I. La Forme :
Évacuons une évidence, avant d'aborder les points noirs : les images capturées sont d'une grande qualité, souvent magnifiques, parfois poétiques. Il n'est pas rare d'écarquiller les yeux face à la beauté et à la variété des animaux, ainsi que des paysages. Avec une telle débauche de moyens, je ne m'attendais pas à autre chose. D'ailleurs, impossible de trouver le budget de la série qui doit être exhorbitant, comme l'était déjà celui de chaque documentaire animalier de la BBC, doté de la même qualité visuelle.
Ce qui m'a gêné, c'est le manque de cohérence. Un épisode introductif fourre-tout ouvre le bal, passant littéralement du coq à l'âne. Les épisodes par thématiques n'apportent pas plus de clarté. On passe sans transitions d'un animal à l'autre, d'un paysage à l'autre, sans que n'apparaisse un quelconque effort de montage. On a tout de même plaisir à contempler des animaux aussi mythiques et majestueux que les raies, les tortues de mer, les éléphants, les tigres, les ours polaires... C'est aussi l'occasion de découvrir des animaux plus atypiques et originaux d'un point de vue esthétique, dont je ne saurais pas citer les noms, à part les calaos.
Ce qui m'a exaspéré, c'est la musique : quel naufrage, quel massacre, quel gâchis... La beauté des images ne suffit-elle pas ? Pourquoi ne pas mettre en valeur les sons de la nature, les bruits des animaux ? Pourquoi nous inonder de musiques grandiloquentes ? La musique contribue à faire sombrer l'oeuvre dans une caricature du documentaire animalier. Le choix des scènes et des musiques est totalement orienté, alternant entre des musiques menaçantes réservées aux grands animaux et aux scènes de prédation, et des musiquettes enfantines accompagnant les petits animaux dans des scènes de vie quotidienne, de jeu ou de reproduction. Autant dire que c'est du pur manichéisme façon blockbuster.
II. Le Fond :
Plutôt que de montrer la Nature dans sa simplicité ou son authenticité, il a fallu montrer le spectaculaire, le sensationnel, avec par exemple les grands rassemblements d'animaux, qui n'ont pas grand intérêt. Les nombreuses et interminables scènes de prédation sont là comme toujours pour nous faire la démonstration de la loi du plus fort, propice à la légitimation du capitalisme. Les plus forts dominent, et les plus faibles, au mieux, se contentent des miettes, au pire, se font bouffer. Comble de l'ironie, le documentaire choisit comme ligne de conduite l'impact du déréglement climatique sur les éco-systèmes, alors que le capitalisme a engendré la culture de la consommation, qui a engendré le déréglement climatique.
C'est autant un plaisir, qu'une torture de voir toutes ces images, compte tenu de notre mode de vie principalement sédentaire et casanier, et de notre environnement souvent urbanisé et coupé de toute nature. Pour autant, le documentaire sombre dans un écueil scandaleux : la culpabilisation permanente du consommateur. Par un catalogue des espèces en voie de disparition, le narrateur nous rabache les conséquences du réchauffement climatique, tout en nous faisant porter la responsabilité : Regardez ce que les animaux subissent, à cause de vous... sans mener aucunes réflexions profondes sur le sujet. Le pathos est insupportable, comme par exemple la scène des morses qui est déplaçée, et inconvenante.
Le titre "Notre Planète" emploie un adjectif possessif... La Planète nous appartient-elle ? Possible que le titre dénonce notre attitude possessive et conquérante, mais je n'en suis pas tout à fait sûr. Une réflexion sur la nature humaine n'aurait pas été de trop. Comment en arrive-t-on à un tel niveau de développement au point que les autres êtres vivants n'ont bientôt plus leur place ? Est-ce la volonté de toute-puissance ? Le fait que nous soyons plus qu'une seule espèce, homo sapiens, nous a-t-elle fait oublier qu'il avait avant d'autres types d'hominidés, et que nous avons toujours été des êtres vivants à part entière ? Utiliser de tels moyens techniques pour violer l'intimité des animaux est-elle une attitude respectueuse de la Nature ?
Outre l'absence de réflexion sur la nature humaine, cette culpabilisation par le bas du consommateur n'a aucun sens. Qui prend les décisions qui impactent l'avenir de l'humanité ? Sûrement pas le pequin lamba qui regarde Netflix. On peut toujours se placer dans une attitude existentialiste et tenter de changer individuellement notre mode de vie consumériste. Dès demain, j'arrête de manger de la viande, d'utiliser du plastique, de soutenir des entreprises peu soucieuses de l'environnement, j'économise de l'eau, j'ai bien peur qu'à la fin de ma vie, rien n'aura changé autour de moi, en témoigne la file d'attente interminable au drive d'un fast food en pleine période de confinement.
Conclusion : On en prend plein les yeux avec ce type de documentaires animaliers c'est indéniable, mais mieux vaut pas trop creuser le message.