Les médias et la culture populaire ont toujours eu une fascination pour l'intelligence artificielle (IA), un sujet qui inspire à la fois la crainte et l'émerveillement. De *HAL 9000* dans *2001: L'Odyssée de l'espace* à *Joshua* dans *Wargames*, en passant par la lutte entre *La Machine* et *Le Samaritain* dans *Person of Interest*, ou encore les hôtes de *Westworld*, l'IA est souvent perçue comme un miroir de nos angoisses et de nos espoirs pour l'avenir. Ces œuvres expriment cette dualité entre admiration et méfiance, entre promesse et menace.
Mais en 1997, un événement marquant s'est déroulé, bien réel cette fois, et dont l'importance ne fut véritablement comprise qu'avec le recul : le duel entre **Deep Blue**, le supercalculateur d'IBM, et **Garry Kasparov**, alors champion incontesté du monde des échecs. Ce duel n'était pas qu'une simple confrontation entre l'homme et la machine, c'était une démonstration du potentiel de l'IA face à l'une des activités humaines les plus emblématiques du raisonnement logique.
Ce qui rendait la victoire de Deep Blue si spectaculaire, ce n'était pas seulement sa capacité à traiter des millions de positions par seconde, mais la manière dont il combinait brute force et calcul stratégique pour défier l'intuition humaine. Cependant, en dépit de ses prouesses, Deep Blue n'était qu'une machine spécialisée, optimisée exclusivement pour jouer aux échecs. Sa puissance de calcul, bien que considérable pour l'époque, était encore modeste en comparaison du supercalculateur **Cray T3E** de la même période, un exemple de l'infrastructure de calcul de haute performance.
Une question demeure : pourquoi Deep Blue utilisait-il des méthodes de programmation traditionnelles, au lieu d'exploiter les **réseaux neuronaux** artificiels, qui existaient pourtant déjà à l'époque ? La réponse réside dans la limitation de la puissance de calcul disponible. En 1997, bien que les concepts derrière les réseaux neuronaux aient été établis, la puissance requise pour leur apprentissage massif était inaccessible. Ce n'est qu'avec l'avènement des **GPU** de Nvidia, et plus spécifiquement de l'architecture **CUDA**, il y a une quinzaine d'années, que ces réseaux sont devenus véritablement viables et efficaces à grande échelle.
Aujourd'hui, faire l'amalgame entre **Deep Blue** et des IA modernes comme **ChatGPT** relève d'un contresens technologique majeur. Ce serait comme comparer une **Porsche 911** de 1997 à son modèle de 2024 : bien qu'elles partagent un nom, tout les distingue, de la motorisation à la technologie embarquée. Deep Blue n'était qu'un moteur de calcul extrêmement rapide dédié aux échecs, tandis que ChatGPT repose sur des réseaux neuronaux profonds (*deep learning*), capables d'apprendre et de se mettre à jour en continu grâce à des mécanismes sophistiqués tels que le **RAG** (Retrieval-Augmented Generation). Les GPU modernes qui alimentent ces IA sont des milliards de fois plus rapides que les processeurs de Deep Blue, permettant des avancées spectaculaires dans des domaines allant bien au-delà des simples jeux de stratégie.
La série *Rematch*, qui revisite ce duel entre l'homme et la machine, offre un rappel poignant de cette époque où l'IA en était encore à ses balbutiements. Mais elle souligne aussi à quel point les progrès ont été fulgurants en quelques décennies. Ce n'est plus seulement une question de victoire aux échecs : aujourd'hui, l'IA est partout, dans nos smartphones, nos véhicules autonomes, nos systèmes de cybersécurité. Ce qui se jouait alors sur un plateau de 64 cases est désormais au cœur de nos infrastructures critiques, de nos économies, et de notre quotidien.