[spoil Inside]
Psycho-Pass fut une excellente surprise, pour moi. Cherchant à tromper l'ennui et tombant sur une série semblant vaguement se relier avec mes préoccupations actuelles (à savoir, l'aliénation de l'homme par sa propre technologie et l'oubli total de la morale ou d'interrogations d'ordre philosophique accompagnant l'innovation technique), je m'estimais plutôt satisfait.
Et le premier épisode s'est montré à la hauteur de ce que j'attendais. Avec un type de distopie que je n'avais pas encore rencontré, basé sur la santé mentale du peuple, évaluée en permanence afin de déceler les potentiels dangers pour la société, Psycho-Pass commençait très bien.
Mais rapidement, un malaise s'installa. Moi qui m'attendais à voir les héros se retourner peu à peu contre cette société de contrôle absolu, puisqu'au-delà de la simple surveillance, il s'agit d'un contrôle effectué par chaque citoyen sur son propre "psycho-pass", sur sa propre capacité à entrer dans le moule, pourrions-nous dire; moi qui m'attendais donc à voir peu à peu les personnages se révolter contre cela, afin d'amener le spectateur à réfléchir sur divers points et notamment sur l'utilisation de la science au profit de la Justice, la peine de mort et autres... eh bien raté : les personnages sont flics. Et ils resteront flics.
Malgré la relative ambiguïté des "exécuteur" (qui, au final, ne sont pas si différents des inspecteurs, et j'y vois là une faiblesse de cet animé), les personnages défendent corps et âme cette société de contrôle, parce qu'elle permet le bien être de la population. les gens vont bien. Ils vivent bien.
Mais sont-ils heureux pour autant?
Traquant un grand méchant tirant les ficelles de plusieurs meurtres dans l'ombre, je me suis vite aperçu que, si je n'approuvais pas les méthodes de ce personnage, en revanche son idéologie ne peut que séduire le spectateur. Car c'est lui, le révolutionnaire, lui qui veut mettre un terme au système Sybil, lui que l'on veut voir mener de front une révolution contre ce système aseptisé, sans âme.
Lui que les héros pourchasseront, lui que l'on va détester par sa brutalité, quand sa philosophie, forcément, nous plait.
Voilà pourquoi je suis resté longtemps sans pouvoir juger cette série. Où veulent en venir les auteurs? Est-ce une apologie d'une société non pas juste, mais paisible? Pour paraphraser Pascal, "ne pouvant faire que la justice soit juste, on a fait que la force le soit". C'est toute la question de cet animé, qui nous amène à nous interroger sur la valeur de la justice: à partir de quand peut-on juger un crime? Doit-on se révolter contre une justice injuste, au risque de causer un tel trouble que de terribles émeutes mettront fin à la vie de centaines d'innocents?
Alors, qu'en est-il au final?
Eh bien, les scénaristes ne me semblent pas avoir tranché, et cela s'illustre parfaitement avec le personnage d'Akane, consciente de ce système terrible contre lequel elle souhaiterait se battre, mais souhaitant également préserver la vie du peuple. Face à ce dilemme, donc, les scénaristes ne tranchent pas, mais nous offrent, notamment au travers des conversations entre Akane vs le grand-méchant-dont-j'oublie-le-nom, et Akane vs Sybil, des éléments de réponse.
J'ai notamment été marqué par la conversation Akane/Sybil, qui se termine par plusieurs flashbacks où Akane jauge le pour et le contre. Elle fini par y revoir son amie, sacrifiée pour la révolte de monsieur le méchant au nom japonais. Elle lui dit qu'elle aurait pu vivre. Qu'elle allait bien, qu'elle était souriante. Son amie lui répond:
"Mais étais-je heureuse?"
"Tu aurais pu le devenir...", répond Akane sans trop y croire, visiblement.
Non.
Ce n'est bien sûr que mon avis, mais non, elle n'aurait pu le devenir. Dans une société où la logique scientifique, sèche et aride, remplace et annihile la recherche du sens de sa propre existence, nul bonheur ne me parait possible. Mais, et c'est ça qui est très bien avec cette série, ce n'est que ma vision.
Psycho-Pass interroge et remet en question beaucoup de choses, et ne laisse certainement pas insensible quant au sujet que la série touche ; mais il n'y a pas de réponse toute faite, cela reste ouvert.
Et c'est ce qui rend la fin réaliste : Akane promettant que l'homme finira par vaincre Sybil, finira par proposer une société meilleure. Peut-être Parfaite. Sybil ricanant. Malgré son intelligence supérieure, il n'entrevoit pas cela comme une éventualité plausible. Pourtant, impossible de ne pas garder espoir en regardant Akane tourner les talons.
Alors, voilà pourquoi c'est réaliste: parce que bien qu'en toute logique, on ne peut qu'être pessimiste quant à la suite, on garde toujours cet indécrottable espoir enraciné bien au fond de nos tripes. Et ça, Psycho-Pass me l'a fait ressentir très fort.
Bon, j'ai passé sur plein de sujet que touche la série et qui m'ont beaucoup touché, comme l'accès à l'immortalité du corps et les conséquences, désastreuses, pour l'esprit; la valeur de l'art (notamment la musique, ici) dans une société où il convient d'être uniformément sain d'esprit; le rôle de la femme dans la société; etc. Sans parler de l'animation, très bonne, et de la bande son, enivrante. Un petit regret sur le travail effectué sur la psychologie des personnages secondaires, bâclés (surement dû à la durée de la série, relativement courte avec seulement 22 épisodes pour un sujet si vaste).
À plusieurs reprises, je n'ai pu m'empêcher de me dire: dans une société pareille, il n'aurait pas fallut longtemps pour que Sybil m'identifie comme "criminel latent"... si criminel signifie danger pour un système, et si danger signifie refuser d'entrer dans un moule.
Du moins, je l'espère.
Et vous?