Puella Magi Madoka Magica, que j’appellerai Puella par la suite de cette critique pour faire plus simple, se présente d’abord comme un gentil petit dessin animé Magical Girl, donc avec des jeunes filles toute mignonnes qui rencontrent une peluche magique leur conférant des pouvoirs leur permettant de réaliser leurs rêves, de combattre les forces du mal afin de répandre la lumière en ce monde... Il n’en est absolument rien en réalité puisque tout cela n’est qu’une introduction destinée à être complètement prise à contre-pied, et cela très vite, afin d’aller là où le récit veut véritablement se rendre, dans une voie complètement différente de ce que l’on aurait pu imaginer avec une telle présentation.
Il est très difficile d’en parler sans spoiler l’animé, le simple fait de vous révéler dans mon intro que les choses vont évoluer très différemment est un spoil mais je considère que c’est nécessaire. Si l’on recherche un gentil animé à montrer à une gamine, il ne faut surtout pas croire que Puella le soit par exemple, de la même manière quelqu’un, comme moi, n’ayant aucune envie de se coltiner un truc aussi niais en apparence pourrait en réalité adorer, comme moi, l’animé au final alors qu’il ne l’aurait jamais regarder si on se serait contenter de lui montrer le premier épisode.
C’est un ami inscrit sur ce site, Francisravage, qui m’a convaincu de m’y mettre en me promettant un récit beaucoup plus complexe et mature que ce que les débuts me laisseront supposer et je dois bien admettre que c’est parfaitement le cas. C’est cette maturité qui apparaît assez vite et marque le tournant. Combattre de puissantes forces maléfiques n’est pas sans danger et l’esthétique toute kawaï n’empêchera pas quelques effusions de sang à l’occasion, des visages tordus de douleur...
Et cette maturité n’est pas seulement là dans l’esthétisme mais aussi , et surtout j’ai envie de dire, dans les thématiques abordées qui dépassent largement le passage à l’âge adulte, avec l’image des jeunes filles quittant un monde tranquille pour un monde beaucoup plus agité où elles y acquièrent des responsabilités. On retrouve des questionnements sur la fatalité que l’on peut combattre en dépit de tout ou que l’on peut embrasser pour se préserver, la confusion de sentiments très forts et comment cela peut nous changer profondément, la notion de sacrifice que l’on est prêt à faire ou non, le dilemme entre agir pour ce que l’on désire soi-même ou pour ce que l’on considère juste pour les autres...
Et si le manichéisme semble dangereux sur certaines de ces thématiques, Puella s’en tire admirablement bien en faisant notamment évoluer radicalement ses personnages, celle dévouée aux autres souffrira du manque de reconnaissance pour ses actions, celle ne se battant que pour ses propres aspirations sans se soucier des autres devra en affronter les conséquences... et on peut y voir ses personnalités opposées évoluer de telle façon qu’elles se rejoignent ou s’opposent à nouveau de façon inverse, c’est très profond et très bien amené.
On a pas mal de moments chargés en émotions avec de vraies prises de risques quant à la disparition de personnages attachants et la manière dont cela peut se produire, brutale ou vaine. Parce que c’est une chose de faire tuer un personnage bien apprécié sur lequel on sentait que beaucoup d’autres choses pouvaient être développés, ça en est une autre encore plus audacieuse, presque casse-gueule, de le faire sans que sa mort ne serve à quoi que ce soit. Et pourtant ces morts ne sont jamais véritablement inutiles au récit, bien au contraire.
On retrouve également une complexité de l’intrigue (monde parallèle, différents espaces-temps...) dont je trouve l’équilibre quasiment parfait entre plusieurs grilles de lecture, twists, théories à formuler et à interpréter soi-même... et l’accessibilité quand même de l’ensemble qui fait que même au premier visionnage on arrive à comprendre l’essentiel sans être complètement perdu. Gen Urobuchi, dont j’apprécie également énormément le travail de scénariste sur l’animé Psycho-Pass, réalise là encore un excellent travail pour un récit émouvant, mature, intelligent et complexe.
Histoire d’enfoncer le clou, la réalisation de l’animé est de très haute volée, encore plus dans ses versions en films, et que ce soit au niveau des personnages, des décors, des scènes d’action... tout est superbe visuellement, sauf peut-être le monde alterné à l’esthétisme auquel j’ai du mal à adhérer mais c’est un soucis plutôt personnel. J’aime aussi la dimension très brutale des combats, bien loin des rayons magiques plus puissants que les autres, et rien que pour voir une Magical Girl se battre avec un bazooka, ça vaut le coup d’œil.
Certains pouvoirs sont originaux et offrent des affrontements à la mise en scène assez recherchée face à des ennemis aux pouvoirs souvent complexes à appréhender, et des combats il y en a quand même pas mal donc ce n’est pas du tout négligeable. Sinon, les musiques de la compositrice Yuki Kajiura, qui signera également celle de Fate/Zéro dans un genre musical assez proche, sont aussi réussies pour intensifier des passages dramatiques comme épiques, comme si l’animé n’était pas assez exceptionnel comme ça.
Si je fais abstraction de son début un peu laborieux, nécessaire au parti pris de base du récit, ainsi que d’une partie de son esthétisme avec lequel j’ai du mal par moment, Puella est un récit émouvant, mature, intelligent et complexe profitant d’une réalisation de haute volée et d’une très belle OST. Ne vous fiez pas aux apparences et regardez cet animé, et si vous l’avez apprécié n’oubliez pas le troisième film qui reprend là où l’histoire de l’animé s’arrête, alors que les deux premiers films reprennent fidèlement l’histoire de l’animé pour l’essentiel.