#MeToo démocratisé
Dès le début du premier épisode de Ni una más, le dernier « teen drama » espagnol mis en ligne par Netflix, on voit une jeune fille, visiblement accablée, et plus au moins mise au ban de son lycée,...
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le 4 juil. 2024
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Dès le début du premier épisode de Ni una más, le dernier « teen drama » espagnol mis en ligne par Netflix, on voit une jeune fille, visiblement accablée, et plus au moins mise au ban de son lycée, déployer à l’entrée de l’établissement une banderole clamant « Attention ! Ici se cache un violeur ». Avant que le huitième et dernier épisode ne nous offre la suite de cette scène, la mini-série créée par Miguel Sáez Carral va adopter la forme narrative classique du flashback pour nous raconter les mois qui ont précédé dans la vie d’Alma (Nicole Wallace, excellente dans un rôle intense), cette lycéenne qui choisit la manière forte pour dénoncer un crime.
Et très rapidement, les codes du teen drama adoptés par Miguel Sáez Carral et sa co-scénariste Isa Sánchez vont se révéler une fausse piste, le sujet et le suspense de Ni una más (soit « pas une de plus ») tournant clairement autour de la multiplicité des dangers potentiels que courent les adolescentes dans un monde violent, mais de plus en plus contaminé par les attitudes toxiques engendrées et encouragées par les réseaux sociaux. On parle ici de suspense car l’habileté du scénario de Ni una más est de nous faire craindre à chacune de ses péripéties l’irruption de violences sexuelles dont pourraient être victimes Alma et ses amies, et de créer ainsi une tension régulièrement très forte : le téléspectateur – surtout masculin – fait l’expérience viscérale de la terreur que peuvent ressentir les femmes entourées de prédateurs potentiels, et se trouve – ce qui n’est pas si fréquent, surtout dans une fiction populaire -, placé dans la position de victime, qui lui est normalement « étrangère ». Grâce à ce mécanisme, simple mais diablement, efficace, l’importance de la lutte contre tous les comportements masculins toxiques, voire criminels, devient une évidence indiscutable : la démarche #MeToo, cette dénonciation médiatisée des violences sexuelles, n’est plus un phénomène « woke » limité à une élite du monde du spectacle, et particulièrement du cinéma, mais une nécessité absolue pour chacun d’entre nous, pour protéger nos filles (si vous êtes parent d’une adolescente) ou nos amies (si vous êtes vous-même une adolescente).
Si Ni una más réussit ce tour de force de « démocratiser » #MeToo, de le sortir des articles de journaux et de le rendre proche de notre vie quotidienne, c’est grâce à l’intelligence de son écriture, qui n’est jamais simplificatrice, jamais réductrice, et ne tombe pas dans le militantisme caricatural. Il n’est pas question ici de condamner tous les hommes, ni de célébrer toutes les femmes : des deux « côtés », il y a des gens biens et d’autres qui sont des ordures. Et même tout un paquet de garçons et de filles, d’hommes et de femmes, qui ne sont ni noirs ni blancs, mais bel et bien « gris ». Ni una más, à la différence de séries anglo-saxonnes équivalentes, fait le pari de la complexité, de l’ambigüité, ne réduisant aucun de ses beaux personnages à des stéréotypes faciles à juger. On pense par exemple à Greta (interprétée par la lumineuse Clara Galle, qui devrait avoir une belle carrière d’actrice devant elle), qui trafique de la drogue avec son frère pour subvenir aux besoins de sa famille depuis que son père est chômeur, et qui tente de séduire une femme de près de trente ans son aînée, ou à Nata qui joue avec le feu en vandalisant des maisons bourgeoises inhabitées et en conviant son petit ami à des fantasmes – sexuels et autres – risqués… qui ne sont pas les siens, mais résultent de la consommation effrénée par tous de pornographie sur Internet…
Mais la série, qui sait donc relativiser les jugements que l’on pourra porter sur ses personnages, ne tombe pas dans le piège consistant à laisser l’ambiguïté des comportements brouiller les limites entre coupables et victimes : le prédateur dénoncé par Alma est un criminel absolument impardonnable, et sa victime voit sa vie détruite par les abus répétés qu'elle a subis. Ni una más se conclut – logiquement, mais non sans douleur – en exprimant clairement la nécessité de la parole pour lutter contre ce fléau – loin d’être en diminution – des violences sexuelles. Et confirme que, derrière le plaisir d’une fiction régulièrement palpitante, Miguel Sáez Carral fait ici un travail de pédagogue à destination des adolescents, mais aussi de leurs parents.
[Critique écrite en 2024]
https://www.benzinemag.net/2024/07/04/netflix-ni-una-mas-metoo-democratise/
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Créée
le 4 juil. 2024
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