Samy, assez ri
Impression partagée, à l'image de ma note, qui n'excédera pas 5/10, mais agrémentée d'une recommandation, car "Parlement" reste une série originale et intéressante, qui ose le pari audacieux de faire...
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le 12 déc. 2021
6 j'aime
5
Je n'aurais jamais cru possible de faire une série à la fois tout public, amusante à regarder et équilibrée sur le Parlement européen. Hé bien c'est ce que parvient à faire cette série, tout à fait réussie. Elle est librement disponible sur ce lien.
On suit Samy, le nouvel assistant d'un parlementaire adorable mais complètement incompétent. Dépassé, naïf, il cherche des soutiens chez ses condisciples : Torsten, assistant en roue libre d'Ingeborg, une parlementaire allemande social-démocrate qui sait exploiter tous les rouages de la machine européenne, et Rose, l'assistante d'une députée pro-Brexit un poil complotiste, décérébrée mais charmante. Il subit la neutralité condescendante d'Eamon, dont je n'ai toujours pas bien compris la fonction, mais qui représente le processus parlementaire européen.
Sous une apparente légèreté et un humour de type Caméra café (Des gens se démènent pour des enjeux qui peuvent sembler dérisoire dans un cadre étriqué et policé), la série n'hésite pas à prendre le taureau par les cornes : elle aborde des sujets graves comme la pesanteur bureaucratique et l'énergie considérable qui se dissipe dans le processus démocratique, sur l'ambiance continuelle de négociation qui amène à tout relativiser, sur l'influence invisible du lobbying (très savoureux rôle du lobbyiste italien charmeur), sur la difficulté à s'unir de pays aux intérêts contraires (incroyable scène où Ingeborg parle avec son reflet dans l'épisode 9, où l'on a l'impression que l'U. E. parle à ses propres démons)...
Ce qu'il y a de beau, c'est qu'on voit les rouages fonctionner de l'intérieur, et c'était sans doute la meilleure manière de faire : la première saison prend un sujet, celui de la lutte contre le finning, pratique consistant à couper les ailerons des requins, pour montrer le processus de décision du point de vue d'un assistant parlementaire. On suit la vie au sein du parlement (celui de Bruxelles, sauf à la fin de la saison), avec ses couloirs recouvert de moquette et ses portes vitrées devant lesquelles il faut badger. Et l'on se rend compte que derrière ce décor à première vue inhumain, il y a toute une vie, intense et contradictoire. Pour avoir visité le quartier européen à Bruxelles, j'ai vu cet espace prendre vie, les blagues absurdes ne servant au fonds que d'habillage pour faire passer efficacement l'aspect didactique.
Les acteurs sont attachants, avec des jeux typés comédie (Duquesne est très drôle en parlementaire incompétent qui fuit de peur de se faire guauler). Les dialogues sont plutôt savoureux, quoiqu'un peu chargés de référence. L'aspect multilingue est quelque chose auquel j'ai été personnellement sensible. Quoi qu'il en soi, on sent que les auteurs ont une connaissance de l'intérieur des institutions et cette absence de compromis est une vraie bénédiction, sur un sujet qui a besoin de davantage de présence dans la fiction. Surtout avec une telle approche.
Car au fonds, le message final est-il anti- ou pro-européen ? La série a le mérite de poser les problèmes sans leur apporter de solution, de montrer l'ambivalence : chaque personnage a des motivations que l'on peut comprendre. Et même si les pro-Brexit sont montrés comme des beaufs complotistes assez ridicules, leur démarche n'est pas condamnée en tant que telle. Au final, parler de l'U.E. sans dire qu'il faut à tout prix la quitter, c'est toujours un peu la défendre. La série parvient en tout cas à donner une intuition de ce que cette structure a d'unique et de paradoxal.
J'enseigne l'Histoire-Géographie en lycée et cette série est le graal que je recherchais depuis longtemps en ce qui concerne l'Union Européenne. Merci à ses auteurs, j'espère vraiment qu'il y aura d'autres saisons.
La deuxième saison est au moins à la hauteur de la première, avec des scènes mémorables qui m'ont fait pouffer bien des fois. Elle se déroule à Strasbourg cette fois. Encore une fois, sous un enrobage un peu débilo-gentil se cache la dénonciation d'un espace où les relations humaines sont teintées de cynisme et de froideur. Et on se prend à aimer ce lieu de négociations permanentes et futiles.
Créée
le 18 mai 2022
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