Critique de P-Valley par macblind
Agréable surprise. J'ai passé un bon moment.
Par
le 27 juin 2021
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Sur les rives fangeuses du Nil d’Amérique, loin des grandes scènes de Broadway et des casinos flamboyants de Las Vegas, d’autres danseuses se donnent corps et âme sur la piste du Pynk. Dans ce club de la ville fictive de Chucalissa, Mississippi, toutes les passions nocturnes convergent. Les fêtards locaux s’y rendent afin d’oublier la dureté de leur quotidien et vénèrent, le temps d’une nuit, des femmes en tenues légères élevées au rang de déesses locales.
Adaptée de la pièce de théâtre homonyme, P-Valley retranscrit avec authenticité l’univers des clubs de strip-tease en faisant vivre une famille de personnages assez uniques dans le paysage sériel. Parmi les plus marquants, il y a Mercedes, la danseuse vétérane qui souhaite changer de vie, Clifford, le propriétaire transgenre du Pynk, Keyshawn/Miss Mississippi, une danseuse mal assurée victime de violence conjugale, ou encore Lil Murda, rappeur homosexuel ambitieux. Tous sont très bien écrits et surtout plus vrais que nature. Katori Hall, la créatrice de la pièce de théâtre et de la série, a très certainement réalisé un travail documentaire fourni.
Mais la recherche d’authenticité va plus loin. À travers leur parcours, les personnages racontent une réalité sociale parfois très dure. Il est question de pauvreté, de violences conjugales, de racisme, d’homophobie, et même de la présence écrasante de l’Église dans la Bible Belt. Ces thèmes sont abordés sporadiquement (car P-Valley se concentre avant tout sur les danseuses) mais ils le sont surtout de manière nuancée. Ainsi, la série montre subtilement dès le premier épisode que l’Église et les clubs de strip-tease sont finalement les deux faces d’une même pièce. Les deux cherchent à séduire les âmes en peine pour leur prendre leur argent.
P-Valley n’hésite pas non plus à user de sa réalisation pour transmettre ses idées. Avec ses travellings qui montrent la décrépitude d’une ville économiquement sinistrée, ses rotations de caméra qui font ressentir l’atmosphère enivrante du Pynk, sa photographie fluorescente sensuelle et ses éléments qui rappellent les films noir (femmes fatales au passé trouble, nombreuses scènes nocturnes), la série produit un résultat sexy, mais jamais vulgaire comme pourrait l’être un mauvais clip de rap. Les scènes de danse, par exemple, sont épiques et mettent beaucoup plus en avant les prouesses athlétiques des danseuses que leurs attributs féminins de manière aguicheuse.
L’habillage sonore de P-Valley n’est pas non plus en reste. Dans une histoire qui se déroule essentiellement dans une boîte de nuit, la musique a son importance. Et justement, celle de la série est du nectar pour les passionnés de rap. Whodini, Playa Fly, Young Dolph, Key Glock, Project Pat, Duke Deuce, Koopsta Knicca, Tierra Whack, Young Jeezy, Webbie… Il y en a pour tous les goûts. De plus, les chansons originales "Fallin’", "Mine" et "Screamin’ Murda" de Lil Murda (dont l’acteur est également rappeur) sont sûrement les meilleures chansons originales de rap à avoir été enregistrées pour une série TV.
L’aspect soap opera de la série reprend parfois le dessus. Il y a des plaisanteries de mauvais goût, des personnages qui couchent ensemble au bout de quelques lignes de dialogues, des flash-backs à la mise en scène peu inspirée et des ralentis parfois pompeux pour mettre en valeur les personnages. Mais les petites fulgurances de mise en scène et le jeu des acteurs (notamment ceux de Mercedes, Keyshawn, Clifford et Lil Murda) sont autant de raisons de faire pleuvoir les billets sur cette claque rafraîchissante et hypnotique qu’est P-Valley.
Créée
le 18 déc. 2023
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