Sagi Tsukiko, jeune fille timide conceptrice d'une peluche faisant fureur au Japon tant elle est mignonne, est agressée dans une rue tokyoïte par un gamin aux rollers dorés et à la batte de baseball tordue. Choquée par ce fait divers, l'opinion publique s'interroge sur ce mystérieux délinquant... Alors que les agressions se multiplient, l'enquête piétine...
Si Paranoïa Agent débute comme une série policière, tendance thriller, la série évolue rapidement vers une succession de portraits brossés sans complaisance d'individus dont l'existence a atteint un cul de sac. Coincés dans leurs vices, leurs quotidiens mal dégrossis, le "gamin à la batte" leur apparait comme une rédemption autant qu'un assaillant.
Satoshi Kon aborde dans cette série des thématiques fortes (pression professionnelle, course à la performance, mode du suicide, pédophilie, etc), et, dans le prolongement de sa filmographie, aborde l'univers des rêves, ici les travers d'un imaginaire qui, excessif, devient un refuge par défaut, un échappatoire complaisant confortant l'individu dans sa situation de blocage. Entre une réalité trop cruelle et un imaginaire trop doux, où se positionner ?
Visuellement, c'est superbe. Satoshi Kon joue du média lui même, quelques épisodes quasiment décolérés de l'histoire principale lui permettent des expérimentations d'animations géniales jamais gratuites, superposant différents styles graphiques pour mieux servir son récit.
S'il me manque une connaissance approfondie de la société japonaise pour apprécier toute la profondeur de cette série, on sent bien dans Paranoïa Agent un souhait de dénoncer ses travers (Satsoshi Kon dira qu'il avait pensé cette série comme une œuvre "anti-suicide") et de montrer qu'ils n'ont rien de définitifs, qu'ils peuvent être bousculés.
Reste le scénario, complexe, mélangeant plus que jamais réalités et illusions. La multiplication des points de vue rend sa lecture de prime abord difficile mais enrichit indéniablement l'ensemble. Car le cœur de la série est bien là, chaque personnage a sa propre perception de la réalité, leurs confrontations débouche sur un final surréaliste et pourtant cohérent.
Une excellent série, dont la pirouette finale ne donne qu'une envie, revoir le tout séance tenante.