Neon Genesis Evangelion. Un nouveau départ, une nouvelle genèse. Et c'est bien ça le problème.
Après re-visionnage de la série j'ai compris une chose. On use beaucoup d'encre et de salive à tergiverser sur la fin de cet anime. Mais de fin il n'y a pas.
Anno n'a pas créé Evangelion, non, il a donné naissance à une entité à part entière. Celle-ci est un monde qui n'a besoin de personne pour exister. Ni des critiques, ni même du public. En 1995 est né l'Eva. L'humanoïde créé par les hommes afin d'équivaloir dieu. Mais il n'est pas un élément de la série comme on pourrait le croire. Non. La série est Eva, dans sa plus profonde immortalité.
J'ai compris, en lisant la critique d'EcceLex qu'il n'y avait tout à comprendre, mais rien a définir de façon immuable.
Eva est comme un débat nocturne d'étudiants en philo au comptoir d'un bar. Elle est sans fin. Peu importe le nombre de visoinnages qu'on s'accordera et peu importe les heures passées à tenter d'y voir plus clair : le thème majeur de NGE pourrait bien être le cycle.
Pourquoi ?
Tout d'abord, le cycle est un élément récurent du scénario. A la fois le commencement l'aboutissement de celui-ci traite du même sujet : un nouveau départ. Que ce soit le second impact ou l'étude du cas psychologique de Shinji, on en revient à Repartir.
Ensuite, la boucle sans fin est systématique chez les différents personnages. Shinji abouti sans cesses à la même conclusion : Je ne dois pas fuir. Asuka ne parvient pas à s'échapper de son enfer mentale et le dit elle-même "J'ai l'impression d'enfoncer des portes ouvertes" tant dis que sa voix-off est accompagnée d'un visuel illustrant une succession de portes ramenant toutes au même point. Quant à Rei, le principe même de son personnage est que lorsqu'elle disparait elle renait. Elle possède une âme éternelle et une succession de corps tous identiques. Semblable au phoenix, quoi du plus récurent ?
J'omets les autres personnages de la séries, mais tous on ce point commun de tourner en rond. Sans que personne jamais ne s'échappe. Mis à par Kaji. Mais je ne me permettrai pas de développer son cas qui m'échappe encore beaucoup trop.
Enfin, il y a le plan de complémentarité de l'homme. Celui-la même qui vise à mettre fin au fait que l'humanité tourne en rond et ne peut plus évoluer davantage. Celui qui annihilerait toute forme de reproduction et donc de cycle. Celui qui vise à ce que tout ne fasse plus qu'un. Et de façon plus analysée, celui qui est supposé inciter tout un chacun à sortir de son univers propre.
Voilà pourquoi je me risque à affirmer qu'Evangelion est auto-dépendant. Qu'Evangelion s'auto-alimente sans cesse.
Outre ceci, il me semble également important de parler d'un point fort de la série sur lequel Anno a énormément insister, jusqu'à en faire le moteur de la dynamique de celle-ci. J'appellerai cela la Préface.
Pour être franc, c'est mon émotion personnelle qui m'a poussée à faire cette analyse. J'avais 12 an lorsque j'ai vu la série pour la première fois. J'ai ensuite pleuré pendant plusieurs jours. Et j'ai mis des années à m'en remettre (en admettant que je m'en sois remis). Car Eva est une série hyper-émotionnelle. Et c'est grâce à elle que j'ai compris la chose suivante : les meilleurs choses de la vie sont celles qui les précèdent. En tous cas c'est, je pense, ce que démontre Anno.
Pourquoi ?
Premièrement, la série se termine sans donner de réelle fin au scénario tel qu'on le conçoit au premier degré. Mais quelle réelle importance ? Certes la frustration... Mais c'est elle qui a donné à Eva son succès. Aurait-il été aussi grand si Anno avait pondu un Happy Ending ? (et dieu sait que je ne suis pourtant pas de ceux à cracher sur ces soulagement faciles). J'en doute. (Parenthèse : je le soupçonne même d'avoir orchestré cette frustration dans ce but).
Et pourtant, quel moment de qualité extrême. Le visionnage d'Eva est sans conteste un choc d'une puissance énorme. Et c'est ça la meilleure partie. Ce qui préface la fin.
Deuxièmement, La série se boucle sur la préface d'un commencement. Non seulement pour envoyer un message (pas très clair) aux otakus, mais aussi car cet instant qui précède l'entrée en matière est souvent le plus jouissif. Une simple analogie sexuelle avec les préliminaires peut le démontrer. Mais je vous laisserai le plaisir d'en juger.
Troisièmement, rien ne se passe jamais. Et oui que c'est rageant. A titre d'exemple je citerai la relation matériellement inexistante entre Shinji et Asuka. Comme un amour d'adolescents. L'attirance poussée parfois à des points de paroxysmes, mais jamais concrétisée. C'est d'ailleurs cette piste majeure qu'explorent les mangas Iron Maiden 2nd et Shinji Plan de complémentarité de l'homme, très axés fan-serice. (A voir aussi le Fanfic très bien réalisé "Re-Take" et "Re-Take After").
J'ai compris, au travers d'Evangelion, au juste moment de ma vie, à quel point les préfaces sont importantes. Nous sommes des êtres tels que la satisfaction est un salut d'un instant. Et que le réel bonheur, la vrai plénitude réside dans le manque. C'est lorsque l'on est à à une seconde de la jouissance que l'on se sent réellement satisfait, paradoxalement.
Et bien Anno nous explique cela, en laissant trainer tout le long de sa réalisation une atmosphère de "presque". C'est fortement déplaisant, mais c'est aussi un message quant au conseil d'accepter cette situation et d'en extraire sa joie personnelle.
Il y aurait des millions d'autres choses à dire. Et j'éditerai surement cette critique un des ces quatre pour y rajouter quelques paragraphes afin de la rendre encore plus confuse. Mais c'est l'effet Eva...
J'en viendrai donc à parler d'un ultime point, celui sur lequel j'avais basé ma première critique : la dynamique.
La dynamique de Evangelion est tout simplement parfaite.
Les rythmes lents (très lents) et rapides s'entrechoquent à merveille. Cette série, dans sa fiction profonde, est plus que réaliste. Elle retranscrit avec beaucoup de finesse le cours d'une vie. Alors que d'autres animes misent sur une succession de moment puissant et vifs, Evangelion prend le pari de se laisser aller au Quotidien.
Alors oui, ça peut déplaire. Mais soyons objectif, c'est fidèle. Fidèle à notre mouvance de tous les jours.
De fait, si l'on rentre dans l'esprit de la série, on ne peut qu'être absorber par sa réalisation.
Il n'y a que 26 épisodes, et pourtant on croirait en voir le double. Le developpement des personnage est fort bien géré, l'essentiel induit le superflu de sorte qu'on semble se perdre dans leurs univers alors qu'on n'y jette tout juste un yeux.
L'esthétique, le montage, et l'ambiance font de cet anime un bijou. Une perle rare. Peu importe ce qu'on pense des fins (qui sont selon moi toutes très bonnes).
Rappelez vous cette scène ou Asuka vient se recoucher près de Shinji qui actionne son baladeur à l'envers. Celle-ci me semble définir à elle seul l'intérêt de la série, qui contrairement à ce qu'on peut l'imaginer n'est pas uniquement dans la finalité, mais dans le banal. Dans la latence de tous ces petits moments clefs dont Evangelion regorge.
Comptes tenus de tout cela... Je crois qu'Anno a fais ce qui pourtant est impossible. Il est parvenu à toucher du doigt la perfection. Pas en lui-même, mais en son enfant. En cette Eva qui dépasse de loin nos capacités de réflexions humaines. Pour être honnête, je ne pense pas qu'il avait d'ailleurs pris conscience de ampleur de sa création. Mais il lui a offert des bases tellement solides que comme je l'ai dis, et le répète, elle vole à présent de ses propres ailes. Anno a créé une Eva. Proche de nous en tous point. Mais avec une part de dieu (traduisez de perfection, au sens de l'anime) en elle. A titre informatif, je préciserai également que j'ai lu par le passé une interview d'Anno, plusieurs années après la fin d'Eva. Il était très clair. Il ne voulait plus parler de ce projet. Il voulait passer à autre chose. L'oublier. Mais le ton qu'il employait rappelait la peur. Comme s'il avait compris que lui-même n'en sortirait jamais. Comme s'il cherchait à fuir son propre monde. Ironique n'est-ce pas ? Lorsqu'on connait le leitmotiv de Shinji. Ironique également lorsque l'on constate qu'il y est finalement revenu sa nouvelle Tétralogie, comme aspiré à nouveau par Eva. Chercherait-il a y mettre une réelle fin ou en est-il prisonnier ?
J'en arrive donc à me dire qu'Eva, et bien c'est peut-être trop pour nous. Certes je maintiens qu'il s'agit à mon sens du plus gros anime de tous les temps. Mais également d'un thèse psychologique aux multiples facettes à voir sans attendre. Cependant... un constat s'impose. Personne qui s'est plongé dans NGE ne semble s'en être totalement sorti. Alors oui c'est enrichissant, mais est-ce que ça vaut la peine de tomber dans cette spirale infernale de prises de conscience (et pas que pour les otakus comme j'ai tante de la laissé transparaitre dans ma critique). Je n'en suis plus très sur. Evangelion pourrait bien être dangereux. Evangelion pourrait bien nous dépasser tous.