J’aime bien les histoires de voyage dans le temps. Oh, ça n’est pas très original vous me direz, mais j’apprécie de voir ce qu’un créateur peut faire avec un tel concept. Evidemment, ce principe repose presque toujours sur un même postulat de départ ("Si je change telle chose dans le passé, quelles seront les conséquences dans le futur ?"), mais ça ouvre un large champ des possibles et les thèmes abordés peuvent être de toutes sortes.
Et quel est l’angle d’attaque choisi par cette série TF1 ?
"Soyez riches, vous n’aurez jamais à subir aucune conséquence de vos erreurs."
Evidemment, ça n’est pas dit explicitement, mais c’est littéralement la seule chose à retenir de cette histoire. Ta fille s’est suicidée ? Remonte le temps de 3 semaines pour l’empêcher d’aller à la soirée où son mec l’a battue. Ta fille est désormais dépressive ? Remonte le temps de 6 mois pour éviter son échec au championnat de gym local (grosses préoccupations, à côté de ça la mère fréquente des clochardes qui souffrent réellement mais elle n’en fait certainement pas autant pour elles). Ta fille est maintenant nymphomane ? Remonte le temps de 10 ans pour la rééduquer.
On apprécie au passage le côté "féministe-mais-quand-ça-l’arrange" de la protagoniste. Recevoir une médaille et des aides financières pour son refuge de la part d’un Etat sexiste c’est bien, par contre si sa fille ose baiser dans les chiottes d’une boîte de nuit elle lui fait une leçon de morale digne des meilleurs films d’Hollywood sous le Code Hays. Moi qui croyait que la libération de la femme passait par la libération sexuelle, je tombe des nues.
Et c’est peut-être ce qui me fait le plus souffler du nez dans cette série : la protagoniste est détestable. De base, j’ai forcément du mal à m’identifier à une bourgeoise qui donne de grandes leçons d’Humanité sur son émission de radio le matin tout en se baignant dans sa piscine privée le soir, mais soit. Maintenant, est-ce qu’on peut parler du fait que cette mère de famille ne consacre son temps et son énergie qu’à sa fille, délaissant complètement les autres personnes de son entourage ?
Son association a touché des aides qui lui permettent d’accueillir plus de femmes dans de meilleures conditions. Malheureusement c’est une mauvaise timeline pour sa fille, hop on reset, et on fait foirer les négociations avec la Région dans la nouvelle timeline.
Son amant lui demande pourquoi elle ne lui parle plus depuis 3 semaines. Au lieu de lui expliquer simplement que sa fille demande des soins constants, Madame préfère fuir ses responsabilités et revenir à une époque où son amant était encore employé à faire le guignol dans un restaurant pour un salaire de merde.
Son fils, malgré le fait qu’il ait été complètement délaissé pendant 6 mois alors que sa soeur vivait sa meilleure vie, a trouvé une copine et a des projets d’avenir. Malheureusement, Lou est triste parce qu’elle n’a pas pu faire la bête à deux dos avec un daron quarantenaire, donc vite, on annule cette timeline, tant pis pour Célestin.
En fait, je pense que c’était volontaire de rendre cette femme absolument insupportable voire puérile, tu ne peux pas écrire un personnage comme ça en te disant "C’est bon, les gens vont adorer cette richarde qui a 15 ans d’âge mental".
Sauf que le souci quand tu écris un personnage de cette façon-là, c’est que tu ne peux pas avoir une fin satisfaisante, c’est littéralement impossible. Soit la fin est positive et donc le personnage est encouragé dans son caractère de merde, soit elle est négative et le spectateur a juste perdu 6 heures de sa vie à voir une connasse se débattre pour finir au fond du trou.
Elle est toutefois plus attachante dans les deux derniers épisodes, je lui accorde ça. Par contre je vous rassure tout de suite : ça finit bien. Pas de fin cynique sur TF1, ça n’encourage pas la ménagère à acheter les merdes qu’on lui montre toutes les 20 minutes.
D’ailleurs ironiquement, c’est parce qu’elle devient femme au foyer qu’elle est plus détendue et à l’écoute des autres. Drôle de message de la part d’une série qui se veut progressiste, mais tout va bien braves gens, à la fin elle demande un salaire complet pour un poste à mi-temps. L'honneur est sauf, la cause progresse !
Heureusement, il n’y a pas que l’héroïne qui soit toute pourrie dans cette série, il y a aussi son concept de base. Après la mort de sa fille, Madame apprend qu’il existe une agence qui permet d’être renvoyée dans le passé, moyennant finance. Comment est-elle mise au courant de ça ?
Parce qu’une de ses anciennes SDF lui dit ce qu’il se passera lors de son émission radio du lendemain. A savoir, qu’un de ses collègues s’est étouffé en buvant un verre d’eau.
C’est quand même extrêmement spécifique, vous en conviendrez. Ca signifie que cette femme a écouté l’émission de radio dans la timeline A, qu’elle s’est souvenue de ce jour-là spécifiquement, qu’elle est retournée dans le temps pour une raison X pour atterrir dans la timeline B, qu’elle a croisé par hasard l’animatrice dans la rue un jour avant cette fameuse émission et que celle-ci, malgré sa dépression, a consenti à écouter les délires d’une tarée.
Mais passons. Pour 30.000 balles donc, on peut remonter 6 mois en arrière. Qui prélève l’argent, et surtout à quel moment ? Lorsqu’on commande son voyage ? Mais du coup, dans la nouvelle timeline tu démarres avec 30.000€ de moins sur ton compte ou on attend que tu reviennes au jour où tu l’avais commandé ? Et si ton compte en banque est vide ce jour-là ou que tu es morte entre-temps, ils se payent comment ?
Et puis bordel, les services de l’agence sont ultra-craqués, comment peut-on voyager dans le temps sans surveillance, sur la simple déclaration que tu veux juste empêcher la dépression de ta fille ? Si je dis ça mais qu’en fait je profite plutôt de la nouvelle timeline pour acheter des Bitcoin en 2011 et tout revendre en 2020, y’a un malus ?
Parce que visiblement l’agence se moque de savoir si la fille dépressive va mieux et laisse la mère faire plein de quêtes annexes (renouer avec sa mère, se battre avec un député qui a osé commettre le crime de rappeler qu’il y avait plus de SDF hommes que femmes…) sans jamais intervenir. Le dernier épisode tente de rajouter une contrepartie à la multiplication des voyages dans le temps...qui est immédiatement désamorcée grâce à un autre voyage dans le temps, incroyable.
Je ne comprends pas comment une telle entreprise peut exister sans que le grand public et la sphère politico-médiatique ne soient au courant, surtout si les clients ont le droit de divulguer son existence à la première chialeuse venue.
En fait, on passe plus de temps à se demander comment marche cette foutue agence qu’à suivre l’histoire inintéressante de la gamine dépressive et de son Dylan (ça ne s’invente pas).
(j’ai rédigé une bonne partie de cette critique après l’épisode 4, alors je tiens à vous rassurer : aucune de ces questions n’a de réponse dans les épisodes 5 ou 6)
Et puis la galerie de personnages secondaires est inintéressante au possible, que ce soit la copine humoriste pas drôle ("J’ai mis un jouet dans ma bouche, mon chien l’a mordue et maintenant je suis défigurée, lolilol abonne-toi"), l’ex-mari qui a trouvé une nouvelle femme mais qui n’est visiblement pas contre baiser son ex qui l’a traité de violeur 10 minutes plus tôt, la grand-mère qui a rejeté sa fille parce que "j’étais trop émancipée" (sûrement une nouvelle façon de dire "trop chiante")...
Le tout servi bien sûr par des acteurs aussi convaincants et charismatiques que les pâtes à l’eau qui ont attaché dans ma casserole, et des effets spéciaux incroyables tels que fondblanc.jpg et flou.mp4. J’applaudis au passage la diction de la jeune Higelin, absolument incompréhensible dans les scènes où elle pleure.
Je conclurai en disant qu’en faisant quelques recherches, j’ai découvert que Plan B était aussi le nom d’une pilule du lendemain. De là à dire que j’aurais préféré que la gamine soit avortée plutôt qu’elle casse les couilles à tout le monde pendant 16 ans…