J'avoue avoir toujours été extrêmement réticent aux séries françaises qui me sont toujours apparues comme balourdes et honteusement complaisantes avec le système; sans même parler de la terrible médiocrité de leurs acteurs d'une manière générale. Reporters en sa saison 1 semblait nettement sortir du lot par son esprit critique et par la pertinence des sujets abordés qui mettaient le doigt où cela fait mal pour qui sait voir. Outre la corruption quasi généralisée des représentants de notre système politique, la ridicule langue de bois qui caractérise tous leurs discours, c'est ici la fin programmée de toute liberté effective de la presse qui était fort bien montrée. Il suffit d'ailleurs de regarder ce que sont devenus les journaux et l'information en général aujourd'hui, pour comprendre que la chose est dite. D'une information qui dépend entièrement des annonceurs, il est clair que l'on ne peut plus rien attendre en matière de vérité essentielle. La "profession" a donc fait le ménage en mettant dehors tout ce qui ne voulait pas s'aligner. Et comme le dit ici la "chargée de pouvoir", il ne s'agit pas de censure mais de bonne gestion. D'une certaine manière, cette série clôtura le débat et ferma également la porte derrière elle et la liberté critique en France. On notera d'ailleurs que le diffuseur de cette série, Canal+, a lui-même perdu désormais toute autonomie, sur le modèle même du scénario de cette histoire. Prédictive la série Reporters ? Le chemin était déjà bien balisé et donc prévisible l'arrivée. La saison 2 en fut d'ailleurs elle-même la parfaite illustration, avec une reprise en main vers les "intérêts supérieurs de la nation" comme l'on dit, et en rangeant tout esprit critique au placard. Se concluant même par un ridicule appel au "patriotisme économique" interdisant toute contestation. Faut le voir pour le croire !
George Orwell, au micro de la BBC en 1942, faisait pourtant remarquer que la liberté d'expression consistait à pouvoir dire aux gens ce qu'ils ne veulent pas entendre. Nos experts médiatiques pensent au contraire qu'il faut toujours les brosser dans le sens du poil en choisissant la facilité. Peu importe l'énormité des mensonges débités du moment qu'ils plaisent au public visé et font qu'il s'abstiendra de réfléchir davantage, se considérant comme "informé".
Certains voudraient croire qu'internet a pris le relai de la liberté d'expression; voilà qui est grandement illusoire. Internet est le royaume de la séparation et du monologue où des millions de voix "s'expriment" sans vouloir prendre en compte ni même entendre la parole contradictoire. L'opinion y est devenue sourde et hostile à tout ce qui la contredit. Chacun peut donc s'y bâtir sa fantasmagorie propre dans le rejet de la différence et la certitude de sa propre "raison" narcissique uniquement en quête d'approbation. Où est le dialogue ? Ou est la démocratie ?
Probable qu'un grand silence suive pour finir.