(Critique - sans spoilers - de la saison 1)
Le cinéma de Cameron Crowe est sans conteste l'un des cinémas les plus sentimentaux et personnels que le septième art ricain est connu ses trois dernières décennies; un condensé parfait de douceur et d'évasion ayant connu ses plus belles heures de gloire durant les précieuses 90's via les merveilleux Jerry Maguire et (surtout) Presque Célèbre.
N'en déplaise à beaucoup, le cinéaste est un grand monsieur dont chaque (trop rares) rendez-vous incarne une bulle de légèreté, de poésie et de finesse dans des salles obscures qui n'en contiennent jamais assez.
Dites salles qui, en revanche, semblent de moins en moins soutenir la beauté de son œuvre, tant le pauvre bonhomme accumule les déconvenues artistiques depuis le début des années 2000, la faute, certainement, à une critique bien pensante le prenant souvent en grippe; arguant que ses créations sont aussi limitées qu'elles ne transcendent que trop rarement ses concepts pourtant aguicheurs.
Il est de certitude avérée que Crowe n'a jamais affolé les stats du box-office durant sa longue carrière - excepté pour Jerry " Fucking " Maguire -, mais le flop retentissant de son dernier long en date, le bancal et attachant Welcome Back, lui a décemment fait comprendre que comme pour toute histoire d'amour compliquée, celle qu'il entretient passionnément avec le grand écran nécessitait une pause pour, espérons-le, faire repartir de plus belle leur romance d'ici quelques années.
Son arrivée sur le petit écran apparait alors non pas comme un aveu de faiblesse mais bel et bien comme une bouffée d'air frais salvatrice dans son processus de création, d'autant plus qu'il opère avec Roadies, un retour aux sources de sa première vraie passion, la musique.
Dans une sorte d’extension contemporaine du masterpiece Presque Célèbre (le film a révolutionné, à l'instar de The Doors, This is Spinal Tap ou même High Fidelity, la vision de la musique sur grand écran), Crowe s'attache à compter l'envers du décor des tournées de concerts musicaux, la vie en coulisses des " roadies " ses inconnus (managers, techniciens, producteurs,...) sans qui la magie ne pourrait pas opérer sur scène; ses artisans de l'ombre qui mettent ici en lumière et façonnent la célébrité groupe pop-rock The Staton-House Band.
N'ayant rien perdu de son talent de storyteller, et encore moins son gout immodéré pour les castings de génie (les mésestimés Luke Wilson, Gina Carano et Rafe Spall, la pétillante Imogen Poots), le cinéaste avec l'aide de Winnie " Angela, 15 ans " Hozma, nous balance de nouveau sur la route du rock avec tendresse et humour, au sein d'un show certes gentillet, mais incroyablement attachant, drôle et réaliste.
Nostalgique et personnel comme ce n'est pas permit, Roadies prend le contre-pied de feu la récente Vynil (l'univers de l'industrie du disque dans les 70's) tout autant que de la buzzé Unreal (qui compte les backstages épicées d'une télé-réalité), pour mieux brosser le trait d'une famille paumée mais unie et disserter une nouvelle fois, sur l'immense pouvoir d'attraction du rock'n'roll.
Comme pour Almost Famous qui s'attachait lui aussi au destin de ses " sous-acteurs " essentiels du rock (le journaliste, " l'ennemi " et la groupie) au moment ou celui-ci entamait son râle d'agonie - la fin de l'ère " sex, drogue and rock'n'roll " - et sa fuite en avant vers une impossible jeunesse éternelle; le show décrit son industrialisation forcée, le retour dans le rang d'un sale gosse ou l'aspect bouillant de sa fabrication, laisse désormais place à une organisation plus lisse et bien huilée, ou chaque morceau préfabriqué est savamment calibré pour plaire/vendre par des producteurs ne ressentant plus réellement l'essence même de cet art si particulier et vivant.
Une vision sans phare dans les coulisses de ceux qui font perdurer le monde de la musique, mais point de ceux qui existent pour et par elle. Un brin froid sur le papier, Roadies opère pourtant son regard avec une infinie tendresse, pelotonné dans un cocon d'humour et de douceur joliment empathique dans lequel les personnages, tous finement croqués, nous charme par leur quotidien et leurs " petits drames " dessinés avec réalisme.
Complétement tourné vers son œuvre qui transpire sa si reconnaissable patte de tous ses pores, le Cameron distille de-ci de-là des références appuyées à sa filmographie (notamment le personnage d'Imogen Poots s'inscrit comme une jumelle inversée de Penny Lane, ou encore les protagonistes concertant avec ferveur sur leur connaissance de la " bonne " musique), tout en égrainant de nouveau les thèmes qui lui sont chers (la famille, l'amour - souvent contrariée -, les remises en question sur sa condition, son avenir et l'infinie quête du bonheur).
Comme tout bon film du cinéaste, la série prend son temps pour doucement mais surement s'installer, semble ne rien raconter tout en racontant tout (on peut se retrouver dans chacun des personnages, joués avec implication par un casting globalement convaincant), s'amuse à toujours placer le bon morceau au bon moment (B.O. au poil, comme d'hab) tout en étant faussement naïve mais réellement envoutante; Roadies parlera instinctivement à tous les amoureux du cinéma de Cameron Crowe, mais également aux passionnés de la musique et de ses arcanes plus complexes qu'elles n'en ont l'air.
Humble et envoutante, pleine d'humour et de bons sentiments tout autant que portée par de vraies bonnes idées narratives (on pense évidemment au concept du " song of the day ") et une vraie mise en scène soignée, la première incursion sur le petit écran du papa de Presque Célèbre n'en est même pas encore à la fin de sa première cuvée (Showtime à commandé 10 épisodes), qu'elle a déjà tout en elle pour être un des grands rendez-vous de la télé US chaque saison estivale.
Du moins, c'est ce qu'on espère ardemment par chez nous...
Jonathan Chevrier
http://fuckingcinephiles.blogspot.fr/2016/08/fucking-series-roadies-for-love-of.html