Perry est magique
Saison 1 : 8/10Pour le jeune public, Perry Mason n'est sans doute pas le héros télé le plus glamour, et peut même souffrir d'une image ringarde, surtout en France où le personnage de roman imaginé...
Par
le 2 mai 2023
9 j'aime
Saison 1 :
Quoi qu'on dise de leurs concurrents, HBO restent les rois d'une certaine Série TV "de qualité", conjuguant sophistication de l'écriture, réalisation et interprétation au niveau de la production hollywoodienne, et maturité des thèmes traités. Et ce très beau, et très noir "Perry Mason" en est encore une preuve indiscutable.
Projet conduit par une partie de l'équipe gagnante du formidable et méconnu "Boardwalk Empire", dans un registre similaire, avec Tim Van Patten à la réalisation et le de plus en plus fascinant Shea Whigham en second rôle pivotal, "Perry Mason" nous raconte donc la transformation d'un petit private eye miteux, dans la lignée Chandler/Hammett, en as du barreau, à la faveur d'une enquête frustrante et frustrée sur un kidnapping de bébé particulièrement atroce. Derrière la reconstitution très soignée du Los Angeles de la Grande Dépression, sans parler d'un détour éprouvant par les tranchées de la bataille de l'Argonne, Rolin Jones et Ron Fitzgerald vont finalement moins nous intéresser à une enquête policière complexe et archétypale, dont le spectateur connaît assez rapidement la résolution (alors que les enquêteurs se débattent vainement devant nos yeux pour la trouver...), qu'à une série de portraits de personnages complexes.
La noirceur absolue de "Perry Mason" repose bien sûr sur la représentation d'une société profondément malade de la première crise du Capitalisme, et cruellement injuste socialement et racialement, mais également, et c'est plus original, dans la reconnaissance des faiblesses et des failles que chacun porte en lui-même. Démissions, trahisons, mensonges, manipulations se succèdent, au point qu'il devient rapidement impossible de séparer les "bons" des "méchants" : l'ignoble policier corrompu nous touchera au détour d'une scène où son humanité resurgira, conte toute attente, alors que Perry Mason - formidable Mathew Rhys, qui confirme son talent après "The Americans" - se compromettra finalement dans une machination indigne, non sans avoir avant piétiné tous ses amis. Mais ce sont sans doute les seconds rôles qui sont les plus réussis : Tatiana Maslany est lumineuse en jeune femme brisée cherchant la grâce alors que sa mère la manipule (beau retour de Lili Taylor), tandis que John Lithgow est une fois de plus bouleversant en avocat que le temps qui passe brise peu à peu.
Si l'on ajoute que les choix finaux du scénario s'avèrent particulièrement audacieux, en assumant la déception inhérente aux compromis nécessaires pour continuer à vivre dans un monde aussi dysfonctionnel, voilà bien une nouvelle série qui promet beaucoup.
[Critique écrite en 2020]
Saison 2 :
Il y a trois ans déjà, nous avions été littéralement emballés par une nouvelle série HBO, Perry Mason, inspirée par le « feuilleton » classique – un peu vieillot désormais – avec Raymond Burr. Les showrunners, Rolin Jones et Ron Fitzgerald, avaient créé un prequel de l’histoire de ce célèbre avocat de la défense (fictionnel), se déroulant à l’époque de la Grande Dépression et revenant sur le parcours (imaginaire) de cet ex-détective privé devenu as du barreau. Au centre de cette série contemporaine, qui conjugue habilement thriller noir et « film de procès », il y a la description, très politique, de la situation sociale des Etats-Unis de l’époque de l’entre-deux guerres, où le capitalisme le plus effréné prend véritablement son essor, et où règnent en maître racisme et préjugés (en particulier envers les femmes et les homosexuel(le)s)… Et il faut bien admettre que les scénarios de Jones et Fitzgerald sont particulièrement bien construits, riches de détails sociologiques, politiques et économiques qui fournissent un contexte à l’intrigue policière de chacune des deux saisons leur permettant de dépasser le genre du thriller.
Il est en outre intéressant de voir que, plutôt que de s’inspirer du feuilleton télévisé, Perry Mason est finalement plutôt un hommage à Erle Stanley Gardner, l’écrivain qui a créé le personnage : Gardner travailla en effet dans les années 30 pour un cabinet d’avocat et plaida des causes défendant les droits des minorités ethniques…
Cette seconde saison nous décrit un Perry Mason accablé par les conséquences imprévues de sa victoire judiciaire de la première, et ayant décidé de consacrer l’activité du cabinet qu’il a fondé avec sa partenaire Delia Street au droit civil. Mais lutter pour le profit d’odieux capitalistes ne le motive pas vraiment, et il saisit l’occasion de défendre deux jeunes Mexicains, accusés d’avoir assassiné un jeune homme d’affaires appartenant à une riche famille de L.A. L’enquête qu’il va mener pour trouver comment défendre ses clients que tout accuse va dévoiler les tréfonds de la politique et du business de la « Cité des Anges »… Jusqu’à une conclusion beaucoup plus noire encore que celle de la première saison, puisque cette fois (et ce n’est pas vraiment un spoiler), il n’y aura pas réellement de happy end !
Si l’on peut regretter que l’excellent Timothy Van Patten (Boardwalk Empire) ne soit plus à la manœuvre cette fois, et que la réalisation ait été confiée à une équipe (à majorité féminine et latino-américaine, ce qui est cohérent par rapport aux thèmes traités dans la saison) moins réputée, force est d’admettre que la mise en scène reste l’un des points forts de la série, s’appuyant sur une reconstitution historique soignée – la série bénéficie clairement d’un budget conséquent. Et, comme pour les 8 premiers épisodes, le casting est impeccable, que ce soit au niveau de rôles principaux (Matthew Rhys, Juliet Rylance, Chris Chalk et Shea Whigham constituent une équipe de choc) comme pour les seconds rôles, avec un coup de chapeau à la toujours excellente Hope Davis et au séduisant Justin Kirk.
Bref, voici une série HBO qui fait honneur à l’histoire du studio, qui se classera sans peine parmi les meilleures de l’année, et dont on ne peut que regretter l’absence de popularité en France.
[Critique écrite en 2023]
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleures séries de 2020
Créée
le 17 juil. 2023
Critique lue 1.6K fois
10 j'aime
2 commentaires
D'autres avis sur Perry Mason
Saison 1 : 8/10Pour le jeune public, Perry Mason n'est sans doute pas le héros télé le plus glamour, et peut même souffrir d'une image ringarde, surtout en France où le personnage de roman imaginé...
Par
le 2 mai 2023
9 j'aime
Arrêt au 6 ème épisode : je peux plus...... J'ai insisté mais là c'est plus possible. Cette série avait bcp d'atouts pour me plaire : signé HBO , Matthew Perry, l'idée d'un reboot de Perry...
Par
le 1 oct. 2020
4 j'aime
1
Début des années 30, le kidnapping d'un nourrisson tourne mal à Los Angeles. Alors que ses parents s'étaient évertués à remplir la demande de rançon des ravisseurs, le corps du petit Charlie Dodson...
Par
le 28 août 2020
2 j'aime
Du même critique
Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...
Par
le 29 nov. 2019
205 j'aime
152
Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...
Par
le 15 janv. 2020
191 j'aime
115
Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...
Par
le 15 sept. 2020
190 j'aime
25