Romance est la preuve qu'on peut faire une série fantastique de qualité sans avoir recours aux effets spéciaux quand elle s'appuie sur un scenario solide et bénéficie d'un bon jeu des acteurs.
Bien que ce soit un voyage dans le temps qui propulse Jérémy 59 ans dans le passé, et Alice dans le futur, Romance n'est pas une série de science-fiction, car manifestement les moyens par lequel cela est rendu possible - matérialisés, par exemple pour Jérémy, simplement par une lumière qui s'éteint sur une réalité pour se rallumer sur une autre, sur le rythme des paroles de la chanson "Deep Blue Sea" - ne relèvent pas de la science et ne sont pas importants, seule leur finalité l'est : permettre à Jérémy de rencontrer en 1960 Alice, la femme mystère qu'il a vue sur une photo prise en 1960 et qui l'a fasciné et à Alice de retrouver Jérémy l'homme qu'elle aime.
Les voyages dans le temps imposent le respect de certaines règles dont la plus importante est de ne pas créer de paradoxes temporels où le futur se trouverait changé suite à une modification du passé.
Ainsi, Jérémy ne peut pas rester vivre dans le passé, comme il ne peut pas non plus y trouver la mort, car on serait face à un paradoxe temporel puisqu'alors il ne pourrait pas remonter le temps en 2019.
A l'issue de son aventure, il reviendra donc en 2019.
A-t-il pu sauver Alice des dangers qui la menacent et d'elle-même, en perçant les secrets qui hantent son passé douloureux et en l'aidant à vaincre ses démons ? Si oui, pourrait-il pour autant la ramener avec lui ?
Sa destinée n'est-elle pas de mourir noyée, comme semble le suggérer les paroles de la chanson "Deep Blue Sea" ?
De par sa présence dans le passé, Jérémy a été associé au destin d'Alice, quel qu'il ait pu être, (comme à celui de Valeria, la soeur de Chris qu'il a sauvé de la noyade), mais ne semble pas pouvoir le changer car le passé est le passé et il ne peut être modifié, concept qui n'est pas sans rappeler la problématique de la dualité entre destinée et libre arbitre au coeur de la série Lost, les disparus.
A première vue, la présence de Jérémy à Biarritz en 1960 ne semble pas avoir affecté le passé car quand il y rencontre Tony, à l'occasion de l'ouverture de son club Wonderland, il lui donne la recette du cocktail Brooklyn et quand, avant que ne débute son voyage dans le temps, il rencontre en 2019, à l'occasion de son recrutement au club, Tony Junior, le fils de Tony, celui-ci lui demande, comme unique épreuve, de lui préparer un Brooklyn, dont Jérémy connait la recette. Auparavant, on avait vu Jérémy suivre Tony Junior jusqu'à son hôtel, s'introduire dans sa chambre dont la porte était ouverte et y feuilleter un livre intitulé "Les Autres Jours" écrit par l'auteure (fictive) Margaret Forget-Belliani (aka Margaret Cadwell) dans lequel il avait trouvé une carte postale de Biarritz datant des années 60, au dos de laquelle Tony avait notée la recette du Brooklyn que Jérémy lui avait donnée en 1960. Ce qui implique nécessairement que Jérémy connaissait la recette du Brooklyn avant de la lire sur la carte postale, car sinon on est face à une incohérence. En effet, comment pourrait apprendre de par lui-même quelque chose qu'il ne connait pas ?
Mais, à la différence de la série Lost, dans Romance, c'est le libre arbitre qui l'emporte sur la destinée car en sauvant Alice, Jérémy change effectivement le passé des personnes avec lesquelles il a interagi - Alice, Tony, Margaret, Valeria... et donc aussi leur futur.
Et le scénario ne peut éviter l'écueil du paradoxe temporel.
En effet, Jérémy revient à son époque le 29/12/2019, deux jours avant son départ, le 31/12/2019 pour le passé dans l’ancien futur, qui n’existe plus (ce qui à l'avantage de faire disparaître l'incohérence au sujet du Brooklyn) car, en sauvant Alice, il a changé le passé et donc aussi la destinée des personnes qu'il a rencontré dans le passé.
Jérémy ne devrait pas pouvoir revenir à son époque puisque, avec la disparition de l’ancien futur, il n’aurait pas pu partir vers le passé.
Ici, non seulement le principe de causalité, selon lequel l’effet (le retour depuis le passé) ne peut pas précéder la cause (le départ vers le passé) se trouve manifestement violé, mais de surcroît, la disparition de l’ancien futur permet à l’effet d'exister sans la cause qui l'a produit.
Romance ne s’inscrit donc manifestement pas dans le domaine de la Science-Fiction, mais dans le domaine symbolique, ce qu’illustre très bien la phrase qu’écrit Alice dans sa dernière lettre à Jérémy en 1974, après lui avoir dit que désormais elle l'attendrait à la Tour Eiffel, chaque nuit du 31 décembre :
Faut-il croire aux belles histoires pour qu’elles arrivent vraiment ?
C’est le désir de rencontrer Alice, qui propulse Jérémy en 1960, comme c’est le désir de retrouver Jérémy qui envoie Alice en 2019.
On peut donc voir ici un message symbolique sur la force de l’amour qui peut transcender le temps et l’espace, en s’affranchissant des limites imposées par la science.