Les œuvres qui nous ont marqués durant notre jeunesse ont très certainement une place spéciale, et nous avons à leur égard une légère tendance à les surévaluer, à ne pas voir leurs défauts et leurs limites. Et pourtant, plus de 15 ans après l’avoir vue et revue, il m’est impossible de réduire la qualité de la série Evangelion à la nostalgie qui m’anime à son sujet.
S’il fallait la résumer en une formule, il me semble que la grandeur de NGE réside dans le fait qu’elle fait coexister la plus grande complexité (dans les détails du scénario) et la plus grande simplicité (dans les véritables enjeux de l’histoire). On pourrait même dire que pour accéder à cette simplicité sous sa forme la plus cinglante et la plus vraie, il faut avoir usé cette complexité chère à Anno jusqu’à la moelle.
Je m’explique un peu. Lorsque dans un premier temps on fait face à Evangelion, il faut accepter de ne pas tout comprendre au déroulement de l’histoire, à la nature des Evas, aux impacts, aux anges, aux sefirots, etc. Cette incompréhension frustre et stimule à la fois, nous pousse à chercher une cohérence interne à l’œuvre, quelque chose comme une vérité que proférerait la série (qu’on décortique épisode par épisode, voire même plan par plan pour les plus acharnés). Si brillant soit cet agencement de mystique et de science fiction, NGE ne se limite absolument pas à cela, et une fois qu’on a creusé jusqu’à leur limite les différents éléments du puzzle, reste la détresse, la joie, les émotions universelles qui animent les personnages principaux.
Le personnage central est bien évidemment Shinji. Shinji et sa faiblesse, sa peur incessante d’être blessé et son besoin de chaleur, d’amour et de reconnaissance. Anno voit juste, jusque dans les excès et le côté insupportable de son héros. Ado, tout ça me parlait, faisait écho à mes propres angoisses, à ma peur de l’autre. Un porc-épic parmi ses congénères, distant et apeuré, mais qui faisait mine d’avancer. Et tout ça me parle encore, malgré l’apaisement tardif et peut être illusoire de l’âge adulte ; il y a comme une marque indélébile.
Il ne s’agit pas dans une critique d’analyser une œuvre, même si c’est toujours tentant avec Evangelion. L’analyse "spoile" trop d’une manière générale. Nous dirons juste que le dépouillement, la forme même des épisodes 25 et 26 indiquent que l’essentiel n’est pas là où on le pensait ; il était beaucoup plus proche de nous, beaucoup plus modeste que l’on pouvait le croire. C’est la vie, celle de chacun, une vie singulière, incomparable à celle des autres et qui pourtant se résume à une question, toujours la même : suis-je heureux ?
Y-a-t-il des points plus objectifs qui pourraient inciter à regarder cette série pour la première fois ? Assurément, oui. Les épisodes ont un rythme très agréable, l’animation est dans l’ensemble remarquable, le chara-design est simple et soigné et le doublage tout bonnement fabuleux (la version française n’est pas ridicule mais ne tient pas la comparaison avec les voix originales). La musique, et notamment certains morceaux du répertoire classique, est brillamment utilisée (leur présence n’est jamais pompeuse et complète très bien les scènes en question, comme dans les épisodes 22 et 24).
Concernant les points faibles de la série, pour l’avoir regardée avec ma compagne (qui n’est pas fan de japanimation mais qui a l’esprit plutôt ouvert), le côté mécha l’avait un peu refroidi. Il y a aussi la tendance d’Hideaki Anno à toujours présenter des histoires avec un background très fouillé que seuls les initiés ou les persévérants peuvent s’approprier.
Mais ces point négatifs ne comptent pas vraiment, la série est géniale et elle figure parmi mes œuvres favorites (tout genre confondu), ce qui n’est pas nécessairement un gage de qualité mais bon =)
Enfin, il paraît indispensable de regarder The end of Evangelion par la suite, afin d’avoir accès à une fin davantage construite et pour oublier un peu la frustration qu’on peut éprouver après les deux derniers épisodes de la série (même si personnellement je les trouve essentiels).
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