Nadia enfin libérée de la censure !
Nadia et le secret de l'eau bleue c'est pile poil en 1990.
La série se voit diffusée chez nous une première fois en 1991... parfois remontée et surtout pas mal censurée ! Quand elle repasse sur une chaîne du câble au début des années 2000, catastrophe, ça reste encore la version censurée et remontée. Mais pourquoi tant de haine ? Pourquoi faut-il attendre 2014 pour qu'enfin la série puisse être décemment réhabilitée sur support vidéo ? Et c'était quoi cette censure en plus hein ?
Tenez-vous bien, si je vous dis le mot "boobs", vous penserez nudité. Ah ben oui.
Et de la nudité il y en a un peu dans Nadia. Il faut dire que Gainax n'a pas vraiment de tabou avec ça, on se rappelle Gunbuster et certains plans fort, euh, sympathiques. Et puis Evangelion aussi, ahem.
C'est en partie pour ça (et des scènes parfois d'une rare violence psychologique) que la série fut charcutée quand elle passa à la télé. Dragon Ball Z ou Ken le survivant ? Ah ben aucun problème ! Par contre Nadia, hop on va prendre des ciseaux et coupe-coupe. N'est-ce pas un peu aberrant ? Surtout qu'avec le recul aujourd'hui (la ressortie remastérisée en blu-ray et dvd de la série en 2014 est providentielle : tout est là et ce qui avait été retiré par les prudes télévisuels du ciseau est réintégré en japonais sous-titré --eh oui, comme ça n'avait donc jamais été diffusé à la télé française, il n'y a pas de doublage d'origine de conservé. On passe donc parfois du français à de la VOST l'espace de quelques scènes), ces scènes de nu s'avèrent finalement sans gravité. Les scènes sanglantes ou de violence psychologique elles, gardent tout leur impact et font que au fond, ce n'est pas vraiment pour les enfants (mention spéciale à l'épisode 15 où, hors-champ heureusement, on assiste à la mort brutale d'un personnage qui se sacrifie pour en sauver d'autres. Scène de près de 10 mn totalement absente de la diffusion française !). Oui mais le dessin a l'air mignon, me direz-vous. Taratata, comme dirait Ackbar dans Star wars "it's a trap".
Mais un beau piège, séduisant comme le rubis que porte Nadia. Et la série a quand même beaucoup de qualités il faut dire. Gainax oblige, comme ces gens là ne font jamais tout comme les autres, la série a l'avantage de proposer un personnage principal féminin fort, belle, intelligente et surtout de couleur de peau brune (Nadia est une métisse) et qui est à la fois pacifiste et végétarienne. Ce dernier point est à souligner car Nadia s'interposera violemment pour souligner son dégoût évident quand Jean et d'autres personnages mangent de la viande, voire ramènent la dépouille d'un faon lors d'une chasse sur une île isolée. J'avais lu ailleurs que le personnage était horripilant avant de recommencer à me replonger dans cette série que je n'avais vu qu'en divx VOSTA via un ami au lycée il y a de ça près de 15 ans, mais c'est en partie faux. En partie parce qu'on voit qu'à travers tous les plans Nadia est attentionnée avec les autres, s'intéresse à Jean, lui fait part de ses problèmes, le comprend. Comparé à Asuka dans Evangelion, Nadia ne se met jamais en avant, n'est pas égoïste, cherche à comprendre, elle subit même constamment pas mal d'évènements liés à la mystérieuse pierre bleue qu'elle porte autour de son cou. Tandis qu'Asuka, j'ai jamais compris pourquoi autant de gens la vénéraient, j'ai toujours eu envie de lui foutre des gifles, donc bon... Mais comme je l'ai dit, ce n'est qu'en partie puisque d'une manière incompréhensible à un moment, le personnage changera totalement de comportement, réduisant toute l'empathie et la compréhension qu'on pouvait en avoir à un degré proche du zéro (mais j'y viens plus bas).
Située en 1889, Nadia est transcendée de deux influences majeures auquel le récit fait parfois divers clins d'oeils ou pas. La plus évidente d'abord, Jules Verne. Ce bon vieux Verne à qui l'on emprunte Le Nautilus et le capitaine Nemo de 20000 lieues sous les mers, quitte même à nous refiler le calmar géant en bonus pour se faire plaisir (épisode 16) dans une situation dramatique qui aurait fait plaisir à l'écrivain (cette fois, le sous-marin est attqué par la créature géante mais horreur, impossible de remonter à la surface car nous sommes sous les glaces de l'Antarctique !). La seconde, Miyazaki directement où la pierre bleue en pendantif de Nadia est une citation directe de celle, géante, du château dans le ciel dans le film éponyme. D'ailleurs à nouveau comme Miyazaki, le réalisateur Hideaki Anno évoque les dangers d'une science et d'une technologie avancée quand elle tombe entre de mauvaises mains le tout sur fond de dépaysement et d'aventures à fond de train comme le film du studio Ghibli.
D'ailleurs il est surprenant de constater que les 10 premiers épisodes de la série filent vite, très vite, déchargeant toutes leurs balles d'un coup à un rythme étourdissant qui file le tournis mais procure une sensation assez grisante. On croise le Nautilus dès les épisodes 3 et 4 et les méchants principaux de la série dans le même temps. A la fin du 10ème épisode, après une première victoire, on se dit même qu'on pourrait arrêter là, comblés. La suite ralentit pas mal la vitesse mais conserve des fulgurences assez incroyables (La visite de l'Atlantide alors qu'on est qu'à un tiers de la série !) jusqu'à ce que frappe le syndrôme Dallas-Twin Peaks vers l'épisode 23 et qu'un gros surplace s'impose et que l'histoire stagne.
Pourquoi ? Parce qu'à l'origine, Nadia devait faire une petite vingtaine d'épisodes. Anno, pas content avec les producteurs leur dit de se démerder et une seconde équipe, sud-coréenne et pas du tout douée fait des épisodes en plus. Evidemment l'histoire reprendra brutalement vers la fin (ah bah comme Twin Peaks avec les derniers épisodes) et Anno se vengera avec Evangelion où il aura le champ libre mais ce creux qui, s'il permet de remplir habilement l'histoire sentimentale qui se dessine lentement entre Nadia et Jean en profite pour multiplier les incohérences et porter les personnalités de leurs personnages à un extrême dont on se serait franchement bien passés. Ainsi d'un coup (un certain trauma n'excuse pas tout, je suis désolé), Nadia devient d'un coup une pétasse chiante et hystérique qui ne cherche qu'à rabaisser Jean. Jean, lui-même, qui multipliait fréquemment gaffes sur gaffes devient de plus un gros boulet incapable de la moindre compréhension de son amie. On sait que la Gainax a souvent critiqué les otakus (le message final d'Evangelion pourrait presque se résumer à "et maintenant sortez de chez vous, ayez une vie bordel") mais là, plus que le pauvre Shinji plus tard, la caricature est sévère. Au moins Shinji était renfermé mais le Jean dans ses livres et sans relever la tête alors qu'il y a une fille magnifique qui l'aime, on frôle l'autisme radical et là pendant ces épisodes (24 à 34 excepté les 30 et 31 où l'on sent qu'Anno revient à la charge un instant). J'avais jamais vu autant une série adorer ses personnages et les détester durant quelques épisodes en les faisant changer de personnalité d'un coup pour que le public les déteste de plus belle, je me demande si ce n'est pas un sabotage du réalisateur et de la première équipe pour faire chier les producteurs de la NHK (et les spectateurs par là-même), en tout cas le sabordage est réussi et manque presque de tout faire couler la série.
Et du coup on se fout comme de son premier slip des persos sur cette poignée d'épisodes qui empêche Nadia et le secret de l'eau bleue d'être parfaite. Heureusement dans les 5 derniers épisodes, Hideaki Anno reprend la main de justesse pour un final dantesque. Globalement donc, le divertissement est dans l'ensemble assuré et la série reste assez passionnante en plus, remastérisation au poil, de n'avoir pas pris une ride. Brillant donc mais loin d'être la série du siècle dont on vante les mérites un peu partout, faut pas déconner (la revue Animage qui cite Nadia comme l'une des meilleures séries d'animation de tous les temps, mouais, un peu de recul les mecs quoi).
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