Captivant
Il m'a fallut 10 épisodes pour comprendre vers où la série allait, mais ensuite j'ai été transporté dans cette époque avec ces personnes qui semblaient si réelles. La romance est survolée, et...
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le 4 sept. 2020
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Une des plus belles série chinoise que j'ai vu à ce jour. Inspirée d'un roman et cela se sent dans la précision de la psychologie de chaque personnage(et ils sont nombreux, aucun ne fait figure de décor de fond ou simple faire-valoir), l'intelligence des dialogues, la construction du récit, très bien structuré qui nous conduira sur 54 épisodes pour la saison 1 sans baisse de rythme, ni lassitude: la trame de l'histoire se déploie, patiente et cependant au tissage serré, révélant peu à peu sa complexité, entrainant des vies, entremêlant des relations, faisant ressurgir le passé, éveillant un futur possible, bousculant tout au passage d'un vaste courant souterrain.
Le "Talent Divin" est le maitre du jeu, le joueur de flûte, un érudit, un penseur, un stratège. Un homme doté de telles qualités en Chine était assuré d'obtenir une position prestigieuse aux côtés des rois, politiques et chefs de guerre, il pouvait aussi disparaître sans laisser de traces. "Celui qui aura le Talent Divin de son côté sera assuré de gouverner".
L'intrigue se déroulant pendant près de 3 ans révèle le plan complexe et risqué mis en place par un mystérieux personnage, un mort revenu de l'enfer, dissimulant son identité derrière un masque de ruse et d'impassibilité, non pour assouvir une vulgaire vengeance mais plutôt pour remettre les choses à leur juste place, corriger les injustices qui mettent le royaume en péril, le délivrer d'une tyrannie paranoïaque et ouvrir la voie à un nouveau souverain plus loyal et dévoué à son pays.
Je l'ai comparé à une tragédie théâtrale, Shakespeare, Corneille... littéraire, certes, pas un spectacle en costume, une grande scène de guerre et moult péripéties, c'est avant tout une aventure humaine, l'homme vivant sa vie, faisant face au destin universel(guerre, maladie, mort et trahison) et contraint de faire un choix à chaque croisée des chemins, contraint à sacrifier une part de lui-même et de ses aspirations. Il en sera ainsi pour beaucoup des personnages mis en scène, chacun à sa façon écartelé par l'Histoire.
Le ton est grave, tragique dès lors que chaque décision ne détermine pas seulement le destin d'un individu mais celui d'un royaume et d'un peuple. Un père tue ses fils et ses frères, un fils renonce à son humanité et son identité pour un but plus ambitieux. mais lorsque la cuirasse se fissure, que filtrent regrets enfouis et remords, cela donne lieu à de très belles scènes poignantes et bouleversantes, tout en finesse et retenue.
Une très belle interprétation, des dialogues à savourer, des face à face émouvants, philosophiques, poétiques et mythologiques au rythme de mélodies discrètement égrenées. L'accompagnement musical résolument chinois est parfait, jamais envahissant, un soutien, une indication toujours à propos.
Reconstitution aboutie, matières et passage des saisons grâce à quelques détails (la vapeur expirée en hiver, les fumées des braseros), il y a la volonté réussie de créer une ambiance alors qu'on est parfaitement conscient du manque de moyens au niveau des décors(ils se résument à la porte d'entrée de la ville, très dépouillée, les mêmes intérieurs, rues et jardins). Le peu de moyens est occulté par la dimension du drame humain, l'aventure humaine, la densité de chaque rôle et l'intensité du récit.
Évidemment, je me suis laissé fasciner par le personnage principal, si lucide, touchant et désespéré dans son obstination au sacrifice. Transcendant ses propres émotions, le talent divin accepte de s'effacer de l'histoire, il revêt la tache ingrate du fourbe conseiller, du manipulateur, il consent à se salir les mains, accomplir ce qui lui répugne, blesser des innocents pour atteindre le but qu'il s'est fixé et pour lequel il ne dispose que de 2 ans. Le rôle est parfaitement interprété dans son ambivalence: qu'est-ce qui est le plus insurmontable? faire le sacrifice de soi ou plutôt sacrifier les autres, ceux qu'on respecte et aime? Choisir l'indifférence, se déchoir, accomplir ce qu'on méprise lorsque c'est nécessaire est un plus lourd fardeau que de rester simplement loyal et fidèle à ses convictions.
Autour du joueur de flute, pensif et concentré, les pions se déplacent, maints personnages surgiront tout aussi passionnants dans leur évolution, ni totalement bons, ni mauvais, tels que les considère l’œil du talent divin: il ne s'agit pas de jugement ni de punition, mais de l'avenir du royaume et du peuple auquel chacun est contraint de se soumettre, voire se laisser piétiner. Le sage qui a déjà fait le sacrifice ultime impose sa vision. De nombreux personnages sont entraînés, piégés par les bouleversements altérant cette fresque humaine, aucun n'est un monolithe, joué avec retenue et subtilité, bon héros ou despotes ils vivent le triomphe et l'humiliation, ils piétinent les innocents puis se traînent, implorant pitié, humiliés et craignant pour la vie de leurs proches, d'autres insouciants et joyeux sont brisés par le poids des actes de leurs parents.révélés
A une époque où 6/10 épisodes sont la norme occidentale(au-delà on peine à maintenir l'intérêt), je suis encore surprise et émerveillée par la tension constante et sans aucune baisse de rythme, ni ralentissement ou sensation de délayage. Les 54 épisodes sont denses et riches, passionnants, non pas grâce à des rebondissements ou coups de théâtre, action et péripéties, mais grâce à la matière humaine et épique. Certes il y a de l'action, quelques beaux combats, des assassins, des scènes de guerre mais juste ce qui est nécessaire au déroulement de l'histoire, jamais un subterfuge pour maintenir l'intérêt. Le vrai combat est dans les esprits et les cœurs, la confrontation des intelligences. la tache à laquelle on s'attelle exige patience et calcul, à aucun moment on ne quitte la trame principale qui peu à peu révèle sa prodigieuse complexité et la minutieuse exactitude de son élaboration.
Pour finir, je saluerai le petit plus, la chinoiserie: au cœur des pires drames, la petite fenêtre qui nous permet de respirer, la touche d'humour qui pétille dans la pesante obscurité, le rayon de soleil inopiné qui là est incarné par le personnage improbable d'un jeune garçon simplet facétieux, personnage décalé, impossible, doté d'une force herculéenne et champion d'art martiaux, drôle et innocent, un peu de légèreté dans un monde de démons!
La seconde saison que j'ai débuté avec l'arrière-pensée qu'elle serait moins aboutie ou une copie de la précédente, m'a prise de court. Eh bien non, elle est tout aussi bien écrite bien que totalement différente et tant mieux pour la surprise. Ce ne sera pas la copie de la précédente mais une belle évolution et réflexion sur le pouvoir et l'histoire.
Le vent souffle sur Chang-Lin se déroule 50 ans après la première saison: les enfants qui n'avaient pas encore pris place dans l'histoire ont grandi et sont devenus pères et souverains à leur tour. Les souvenirs du passé perdurent chez certains qui ont basé leur conduite de vie sur les enseignements de l'époque. Mais tout change...
On devine et sont révélées de nouvelles tragédies qui n'ont pu être évitées malgré les leçons du passé. A nouveau, la paix et la stabilité du royaume sont en jeu, ceux dont la puissance croit doivent être muselés, loyaux ou non, on tend à entraver ceux qui obtiennent trop de succès.
Cette fois ce n'est pas un complot, ni un vaste plan mis en place et révélé peu à peu, cela débute plutôt par de plus petites enquêtes sur des complots dissimulant une plus vaste stratégie. Un peu plus d'action, car concerne un clan maitre de guerre et en charge de la défense des frontières. Mais là encore, la question fondamentale est la place de chacun dans un gouvernement harmonieux: faire tomber ceux qui pourraient devenir trop puissants et avide, même au prix de milliers de vies innocentes, barrer la route aux dangers futurs et se mettre ainsi à la merci du pire dans le présent.
La saison 2 n'est pas un remake mais s'avère tout aussi aboutie: une réflexion sur le pouvoir, l'héritage du passé, le choix et le sacrifice, tout aussi bien interprétée et passionnante sur laquelle plane l'ombre nostalgique de la première saison et ses héros sacrifiés.
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Créée
le 19 janv. 2019
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