Il y avait déjà eu « American Crime Stroy », en 2016, qui traitait du procès controversé et hyper-médiatisé d’O.J.: Simpson. Vient désormais son alter-égo documentaire : « O.J. : Made in America », lauréat aux Oscars du meilleur documentaire en 2017. Document exceptionnel, cette série de cinq épisodes, récemment diffusée sur Arte, s’empare du destin de l’ex-prodige du football américain en prenant une ampleur inédite, relatant, plus que les simples faits, le contexte du procès, tout en revenant sur la carrière de « Juice ». Des années 1960 à nos jours, cette saga retrace le parcours d’une histoire américaine faite d’injustices et cruellement divisée par le racisme et les failles du système judiciaire. Mais plutôt que d’exploiter benoitement l’histoire, « O.J. : Made in America » analyse cette fracture au sein du pays, faites d'inégalités, tout en traitant avec objectivité cette affaire. Comment O.J. Simpson a t-il pu se tirer de ce procès sans aucune égratignure, alors que tous les indices se tournaient contre le lui dans ce dossier concernant le meurtre de son ex-femme, Nicole Brown, et de son compagnon, Ron Goldman ?
Si les deux premiers épisodes décrivent la légende d’O.J. Simpson, sa carrière de footballeur brillant et son ascension sociale, les trois suivant décrivent la chute de ce héros exemplaire, accusé d’un double homicide, puis inculpé quelques années plus tard pour braquage. Crée par Ezra Edelman, « O.J.: Made in America » cristallise une Amérique fataliste, et notamment une population afro-américaine démunie. Los Angeles est vue comme une cité crépusculaire, cumulant les violences policières, les inégalités profondes. Comment, à travers ce filet, O.J. Simpson s’est-il frayer un chemin jusqu’au sommet ? Avant de passer au jugement, la série va donc étudier le contexte du procès d’O.J. Lui qui ne s’était jamais engagé dans la cause noire va finalement se voir acquitté, ironiquement, grâce à sa couleur de peau. Dans une séquence, l’une des jurées dit ouvertement que le joueur a été « sauvé » uniquement pour « venger Rodney King », un noir victime de violences policières impunies. « O.J.: Made in America » nous plonge donc dans l’engrenage de l’injustice, trouvant ici ses racines par les voie du racisme. À l’aide de soixante-dix témoignages (policiers, amis d’O.J., familles des victimes, avocats...) Ezra Edelman nous entraine dans un portrait regorgeant de détails, d’informations, et de subtilités. C’est autant une biographie que le portrait d’un fossé social, avec, à terme, une gigantesque frustration. Une série qui nous hante autant que ce double meurtre hante la conscience américaine. Ou comment embrasser le portrait de tout un pays, uniquement en revenant sur le destin hors norme d’une star déchue. Quand l’Amérique se raconte. Une Bible pour les années avenirs.
À lire également sur mon blog.