Our Boys par limma

Alors Our Boys fait un peu tâche dans l'environnement des séries israéliennes, notamment par son choix de coller au plus près d'un fait divers sans être un docu-fiction. Cela a pour conséquence d'être partagé entre le visionnage sans conséquence d'une histoire menée sans faille, aux codes respectés du suspense et du rebondissement, alliant le drame social au film de procès, et le sentiment de malaise par ce qu'il implique de réalisme, d'impuissance et de voyeurisme et qu'il rappelle à un fait traumatisant bel et bien vécu.

Lorsque l'on connaît l'épisode catastrophique de 2014, avec le bombardement de Gaza, rien de nouveau justement ne viendra alimenter la réflexion, si ce n'est que cette actualité nous permet de revoir un peu nos priorités.

Avec la tentative de croiser les points de vue des deux côtés, on apprécie cette vision objective d'une situation de conflit géopolitique par l'immersion au plus près des personnages et leur proximité. Les cellules familiales et la lutte incessante de reconnaissance du peuple arabe, ou encore la bienveillance des rabbins dépassés par les volontés et les frustrations de leurs enfants, quand ils ne les alimentent pas eux-mêmes par une une éducation rigide dès leur plus jeune âge poussant à la haine de l'autre. Quel que soit le camp, chaque étincelle donne libre cours à une violence sournoise où chacun est apte à tuer son voisin. Le Hamas à peine évoqué ne sert qu'à croiser leurs actions avec celles de l'armée israélienne et le flou des services de police partagés entre leur vision de la menace arabe et leur devoir de justice contribue encore un peu plus à une réalité des plus dramatiques.
Dialogues de sourds, dommages collatéraux, individus niés et réflexions tronquées, on ne peut que saluer le travail des créateurs qui évite les fautes de goûts pro-sioniste de Fauda.

Les créateurs n'ont peur de rien et mettent en avant l'enquête et le procès de trois jeunes israéliens accusés du meurtre d'un adolescent arabe en représailles du meurtre de trois des leurs par le Hamas, quelque jours auparavant.
On est alors moyennement surpris quand Benyamin Nétanyahou tente de Boycotter Our Boys qui ne semble pas convenir au politiquement correct, la série ayant la mauvaise idée de pointer les failles, au lieu de mettre en avant la grandeur du Pays.

Malgré leur grande énergie et créativité, les auteurs israéliens ont du mal à faire sortir leur projets, entre un gouvernement frileux quant aux sujets qui fâchent et des sociétés de production qui n'ont pas toujours de gros moyens, même si aujourd'hui leurs projets sont mieux distribués, et intéressent fortement les plateformes Vod. La seule chose à craindre serait qu'ils en deviennent aseptisés pour répondre au marché un peu comme la série Hostages, pas du meilleur cru et dont la seconde saison sera coproduite en France.
HBO a qui on doit l'excellent série Southland, s'allie à Keshet Studios pour produire et distribuer Our Boys, en attendant la troisième saison de Fauda en tournage...Ceci dit, ne rêvons pas trop encore, il serait quand même un tantinet optimiste d'attendre que des séries palestiniennes voient le jour, même si et dernièrement sur Our Boys les projets à l'œuvre s'entourent de metteurs en scène et d'interlocuteurs arabes.

En utilisant le conflit israélo-arabe comme point d'ancrage de leurs histoires ce sont autant de personnages proches de nous et de nos préoccupations et les sujets propres à leur quotidien se révèlent finalement porteur par leur universalité. La religion fortement ancrée dans les échanges, qui alimente elle, l'idée du fantasme, pour un melting-pot souvent réussi grâce à une mise en scène sèche et directe, des décors naturels, des intérieurs étouffants, où le sentiment de danger permanent assure une forte tension mais aussi tout l'échec à venir. Our Boys ne démérite pas.

Servis par le jeu excellent des acteurs, notamment du père du jeune garçon, qui offre une palette d'expressions assez étonnante, chaque acteur semble être le sosie des personnages impliqués, mais aucune série, j'en ai bien peur, n'arrivera à surpasser Hatufim et son portrait finement décrit des traumatismes de guerre.

Je conseille fortement quand même.