Run
5.5
Run

Série HBO (2020)

Mais qu'est-il donc arrivé à notre chère Phoebe Waller-Bridge ? Elle nous avait littéralement enchantés avec son fantastique "Fleabag", nous avait un peu déstabilisés avec les maladresses de son "Killing Eve", et voilà qu'elle produit une série aussi littéralement consternante que ce "Run", dont on est bien en peine d'identifier la moindre qualité après sept épisodes de trente minutes qui auront vu la série perdre peu à peu tout l'élan pris lors de son premier épisode, et finir par nous déprimer avec une conclusion à proprement parler lamentable. Et lâche.


Car tout commençait plutôt bien, avec un scénario simple mais à fort potentiel empathique (qui n'a pas rêvé au moins une fois dans sa vie de tout plaquer pour retrouver ce premier amour qui a laissé tant de traces dans notre mémoire ?), et avec deux acteurs sur lesquels on ne tarit habituellement pas d'éloges : Merritt Wever qui nous avait bouleversés dans "Unbelievable" que sa douceur illuminait littéralement, et Domhnall Gleeson (fils du génial Brendan, rappelons-le), toujours impeccable quand il s'agit de jouer les faibles, les lâches et les ordures de tout poil. Et il y a en plus cette belle idée - européenne ? - de situer l'action dans un train, qui est quand même LE moyen de transport le plus romantique, le plus efficace pour créer de la tension dans un huis-clos, mais aussi le plus négligé de tous par le cinéma américain qui reste indéfectiblement attaché à la voiture et à l'avion.


On attend, du fait de la participation de Waller-Bridge au projet, de la bizarrerie foutraque, du vécu drolatique et émouvant, des dérapages scénaristiques vers l'absurde, et surtout des personnages passionnants... et, si l'on est un tant soit peu honnête malgré notre cruelle déception, on a bien un peu de tout ça... sauf que rien ne fonctionne : si l'on peut croire à cette ménagère qui rêve d'un break dans sa vie familiale harassante et à ce conférencier brillant mais creux qui vend ces rêves d'accomplissement en carton-pâte dont se repaissent les publics anglo-saxons, jamais on n'arrive à accepter un seul instant une quelconque relation entre eux... ce qui condamne évidemment la série au désastre total. Non, on n'a strictement rien à faire de ces va-et-vient à peu près injustifiables, de ces "je t'aime moi non plus" incohérents qui constituent la quasi totalité du scénario. Manque de "chimie" entre Merritt et Domhnall ? C'est très probable ! Faiblesse de la direction d'acteurs ? C'est certain !


Mais quand "Run", à l'occasion d'une "escale" dans l'Amérique profonde, déraille vers le thriller façon Coen Bros., avec autochtones imbibés, police pas très compétente et taxidermiste allumée (Mrs Waller-Bridge herself, qui fait son coming out (ou pas ?) gentillet et prévisible), la série touche le fond. Ne reste plus qu'a envoyer valser tout ce cirque dans un ultime épisode qui manque autant de respect au téléspectateur qu'à ses pauvres personnages. Un raccourci géographique et temporel négligent laisse tout le monde en plan, finissant par ruiner le peu de crédibilité qui restait à la série.


On est donc impatients de retrouver Phoebe Waller-Bridge dans un projet dont elle ait la complète maîtrise, et surtout, dont elle assure l'écriture !


[Critique écrite en 2020]

EricDebarnot
3
Écrit par

Créée

le 29 mai 2020

Critique lue 928 fois

5 j'aime

6 commentaires

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 928 fois

5
6

D'autres avis sur Run

Run
Thibault_du_Verne
6

Critique de Run par Thibault_du_Verne

Une course effrénée entre deux anciens amants qui décident d’activer un pacte secret pour se retrouver et fuir ensemble après 20 ans de séparation. Run tient très bien ses premiers épisodes grâce à...

le 11 déc. 2020

2 j'aime

Run
ffred
9

Critique de Run par ffred

J'aime bien Domhnall Gleason et beaucoup Merrit Wever (que je suis depuis Nurse Jackie, formidable dans Unbelievable). Deux bonnes raisons pour découvrir cette mini-série (6 épisodes de 30 minutes)...

le 2 juin 2020

1 j'aime

Run
RedArrow
5

Escape Train (saison 1)

En couple quand ils avaient 19 ans, Ruby et Billy ont conclu un pacte à vie : si un jour l'un d'eux envoyait le texto "RUN" à l'autre et que celui-ci lui répondait la même chose dans les 24 heures,...

le 31 mai 2020

1 j'aime

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

205 j'aime

152

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

191 j'aime

115

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

190 j'aime

25