Coma with me
Quand je suis en retard, j'ai tendance à oublier les règles de la sécurité routière. Je me transforme en Michael Schumacher du vélo, les rochers en moins. Ou plutôt en Lance Armstrong, il va plus...
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le 17 sept. 2015
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Quand je suis en retard, j'ai tendance à oublier les règles de la sécurité routière. Je me transforme en Michael Schumacher du vélo, les rochers en moins. Ou plutôt en Lance Armstrong, il va plus vite. Ce matin-là, j'étais effectivement en retard.
Le réveil n'avait pourtant pas oublié de sonner, mais j'avais oublié ma décision de la veille de ne plus l'écouter. La faute à une dispute récente, l'abominable engin ayant eu l'outrecuidance de vouloir me réveiller un lendemain de désintégration hépatique à base d'alcool. Lui soutenait pourtant que c'était à moi de le prévenir de se reposer, et qu'il avait seulement fait son boulot.
Pour en être encore à se disputer avec mon réveil, je n'étais sans doute pas redescendu à des niveaux autorisant la conduite d'engins motorisés.
Toujours est-il que ce matin-là en montant sur mon vélo, le temps me pressait, tel mon jus d'orange que je n'avais pas eu le temps de boire. Et force est de constater que l'analogie avec Michael Schumacher redevient peut-être la plus logique dans ce contexte.
Mais faute de skis j'avais des roues (sur le bitume ça avance plus vite), et faute de rochers, j'ai rencontré un poteau.
Un abruti avait décidé de démarrer au feu vert, me percutant de plein fouet alors que je grillais tranquillement mon feu rouge. Un vol plané plus tard (de 12,58m si j'en crois le rapport ballistique), ma tête heurtait de plein fouet un poteau gris, et dur. Très dur.
Trop dur.
Après une perte de conscience instantanée, je recouvre mes esprits dans un lit d'hôpital, hôpital vers lequel j'ai été transporté en urgence. Pourtant, à mon réveil, je me sens léger, aérien. Difficile à croire au vu du choc.
Je me relève, ou du moins je pense à essayer de me relever, m'attendant à tout instant à ce qu'une douleur insupportable me stoppe dans mon faible élan. Mais rien. Je me relève sans peine, j'ai même l'impression de flotter.
C'est alors que je prends conscience d'une chose. Je ne me suis pas réveillé. Je suis dans le coma. Et je viens de me détacher de mon corps.
Effaré, je retourne aussitôt dans mon contenant initial. Je m'y trouve alors immobilisé, mais alerte. Mon corps ne répond pas, mais j'entends, je vois. Je comprends.
Je comprends quand un jeune médecin, accompagné d'une gentille infirmière et d'un médecin plus âgé et plus agité, discutent de mon cas. Et parlent de cas rarissime de "coeur brisé". Pas anatomiquement, mais plus au sens émotionnel. Selon eux, en plus de mes blessures, mon coeur est incapable de se remettre du choc. Le coma pourrait durer longtemps.
Finalement, les jours passent. Je m'habitue à ma condition. Régulièrement maintenant, je passe du temps hors de mon corps, et je côtoie alors le personnel de l'hôpital à leur insu. J'apprends que le jeune médecin s'appelle J.D., qu'il côtoie deux autres internes, Elliott et Turk, un jeune chirurgien black.
Avec eux, je retrouve souvent une infirmière, Carla, ainsi qu'un médecin, le Dr Cox. Et régulièrement aussi le chef de service Bob Kelso, Ted l'avocat, et l'improbable "Janitor". Puis d'autres, tant d'autres.
Le coma dure effectivement longtemps. Des années. Ça fait maintenant des années que je me suis immiscé dans la vie de cet hôpital.
J'y ai découvert la bromance parfaite entre J.D. et Turk. J'y ai découvert les doutes, les joies, la formation des jeunes médecins. La détresse, l'implication de tous les médecins, notamment le Dr Cox.
J'ai vu l'amitié et la solidarité.
J'ai compris la puissance de ce métier, la beauté et la difficulté qu'ils représentent.
J'ai assisté à l'amour, dans ses galères et ses perfections.
J'ai découvert des gens exceptionnels. Je les ai suivis dans leurs parcours. J'ai été une part d'eux-mêmes, ils ont été une part de moi.
J'ai ri, j'ai pleuré.
Mon coeur est remis. Je me réveille avec un grand sourire et les larmes aux yeux. Le coma dans cet hôpital aura été une de mes plus belles expériences.
J'en sors le coeur léger.
L'effet Scrubs.
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le 17 sept. 2015
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