Coma with me
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le 17 sept. 2015
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1990, Virginie.
Le jeune Bill Lawrence décroche enfin son diplôme en lettres anglaises. Enfoncé dans son canapé devant un épisode des Simpsons, il réfléchit et cogite à son avenir, incertain des chemins qu’il pourrait prendre. Mais si rien n’est définitif, une chose reste certaine : il vivra de sa plume. Et puisque rien ne vient sans effort et sans travail, Bill Lawrence prend une décision.
Il est temps de se mettre sur la route, direction la côte ouest des Etats-Unis, là où se rendent tous les gens qui, comme lui, rêvent de vivre à la pointe de leur écriture.
Là, il aiguisera son art lentement, grâce aux différentes rencontres qu’il fait et aux quelques épisodes qu’il parviendra à écrire pour des séries comme Friends ou Une nounou d’Enfer, devenant peu à peu connu dans le milieu comme un scénariste méticuleux et talentueux. Son attention aux détails lui offre une place de choix parmi les scénaristes prometteurs.
En 1996, tout change. Bill Lawrence rencontre Gary David Goldberg, qu’il considérera toute sa vie comme son mentor et son ami, et tous deux tissent soigneusement une œuvre qu’ils souhaitent commune. En septembre, sur la chaine ABC paraitra le résultat de leur travail acharné, la future série aux quatre golden globes, Spin City, avec Michael J. Fox dans le rôle principal et tout une équipe aussi douée que l'acteur de Retour vers le futur, que ce soit devant ou derrière la caméra.
La série sera un succès planétaire.
Pourtant, Bill lawrence n’est pas satisfait.
Il s’éloignera de Spin City au fil des années pour réfléchir à la suite de sa carrière. C'est durant un diner arrosé avec des amis, tous les trois médecins, que Bill est frappé par l’illumination. Inspiré par les Simpsons et la mince frontière entre la réalité et la satire que cette série parvient à maintenir, ainsi que par son amitié passé durant ses études avec le futur médecin John Doris, Bill Lawrence se met au travail. Il sait désormais ce qu'il désire créer.
Sous la supervision de ses trois amis médecins, il composera une œuvre à la fois humoristique et réaliste, à partir du récit déformé des années d’internat de John Doris et de son amitié avec lui, ainsi que de nombreux cas médicaux glanés à droite à gauche auprès de nombreux autres médecins. La série sera donc centrée autour d’un jeune interne, de son travail et de ses relations, et l’ensemble sera un prétexte pour parler de notre monde dans son intégralité, comme un miroir déformant notre réalité pour mieux la refléter. La médecine et les hôpitaux, comme un outil pour parler d'autres sujets ? Certes, mais pas que. Bill Lawrence commence à mettre sur le papier tout ce qui lui tiens à cœur.
Pendant ce temps, un jeune acteur du nom de Zach Braff travaille encore comme serveur. Bien qu’il soit parvenu à décrocher quelques rôles mineurs, aucun ne lui permit de sortir de l’ombre, à sa plus grande frustration.
Et puis… Un casting se révèle un jour plus fructueux que les autres. Zach décroche un rôle dont il ignore tout, si ce n’est qu’il travaillera dans un hôpital. Un chouïa trop enthousiaste, il démissionnera de son emploi de serveur plusieurs mois avant le tournage, par étourderie. Noyé sous le temps à tuer avant d’enfin tourner dans Scrubs, Zach Braff en profitera pour écrire le scénario de ce qui deviendra dans plusieurs années « Garden State ». Quitte à devoir attendre, autant employer ces heures à faire quelque chose de constructif.
Et puis… Tout se met en marche.
Octobre 2001.
Les Etats-Unis sont encore profondément enfoncés dans un état moral proche de la dépression et de la colère, suite aux attentats de septembre. De nombreux épisodes de Law and order sont annulés, ainsi que des épisodes de la roue de la fortune et pas mal d’événements télévisuels à droite à gauche. Tout le monde fait profil bas pour ne pas paraitre provocateur ou irrespectueux et le pays stagne dans une morosité ambiante.
Sur NBC, c’est le grand jour. A ce moment, personne n’a vraiment envie de rire, et pourtant l’épisode pilote de Scrubs est enfin diffusé, attirant plus de onze million de téléspectateur pour ce premier épisode. Bien que la mode des séries médicales soient partiellement passées (Dr. Quinn en 93 et Urgence en 94 furent de gros succès en leur temps), le premier épisode fait mouche et parvient à fidéliser une bonne partie de son public avec son ambiance si particulière.
Scrubs racontera ainsi l’histoire de John Dorian, dit J.D., et de ses déboires en tant qu’interne de médecine générale dans le grand hôpital du Sacré Cœur. Accompagné de Chris Turk, son meilleur ami, interne en chirurgie, ainsi que d’Elliot Reid ( interne en médecine générale, elle aussi ) et de Carla Espinosa ( une infirmière ), ils vivront au rythme de leur travail en parvenant tant bien que mal à survivre à la pression et aux exigences du métier.
La vie au Sacré Cœur est ainsi vue à travers les yeux de notre jeune médecin et de ses nombreux rêves éveillés qui ponctuent régulièrement la série comme autant de fantasmes et de flash-back qui permettent de diminuer la tension et le malaise induit par cet environnement de travail où l’on côtoie quotidiennement la mort et la maladie.
Mais alors, qu’est-ce qui différencie cette série des autres séries médicales ?
Scrubs n’est pas seulement une série, bien qu'il soit possible de l'oublier à cause du verni d'humour absurde qui l'enveloppe. C’est un miroir, et ses fissures sont les nôtres.
JD est un être pétri de complexes. Ses fantasmes lui permettent de s’échapper d’une réalité qu’il ne contrôle pas toujours, et il s’efforce d’être aimé de tous, avec plus ou moins de succès, pour ne pas être ce loser qu’il est persuadé d’être, tout au fond de lui.
Turk a comme obsession d’être le meilleur dans tous les domaines, car il ne parvient pas à se voir autrement qu’à travers le regard des autres et notamment le regard de son meilleur ami, JD.
Elliott ne parvient pas à se dégager des attentes de ses parents. Elle ne souhaite rien d’autre que de devenir quelqu’un d’indépendant, sans névroses, sans tous ces défauts et ces inhibitions qui l’empêchent de vivre sereinement.
Carla est terrifiée de ne pas être considérée comme ayant autant de valeur que ses amis, elle qui est infirmière quand eux sont médecins.
Je pourrais également parler de tous les personnages secondaires, tous aussi bien écrits les uns que les autres. Ainsi, le mentor de JD, le docteur Cox est dépassé par ses émotions, le directeur de l’hôpital se retrouve piégé dans le rôle du grand méchant sans réellement l’être et sans parvenir à s’en extirper, l’infirmière Laverne échappe à ses problèmes de couple en se plongeant corps et âme dans son travail et la religion… Et si l'humour fait parfois prendre des raccourcis aux personnages, c'est souvent pour diminuer la tension et nous garder accroché aux intrigues.
Scrubs n’est pas une série. C’est un monde qui vit sous nos yeux, un aquarium avec ses habitants qui vivent et se débattent avec leurs propres problèmes. Parfois ils s’en sortent, parfois non.
La série est à la fois légère et lourde de noirceur. Tout comme notre monde.
Dans la réalité comme dans Scrubs, personne ne s'attend à arriver un matin pour apprendre qu'un collègue est décédé suite à un accident de voiture, sans qu'aucun élément préalable ne soit venu nous prévenir de la probabilité de l’évènement.
Nous sommes balayé par le courant et tout ce qu'il nous est possible de faire, c'est de pagayer un maximum pour avoir la sensation de garder le contrôle.
Et même si nous nous éloignons petit à petit de ce qu’était le monde en 2009, scrubs restera à jamais comme une capsule temporelle qui n’attend que d’être déterrée.
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Créée
le 20 mai 2020
Critique lue 4.1K fois
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