Sakurada Reset
6.8
Sakurada Reset

Anime (mangas) Tokyo MX (2017)

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Série sur le voyage dans le temps sans voyage dans le temps, Sakurada Reset écrase un peu tout ce qui se fait en matière de pouvoirs surnaturels. Pas de boules de feu ou de rayons laser ici, mais plutôt des télépathes et des précogs ; souvent cassés, imparfaits et déficients. Le constat est identique pour le duo de protagonistes : si Haruki peut redémarrer le monde jusqu'à 72h dans le passé, elle n'en garde aucun souvenir. Ce pouvoir, inutile seul, devient extraordinaire une fois couplé à la mémoire absolue de Kei : de quoi écrire, réécrire le futur, redémarrage après redémarrage.

Mais il y a quelque chose de pourri dans la ville de Sakurada. Ce qui aurait pu devenir un soporifique slice of life lycéen explose dès le premier épisode. Imaginons qu’il y ait des androïdes parmi nous. Ils ressemblent parfaitement aux humains. Même en tenant leur main, en les embrassant ou en examinant leur sang, il n’y aurait pas moyen de vérifier qu’ils sont artificiels. Alors, qui parmi nous est un androïde ? Cette question, posée par un personnage, résonne particulièrement avec le point de vue du spectateur : Kei et Haruki, aussi bien dans leur comportement que dans leur manque d’expression, ressemblent bien plus à des robots qu’à des êtres humains.

Tous deux sont de véritables parangons de justice à leur manière. Haruki, hypersensible, se raccroche désespérément à un code de conduite en trois règles : 1) ne pas redémarrer s’il y a une chance de causer un impact vraiment négatif ; 2) accepter de redémarrer tant que ça ne contrevient pas à la première règle ; 3) toujours redémarrer quand elle voit quelqu’un pleurer. Vous me voyez probablement venir : si ces règles vous rappellent les Trois lois de la robotique, sachez que les personnages en sont tout aussi conscients. Avec le temps, Haruki développera même une loi zéro : toujours suivre les ordres de Kei.

Difficile de lui reprocher, tant Kei est un meilleur être humain que nous. Sans souffrir d’un complexe du martyr comme le héros de Monogatari, le bougre est un déontologiste kantien hardcore. En plus d’aider quiconque croise son chemin, il met un point d’honneur à ne jamais rien en retirer : ni gain matériel, ni satisfaction personnelle. Évidemment, la mise en pratique d’une morale aussi extrême n’est pas sans échecs, mais comptez sur Kei (personnification de la bonté désintéressée) pour acquiescer en souriant qu’il est malheureusement cruel et égoïste.

À ce moment de la critique, je dois vous avouer que Sakurada Reset n’est pas un anime très facile d’accès. On subit la lenteur de son rythme sans rien auquel se raccrocher : la direction artistique est au moins aussi anémique que l’animation de dessins en service minimum. En prime, si vous ne rôdez pas secrètement sur le portail « métaphysique » de Wikipédia, les dialogues risquent de vous plonger dans un abîme de perplexité. Il n'est pas étonnant de constater que beaucoup n’auront ainsi pas supporté les premiers épisodes, impitoyable barrière d’entrée vers le cœur de Sakurada.

C’est pourtant à ce moment que l’on commence à appréhender l’inanité des pouvoirs des espers. Car si les capacités du télépathe ne sont pas liées au temps et à l’espace, il devient possible de l’utiliser malgré les resets. Et si la possibilité de communiquer entre différentes versions du monde est insuffisante, ajoutez-y un peu de manipulation de la mémoire : juste histoire de pouvoir reprogrammer n’importe qui, n’importe quand, dans toutes les dimensions. Ce n’est que le début d’une longue série de combinaisons de pouvoirs, parmi lesquels une capacité brille particulièrement : la précognition des souvenirs des gens jusqu’à leur mort.

Un pouvoir si ridiculement démesuré qu’il fait de son utilisateur le démiurge permanent d’un futur connu à l’avance. Quel genre de monstre pourrait vivre ainsi hors du temps ? Ce à quoi on pourrait ajouter : quel genre de monstre pourrait seulement y mourir ? Dans un monde où les capacités des autres créent un problème NP-complet, est-il seulement possible de trouver une faille alignée sur l’ensemble de leurs pouvoirs ? Est-il seulement possible, en tant que spectateur, de comprendre jusqu’où l’intégralité des événements de la série ont été conçus avant son commencement ?

En brisant la linéarité du temps, Sakurada Reset détruit l’axiome caché du conséquentialisme : le principe de causalité. Sans lui, il devient impossible de prévoir les conséquences de ses actes. La morale de Kei, aussi extrême qu’elle pouvait paraître dans les premiers épisodes, devient peu à peu bien plus intelligible. Les impératifs catégoriques auxquels il obéit sont les derniers fondements moraux de son monde : le déontologisme n’est même plus un choix, il est l’ultime doctrine éthique qui peut encore produire du sens, un dernier système moral avant le suicide. Ne reste alors plus que deux options pour les personnages : devenir soit déontologiste, soit fou à lier.

Sakurada Reset, c’est l’angoisse claustrophobique d’univers contenus dans des photographies. L'alternance de purs moments de drame avec des scènes de bonhomie japonaise. La combinaison ingénieuse de pouvoirs qui se transforme en approximateur universel de fonction. Les combats ne se gagnent pas en frappant votre adversaire, mais en le traumatisant au point qu’il devient à jamais incapable de vous frapper. Des cris de détresse existentiels se cachent dans les conversations les plus banales, échangés à travers l’apathie permanente de personnages robotiques. Les héros font peur, leur ville fait peur, leurs pouvoirs sont terrifiants. Sakurada, c'est le seul monde où les démiurges prennent des douches pour dissimuler leurs sanglots.

Antigoomba
7
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le 30 sept. 2017

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