodique de la série, chaque épisode étant centré sur de nouveaux personnages. De ce fait, les designs sont plus ou moins interchangeables.
En revanche les persos ne le sont pas, ils sont tous dotés d'un background intéressant que l'anime nous livre à l'aide de flashbacks. Je me suis toujours senti proche d'eux, ils ont quelque chose de familier, quelque chose de vrai et ont su me marquer malgré la brièveté de leurs apparitions. C'est la preuve d'une écriture de qualité, qui parvient à transmettre les peurs et les espoirs des personnages en quelques minutes. Ici les sentiments sont traités sans artifice, avec une grande pudeur, pas de hurlements ou d'effusions de larmes à tout-va. Le fait que les protagonistes narrent eux-mêmes leur passé favorise cette proximité, cette empathie. Ces humains n'ont pas toujours le bon rôle pour autant. Rarement, même. Mushishi met en scène l'éternelle lutte de l'Homme face à la Nature, symbolisée ici par les mushi. Une Nature aussi magnifique qu'impitoyable, mais dénuée de mauvaises intentions, défiée par un Homme qui la craint, ne la comprend pas et cherche en vain à la maitriser.
Ginko fait office d'arbitre dans ce combat, une force neutre errant d'un village à l'autre afin d'aider son prochain à cohabiter avec son environnement. On sait peu de choses sur lui et ce n'est pas plus mal, ce mystère confère une aura presque divine au personnage, chargé de porter le message de l'oeuvre. Un message de respect et de compréhension de la Nature. Point de manichéisme cependant. Certes l'Homme fait preuve de bassesse dans Mushishi, parfois d'arrogance, mais il est... Eh bien, humain. Faillible. Ginko se laisse d'ailleurs attendrir par moment, brisant les règles qu'il s'est lui-même fixées, pour des résultats mitigés dans l'ensemble. Car l'anime assume sa position jusqu'au bout et ne cède pas à la tentation des happy ends faciles.
En fait, Mushishi en tant qu'oeuvre a atteint un équilibre parfait, limite paradoxal. Il dégage une atmosphère paisible malgré le caractère tragique des intrigues. Ses personnages sont presque anonymes et pourtant si touchants. Son rythme est lent mais la narration riche et efficace. Son message est fort mais nuancé... Et le tout est d'une grande cohérence. Un chef d'oeuvre à mes yeux.