Narcos Mexico, revient aux sources du trafic pour ces cartels mexicains qui auront œuvré dans les années 70, et qui auront continué gentiment à prospérer jusqu'à aujourd'hui, avant l'arrestation récente d'El Chapo voyant entre temps, tous les chefs de file colombiens et mexicains, arrêtés à la fin des années 80 - sans changer quoique ce soit à la bonne santé du trafic-.
Si on retrouve le schéma de Narcos, avec les images d'archives qui permettent à nouveau d'être confrontés à l'histoire du pays, ou les anecdotes par la voix off récurrente de ces séries, on regrette rapidement l'absence de José Padhila aux commandes. L'immersion par l'aspect documentaire -et documenté- de la série mère, est sapée par tout un panel de personnages qui la dévie de sa ligne directrice, ici, plutôt axé DEA et corruption que Cartel. Un scénario qui s'arrange pour servir ses rebondissements mais qui en oublie de creuser et de détailler son écriture. Avec des sous-intrigues amoureuses remplaçant le portrait d'une population soumise à l'insécurité, il faudra s'armer de patience, avant d'apprécier l'ensemble - et se tourner vers d'autres sources pour mieux se frotter à la réalité-.
Narcos Mexico raconte la montée en puissance et la chute de Miguel Felix Gallardo (Diego Luna) baron du cartel de Guadalajara. Ce jeune homme discret mais particulièrement opportuniste, fils d'agriculteurs et ancien policier d'une petite ville du Sinaloa, mobilisera dans un premier temps tous les paysans déjà rompus à la culture de la Marijuana, grignotant de plus en plus les territoires alentour et regroupant un certain nombre de Plazas pour passer de la culture de l'herbe à celle de la cocaïne, en proposant ses services aux cartels colombiens (Medellin et Cali). Son appât du gain, soutenu par les hautes sphères et les guerres intestines, le verront sans cesse user de son intelligence à se sortir bien souvent de mauvaises passes, négociant en passant avec la CIA. La main mise des Etats-Unis sur la gestion du Mexique finira de signer sa perte, pendant que d'autres se partageront les restes ou essaieront de passer rapidement à autre chose, avec plus ou moins de réussite.
Malheureusement, on comprend rarement tous les rouages. Les multiples trous scénaristiques, ellipses et raccourcis déconcertants, en passant par des actions pas toujours claires, d'une logique incompréhensible ou d'un intérêt tout relatif, ou encore la facilité de certaines résolutions occultant totalement le parcours, sans oublier ceux qui disparaissent de l'équation.
-Gallardo, grillant aussi facilement toutes ses cartes en seconde saison, que passant entre toutes les mailles de tous les filets, tout aussi facilement en première, rend le cheminement peu convaincant-.
Pourtant, malgré une mise en scène classique, le rythme reste soutenu, les décors et l'ambiance travaillés, avec une belle élégance, quelques fulgurances nous rappelant la réalité du monde magique et délétère de la poudre, une visibilité des territoires et des personnages appréciable et une tentative de regard objectif sur tous les intervenants n'hésitant pas à pointer l'hypocrisie des Etats-Unis, lâchant constamment ses agents, ou d'un Mexique qui confond démocratie et dictature plus soucieux de manipuler les élections que de venir en aide aux sinistrés du séisme de 1985.
La complexité, l'ambiguïté et l'absence d'empathie pour ses personnages dans Narcos, oscillent ici entre actes de torture et bienveillance. L'humanisme d'un Pablo Acosta,( Gerardo Taracena Apocalypto), soudainement conscient de ses activités, ou de l'émotif Rafa (parfait Tenoch Huerta) amoureux de son champ de beuh, faisant une fixette sur sa production. Enfant prodige d'une variété d'herbe sans graine (Sensimilla) anéanti par la mise à feu de sa plus belle création en plein désert, de 500 hectares de Marijuana.
La scène, quoique historique, nous fait aussi de la peine, mais laisse bien perplexe par cet acharnement, en regard des difficultés à mobiliser des agents et aux dégâts bien plus mortifères de la cocaïne, déjà bien ancrée sur le sol américain.
Diego Luna, souligne par son manque d'empathie la réussite de son ascension en même temps qu'il pointe subtilement les ravages d'un engrenage particulièrement sournois, sans retour possible. Distant, la solitude de l'homme se décline parfaitement tout au long des deux saisons en même temps que son personnage dérive lentement vers des sentences de plus en plus radicales. L'aspect romanesque d'Escobar étant totalement absent, il rajoute à la crédibilité de son personnage.
Michael Peña, (Enrique -Kiki- Camarena) peu charismatique, ne fait que rajouter à une certaine réalité d'hommes de terrain lambda, peu formés et qui n'ont pas saisi où ils mettaient les pieds, mais tout à leur volonté de se sortir du lot sans avoir l'étoffe du guerrier. Ce sera aussi Jaime (Matt Letscher) qui saura mieux montrer toute la difficulté à naviguer dans le flou, en chef de service motivé par l'entrain de Enrique et soutien indéfectible -sans atteindre le rendu d'un Boyd Holbrook dépassé par les événements, dans Narcos-.
L'occasion pour introduire les freins que subissent la DEA à stopper le trafic face aux services de police et gouvernement mexicains, corrompus jusqu'à l'os et au laisser-faire d'un gouvernement américain. Viendra en miroir de Camarena, en seconde saison, le personnage de Breslin (Scoot McNairy) sobre et évolutif, qui si au début fait peur avec sa bande de mercenaires bien burnés, remporte finalement l'adhésion pour cet homme soumis lui aussi à vents contraires. L'opération Leyenda mise en œuvre pour retrouver ceux qui ont kidnappé Camarena, aura tendance à bien agacer au départ dans ce qu'elle implique de quête de vengeance bien américaine, en oubliant tous les dommages collatéraux mexicains. On se rassure en seconde partie par un ton amère et dépressif et enfin un peu plus d'action et de profondeur, à défaut de parler de son vrai sujet.
Ne déméritent pas non plus tous les seconds rôles avec Joachin Cosio, Joé maria Yazpik, Julio Cedillo et le retour de l'impeccable Alberto Ammann. Wagner Moura reprenant le temps d'une scène son rôle de P.Escobar, où il prend toute la place, nous manquera tout d'un coup. Si les femmes n'ont rien à envier à leur alter-ego masculins avec Enedina (Mayra Hermosillo) en quête de pouvoir et particulièrement rompue à la traîtrise, ce sera la lutte contre les règles patriarcales des trafiquants pour Isabella (Teresa Ruiz) qui n'en finit pas de trouver des solutions à gravir les échelons et de passer entre les gouttes. Son personnage inspiré de la Reine du Pacifique (Sandra Ávila Beltrán) aujourd'hui libérée, donnera au moins l'occasion de s'intéresser à tous ceux dont on ne parle pas.
Une troisième saison devrait clore le chapitre du Mexique et de ses biens belles régions, avec les clans Juarez, Tijuana et la montée en puissance d'El chapo (Alejandro Edda) pour le Sinaloa.
A suivre.