Severance
8.1
Severance

Série Apple TV+ (2022)

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Imaginons un monde où « l’impossible déconnexion » n’existe pas, où l’équilibre entre travail et vie privée est garanti. Chez Lumon Industries, une mystérieuse entreprise dont le créateur fait l’objet d’un culte de la personnalité, les salariés subissent une opération pour dissocier leur mémoire. Ainsi, quand ils travaillent, tous leurs souvenirs personnels sont effacés, et lorsqu’ils rentrent chez eux, ils oublient tout de leur journée au bureau. Sur le papier, la situation paraît idéale.


Severance reprend plus ou moins l'un des concepts de l’épisode White Christmas de Black Mirror, mais avec une légère composante burlesque. Pour raconter cette étrange comédie, la série s’appuie sur des personnages soignés. Les traits juvéniles et l’impassibilité de Mark (Adam Scott) illustrent bien l’état d’esprit du personnage : celui du salarié candide qui avance sans se poser de questions. Irving (John Turturro) et Dylan (Zach Chery), eux, ont le physique et l’attitude caricaturale des employés de bureaux ennuyeux. Et enfin, il y a la flamboyante Helly (Britt Lower), celle qui incarne la rupture dans cette firme qui ne déplairait pas aux grands patrons.


En effet, malgré quelques passages drolatiques, la série d’Apple TV se veut une critique du monde du travail. Celle-ci passe évidemment par le scénario, mais aussi par la réalisation de Ben Stiller qui, contre toute attente, se révèle plutôt compétent derrière la caméra (malgré un certain maniérisme). Inspirée par le jeu vidéo The Stanley Parable et par la légende urbaine des backrooms, la mise en scène réussit à générer une angoisse palpable, en communiquant la froideur clinique de ces grands bureaux vacants, grâce à des plans fixes, des décadrages et des éléments de décors un peu trop symétriques pour ne pas être inquiétants.


L’un des passages les plus acerbes de cette critique est probablement la scène de fin du quatrième épisode. On peut y voir Helly dans l’ascenseur en train de préparer sa pendaison avec une rallonge électrique. En parallèle de cette préparation macabre, le montage nous montre Mark qui la félicite plus tôt dans la journée pour ses bons résultats. Helly lui répond par un sourire et l’instant d’après, elle se pend. Cette scène est probablement l’une des plus réussies, car avec une mise en scène simple mais efficace, elle montre que le sourire d’un employé peut dissimuler des idées noires.


Malheureusement, les passages marquants de la série ne suffisent pas à l’empêcher de tomber à plat, notamment à cause de son intrigue cousue de fils blancs. On devine assez rapidement qu’Helly est en fait une personnalité haut placée dans la hiérarchie, que la femme de Mark n’est pas décédée et que Lumon joue un rôle dans sa disparition. Passé le cinquième épisode, il n’y a plus vraiment de surprise et le mystère autour de la société devient nettement moins intriguant quand on apprend qu’il s’agit encore d’une histoire de conspiration… Quant à la dimension critique citée plus haut, elle reste malheureusement trop en surface.


Que cherche à raconter Severance, finalement ? Que le monde du travail asservit l’être humain ? Que l’entreprise est le cimetière de l’individualité ? Non seulement le propos reste nébuleux, mais il est aussi paresseux. C’est du déjà vu. Les acteurs sont inspirés (les prestations de Christopher Walken et de Tramell Tillman sont à saluer), mais pour véritablement décoller, la série aurait gagné à être plus caustique, moins convenue et surtout moins prévisible. En l’état, elle prend le chemin de ce qu’elle critique : celui du drame aseptisé.

Thomaswav
6
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le 29 déc. 2022

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Thomas.wav

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