(je vous propose avec cette critique la possibilité d'avoir une BO pour l'accompagner, vous pouvez choisir de lire sans rien écouter, mais si vous décidez d'écouter, lorsque le lien vers le prochain morceau apparaîtra je vous demanderais de changer de morceau. Voici donc le premier morceau : https://youtu.be/Ke5VSATXVCI)
Imaginez que vous êtes un employé Japonais, vous vous levez, vous vous mettez de l'eau sur votre visage en vous regardant ensuite dans le miroir. Soigneusement, pour des raisons cosmétiques en tentant de cacher toutes les imperfections et dans l'optique qu'une personne va vous regarder. Alors, vous faites en sorte de prévoir ce qu'autrui va penser et voir de votre couverture de chair !
Ensuite, vous allez au bureau, il se trouve que vous êtes un employé dans une entreprise renommée pour ses designs de peluches. Vous êtes en quelque sorte la star de l'entreprise grâce à votre peluche ; Maro-mi, une sorte d'Hello Kitty canin !
Malgré le succès incroyable de la peluche, votre patron en veut encore plus ! Il vous stresse afin de voir votre nouvelle création sauf que vous vous rendez compte, que chacune de vos créations a quelque chose à voir avec Maro-mi et cela risquerait de ne pas marquer ...
Votre patron est de plus en plus insistant, vos collègues plus en plus méprisant interprète votre envie de solitude comme un signe de condescendance à leur égard, vous le soi-disant chouchou du patron ...
Bienheureusement, la journée se finit et vous rentrez chez vous, tendu, vous croisez alors une vieille dame fouillant des sacs-poubelles, son air sinistre ne vous inspirera pas confiance alors vous allez continuer votre chemin jusqu'à ce que vous entendiez des rollers, vous vous retournez et vous voyez un gamin avec une batte en métal déterminé à vouloir vous faire du mal !
Votre cœur s'emballe, vous tentez de vous enfuir, puis le coup retentit et vous fait tomber dans les pommes ...
Un mystère se cache derrière cette attaque et son timing ... est-ce une simple coincidence ou un mal plus profond ?
Je ne peux pas encore vous donner la réponse, mais je vais la donner en vous présentant Paranoia Agent, un anime de 13 épisodes réalisé et écrit par Satoshi Kon sorti en 2004.
(https://youtu.be/5XjTpm9coJA)
Dans cette série, Satoshi Kon qui avait précédemment fait Millennium Actress qui a beau avoir des éléments surréalistes jouant entre la réalité et la fiction, l'histoire est somme toute assez réaliste et Tokyo Godfather, un conte de Noël.
Beaucoup d'idées plus reliées à ces thèmes de prédilection ont été mises de côté par Kon jusqu'à la diffusion de Paranoïa Agent où il a pu poser les bases pour ce que serait Paprika (en dépassant même la simple expérimentation !) alors durant votre visionnage, faites attention aux détails, car Satoshi Kon est le genre de réalisateur à aimer jouer avec son public, même si comme sa déclaration pour Millennium Actress : "Réalité ? Fiction ? ça n'a pas d'importance, chaque élément que nous voyons est important et vrai par la manière dont ses éléments affectent Chiyoko, cherché à détecter tout ce qui est vrai, de tout ce qui est fictionnel est l'antithèse du film ! L'important est le voyage et non pas la destination."
On remarque très vite la patte du réalisateur et scénariste aussi bien au niveau graphique que scénaristique ou encore au niveau de son découpage : aucune extravagance ou excentrisme Japonais pour préférer des faciès détaillés, bien que peu attirant ou stylisé. Scénario surréaliste inspiré de Yasutaka Tsutsui, l'auteur de Paprika et la Traversée du Temps (adapté au cinéma par Mamoru Hosoda, un film que je vous conseille de voir si vous êtes fan d'Hosoda ou Kon). Et une réalisation jouant beaucoup avec la lumière, le montage et la perception du visionneur.
En cherchant dans l'histoire des événements se rapprochant de Paranoïa Agent, il faut aller en 1518 ou une épidémie dansante a eu lieu à Strasbourg, cette épidémie fut provoqué selon Paracelse Bombastus von Hohenheim (c'est lui qui a inspiré le personnage d'Hohenheim de FMA) par une dame qui se mit à danser avec ferveur dans la rue sans s'arrêter ... en une semaine, 34 autres personnes s'étaient mises à danser, et un mois, ils furent un peu près 400 ! Ils s'arrêtèrent cependant un matin, et retournèrent chez eux comme si de rien n'était ...
Paranoïa Agent ressemble beaucoup à cet événement où la réalité commence à se changer selon la perception humaine. Le gamin à la batte est lui-même vu de différentes façons au fur et à mesure de la série !
Tout cela n'est d'autant plus intéressant que l'anime choisi de se concentrer sur un personnage différent à quasiment chaque épisode, on passe d'étudiants allant de l'école primaire à l'université, des inspecteurs, une prostitué, une employée de bureau, des animateurs etc.
L'anime nous montre comment un événement peut changer drastiquement toute une communauté ! Chaque personnage que nous suivrons a deux perceptions : la réalité et la manière dont il interprète cette réalité ... le tout entre en conflit, et rend la perception du personnage totalement tordu, le poussant à affronter des sujets durs comme la dépression, les troubles mentaux, les désillusions dont ils se voilent la face, la mort, l'anxiété et autres crises existentielles.
Seulement malgré ces sujets sombres, la réalisation est aérienne voire même joueuse, en particulier dans l'épisode 8, où nous suivrons un trio de personnes qui se sont rencontrés sur internet formé : d'un homme âgé qui semblerait avoir une maladie cardiaque, un jeune homme homosexuel et une jeune fille qui semble encore être en primaire !
La dissonance de cet épisode entre le ton et le sujet atteint son paroxysme, les interactions des personnages et la manière de mettre en scène rappelant un Road Trip est très léger, pourtant si vous avez regardé (ou lu) Bienvenue à la NHK, vous savez déjà ce que vont faire ces personnes …
Se suicider ensemble !
Le monde est si rude que les personnages de la série et nous-mêmes avons parfois le besoin de nous échapper dans la fiction, Satoshi Kon atteste lui-même que nous avons besoin de quelque chose qui n'est pas issu de la réalité, afin de pouvoir avancer dans la vie, l'anime ne nous dit pas tant comment percevoir tel ou tel personnage, il nous montre comment les personnages se perçoivent !
L'arrivée du Gamin à la batte (ou Shonen Bat) réglera tous les problèmes des personnages que ce soit un jeune garçon que l'on accuse d'être ce fameux gamin, qui une fois frappé se retrouvera blanchi, une femme victime de trouble dissociatif de l'identité qui une fois frappée a perdu ce trouble, etc.
Tout comme Maro-Mi dans la vie de Tsukiko (ainsi que dans celles d'autres personnages), la rassurant dans tous les moments les plus durs, se faisant populariser via internet et les médias, changeant de forme au fur et à mesure des épisodes (comme dans les derniers épisodes où nous pouvons voir des peluches Maro-Mi géantes suspendues dans un building lui donnant un air démoniaque semblable à celui du gamin à la batte au même moment !) en plus de venir tous deux de l'imagination de Tsukiko !
Elle s'est fait ses propres blessures pour fuir les délais imposés par son patron ... le gamin à la batte vient d'une excuse qu'elle avait donnée à son père pour se voiler la face pour son manque de surveillance envers son chien : Maro-Mi !
Le concept du gamin a la batte à l'air d'être fortement influencé par Kuchisake-onna (ou femme à la bouche fendue) une légende urbaine japonaise issue de la mythologie qui raconte l'histoire d'une femme aux longs cheveux noirs qui erre la nuit, le visage caché derrière un masque chirurgical, associé à une certaine bienveillance, car les Japonais portent des masques quand ils sont malades pour éviter de transmettre leur maladie.
Elle demande alors à des enfants et des collégiens si elle est belle (Watashi Kirei ?) puis si la personne dit oui, elle retire son masque pour qu'on distingue que sa bouche est fendue et demande si elle toujours belle et si la victime répond non, elle la tue ou dans le meilleur des cas, lui fend la bouche ! Mais si la victime dit oui, elle la suit pour la tuer sur le seuil de sa porte ... car le mot Kirei est un homophone de kire qui veut dire coupé (donc si on vous pose la question devenez cet homme : 1) !
Même si aucun cas n'a été concrètement répertorié, des policiers ont été missionné pour raccompagner les enfants dans les zones les plus touchées par la légende urbaine !
En France, nous avons eu les clowns tueurs, qui même s'ils sont souvent inoffensifs, certaines personnes en ont profité pour commettre des crimes …
Aujourd'hui, la plupart des gens ont un compte sur les réseaux sociaux participant à créer des images faussées de la réalité, idéalisé poussant certaines personnes dans la même situation que les personnages de Paranoïa Agent … l'anime a beau être moins terrifiant que Perfect Blue, car notre implication est moins importante, sa sortie coïncidant avec la création de Facebook et un an avant Youtube, permet de voir ce que le futur allait affronter !
Pourtant l'idée de Paranoïa Agent est venu à Satoshi Kon en constatant que quand les enfants ne voulaient vraiment pas aller à l'école, ils ont tendance à dire qu'ils ont mal au ventre, et parfois même les adultes utilisent cette excuse sans vergogne en sachant qu'ils pourraient trouver une meilleure excuse … un enfant insiste qu'il a mal au ventre, malgré le fait que ses parents veulent qu'il aille tout de même à l'école, et Satoshi Kon ne veut pas dire qu'il s'agit d'un mensonge, ça fait mal ; l'enfant dès qu'il le répète constate un mal de ventre, même si ce n'est pas une maladie dont on peut spécifier la cause … Kon voit cela comme un système d'autodéfense.
Au niveau de la musique, la BO est composée par Susumu Hirasawa qui a notamment composé les BO de la série Berserk de 1997 ainsi que certains thèmes de la nouvelle série et du jeu ( Berserk: Millennium Falcon Arc : Chapter of the Oblivion Flower), il a également composé les BO de Millennium Actress et Paprika. Ces compositions dans cette série sont entre son travail sur Berserk (downtempo et musique électronique très sombre avec des élans épiques et le thème de Guts qui sort du lot par sa façon de capter la personnalité de Guts dans un morceau !) et ses albums solo (Du "techno-punk", un genre qu'il a inventé, imprégné de synthétiseurs et de samples. Avec un mélange entre des chants africains et orientaux sur des mélodies futuristes.) capturant parfaitement les conflits des personnages tout en renforçant la vision de Satoshi Kon, dont il décrit les œuvres comme : " Des extrêmes paradoxes, des opposés, la double nature d'une même chose. Des retournements de situation qui ne se recoupent pas lorsque l'on utilise une logique habituelle. Pourtant, le tout fait sens quand on y pense dans le contexte du rêve !
Voici comment Kon explorait à chaque fois la dualité de toute chose. "
Les personnages principaux : 10/10
Characterisation : 5/5
Développement : 5/5
Les personnages secondaires : 10/10
Characterisation : 5/5
Développement : 5/5
L'intrigue : 24/25
L'exposition (la présentation du sujet et du contexte) : 5/5
L'introduction : 5/5
Conclusion : 5/5
Le conflit : 5/5
Rythme : 4/5
Animation et autres : 20/20
La patte graphique : 5/5
L'animation : 5/5
La musique : 5/5
Les doublages : 5/5
Note finale : 9.85/10
Niveau d'appréciation global de l'anime : 10/10
Pour moi, Paranoïa Agent fut une énorme claque, étant donné que je suis un grand fan de Satoshi Kon, je me garde toujours Paprika pour plus tard afin d'avoir quelque chose que je n'ai pas vu de Kon, car j'ai lu et vu toutes ces œuvres à l'exception de ce film !
Bref, Paranoïa Agent est selon moi l'un des animes les plus complexes et intelligents que j'ai pu voir et à part Cowboy Bebop, Lain, Bienvenue à la NHK, Les Héros de la Galaxie et quelques rares autres animes, aucun ne m'a laissé avec un tel sentiment de plénitude et de satisfaction après l'avoir vu !
Pour conclure, Paranoïa Agent est un anime unique en son genre que je conseillerais aux fans de Nolan (qui est un grand fan de Kon), d'Aronofsky (même s'il a totalement plagié Perfect Blue et a récolté les lauriers des trouvailles de Kon …) et a tous les fans d'animes sortant des sentiers battus, car le cinéma de Satoshi Kon est un cinéma qui pousse à la remise en question. De voir d'un nouvel œil notre rapport au réel et à la fiction et je ne peux que vous conseiller si vous adhérez au postulat à au moins essayer Perfect Blue (car c'est vrai qu'une série de 13 épisodes peut rebuter) !
(https://youtu.be/6WDO8KDjs4M)
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite de ne pas connaître le même sort que les personnages de Paranoïa Agent …