Covergirl : now sissy that walk !
Difficile d'aborder cette émission sans produire un texte qui ne repose que sur un système de codes et d’allusions ultra référencé et qui paraîtra totalement opaque à quiconque ne sera pas du tout familier avec le milieu des drag queens. Je vais donc commencer par présenter un peu le "contexte" de cette émission et de son illustre présentateur.
RuPaul Charles, plus connu sur le seul nom de RuPaul est une drag queen américaine célèbre depuis les années 80 et qui a fait un peu de tout : de la télévision (talk shows avec Michelle Visage, son acolyte), de la musique (une flopée de tubes au succès divers dans un registre disco-pop-électro-synth-glam-gay-retro-ringard-fun), du entertainment à l'américaine (monde la nuit et des drag queens, shows, concerts, soirées, night clubbing, etc), du cinéma (en tant que drag et en tant qu'homme, cf But I'm a Cheerleader par exemple). RuPaul est bien évidemment plus connu outre-Atlantique qu'ici mais bon nombre de quadras hétéros un peu ouverts d'esprit - genre mes parents - connaissent au moins de réputation et quelques chansons.
Maintenant, RPDR. En ce moment est sur le point de s'achever la 6e saison de ce reality TV show produit par LogoTV (l'équivalent US de Pink TV dirons-nous). L'émission qui a commencé comme un petit format - moins de candidates, moins d'épisodes, moins de moyens - est devenue petit à petit un gros succès de niche sur le câble et surtout sur internet. Une septième saison est annoncée et j'en bave d'avance. Le concept est simple : chercher la nouvelle star des drag queens américaines parmi une sélection de candidats variée : des jeunes, des moins jeunes, des pros, des débutants, des noirs, des hispanos, des blancs, des gros, des minces, des androgynes, des camps, des "fish" (ceux que l'on prend aisément pour une femme).
Tout cela avec des épreuves imposées, des mini challenges, des main challenges, un défilé final et pour les deux moins bons, un duel de lip sync (une sorte de playback) sur une chanson culte du milieu gay. En face, des juges : RuPaul, Michelle Visage et Santino Rice, peu connus du grand public européen et un peu plus connu aux USA (TV reality, monde de la nuit, de la mode) et des guests, de plus en plus prestigieux : ex-membres de groupes adulés des homos, candidats de TV realités et personnalités gays ou activistes reconnues. Citons Chaz Bono (fils transgenre de Cher), Neil Patrick Harris et son mari ou encore l'actrice qui joue Cersei dans Game of Thrones rien que pour cette saison 6.
Alors évidemment, regarder cette émission (téléchargement pas forcément très légal sur le net) implique de bien comprendre l'anglais (pas de sous titres ou très difficilement, et en anglais dans le meilleur des cas) et de vite se faire à l'argot du milieu drag dont quelques dictionnaires sont disponibles en ligne : "reading", "sickening", "fishy", "fierce", "sashay away / chantay you stay", "throwing shade", "no T no shade", etc, etc. Culturellement c'est assez passionnant d'ailleurs. Perso j'aime cette émission parce qu'elle me fait rire et qu'elle a le mérite de présenter un divertissement de qualité pour le genre TV réalité : mine de rien les candidats doivent savoir chanter, danser, jouer la comédie, faire rire, improviser, avoir de l'esprit, être créatifs, coudre, etc. Et l'émission montre bien tout ce processus créatif à l'oeuvre en se focalisant sur l'atelier (workroom). Les références culturelles viennent peu à peu et sont variées (cinéma, musique, carrière de RuPaul, TV américaine, etc), elles sont un plus pour tout bien comprendre mais ne sont pas non plus toujours nécessaires.
Et puis il y a les clash entre candidats, les répliques cinglantes, les moments de pur délire, les lips sync dantesques, la folies et la démesure qu'on peut attendre d'une émission aussi délibérément queer et décomplexée. Un public masculin hétérosexuel sera peut-être un peu perdu devant tout cela, mais franchement, cela mérite le coup d'oeil si vous êtes branchés par les trucs décalés.
Et en attendant le verdict de cette saison (plus faible que les précédentes en termes de qualité je trouve), moi je vote Bianca Del Rio.