Rabbits
7.1
Rabbits

Websérie (2002)

Dans Rabbits, on nous présente l'histoire de Trois lapins humanoïdes, dans leur appartement de classe moyenne, par une nuit (ou une journée) pluvieuse, qui cachent un terrifiant secret... l'histoire est mise en scène de façon minimaliste sous forme de sitcom détournée...


Pour commencer, il existe beaucoup de spéculations sur les dialogues obliques des personnages, paraît-il qu'en essayant de déchiffrer leurs paroles apparemment aléatoires, et en les remontant dans un certain ordre, le dialogue donne un tout cohérent, mais il s'agit certainement d'une légende urbaine circulant autour du film, comme c'est le cas pour bien des œuvres.


Mais tout cela n'est que perte de temps, l'essence de cette mini-série, C'est justement que ce à quoi les personnages font référence à n'est jamais expliqué, et n'est pas explicable, leurs questions restent sans réponse, les lignes de conversation répondent à quelque chose de complètement différent, les points vers l'artificialité des interactions elles-mêmes. Les lapins sont enfermés dans leur propre enfer personnel, en passant par une forme de communication formelle, mais sans jamais donner de liaison, juste un ersatz de sociabilité, un ensemble de sons formulés dans un ordre vaguement cohérent.


Mais peut-être y a-t-il un peu plus que cela...


Malgré l'échec apparent des communications, on a parfois le sentiment que nos personnages sont réellement en train de transférer quelque chose entre eux, que même si la surface est incompréhensible, quelque chose se passe sur un autre plan, ce qui serait symbolisé par l'obscurité visuelle de l'ensemble. En effet, le décor est réduit au strict minimum, Pas de fenêtres, pas de lumière, un groupe de classe moyenne habitant dans un salon de classe moyenne de banlieue, comme enfermé un bunker souterrain.


L'ensemble du film est en fait tourné quasiment en un seul plan, sur un salon, le genre de pièce typique d'une sitcom, qui est le lieu qui symbolise le lien entre nos personnages. L'étape commune de leur vie de tous les jours, quand ils rentrent du travail, se détendent, font leurs corvées.


Lynch utilise une structure de sitcom pour encadrer la vie des personnages. Jusqu’à utiliser des rires et applaudissement enregistrés lorsqu'ils ils entrent dans la salle ou prennent la parole, même si leurs occurrences semblent avoir peu de rapport avec l'action se déroulant dans la scène. L'utilisation de rires en boîte quand il n'y a pas de lien rationnel évident entre les actions et les paroles des personnages dénote la nature artificielle, clichée et répétitive de la structure de sitcom elle-même, qui renvoie par ailleurs à la nature identique de leur propre vie.


À l'occasion, quelques événement viennent toutefois ponctuer le récit. On retrouve parfois un personnage seul au devant de la scène, en train de réciter un monologue face à ce qui semble être un public, parfois il s'agit d'un chant triste et nostalgique typiquement lynchien. Encore une fois, le contenu du monologue est plus ou moins pertinent (des fragments de l'histoire d'un chien sont répétés), mais l'image intéressante dans ces scènes est une sorte de flamme sur un mur en haut à droite de la pièce, qui apparaît et disparaît de façon incongrue, et qui raconte la vraie histoire. Le feu, la passion frénétique, belle mais dangereuse et douloureuse, qui donne la vie, mais peut aussi l'emporter, l'étincelle primordiale qui se retrouve dans les courbes de l'existence, mettant un peu de ponctuation dans l'enfer du quotidien.


Il ne servirait toutefois à rien de continuer à parler plus en long de ce film, vous avez certainement tous compris ce qu'il symbolise, la meilleure chose à faire étant encore de le regarder et voir par vous-même ce qu'il vous évoque, il en vaut la peine.


Pour conclure, Rabbits est simplement un pur film de Lynch, à la fois son film le plus simple, et le plus ambigu, car on peut vraiment y interpréter ce qu'on veut, finalement tout le monde peut se retrouver dans ce moyen-métrage. Une œuvre réellement insaisissable, visuellement manipulatrice et surréaliste. Comme tout le reste de la filmographie du bonhomme en somme.

Schwitz
8
Écrit par

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le 13 oct. 2016

Critique lue 296 fois

Schwitz

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