Ce qui est frustrant dans une série historique c'est que les événements sont inéluctables, on sait comment ça finit et rien ne peut être évité, mais entre le début et la fin, il y a des zones floues, des questions non résolues, des mystères et des contradictions qui permettent à l'imagination d’échafauder des hypothèses.
La série retrace la vie du prince Sado à travers ses relations avec son père, le roi Yeong Jo, personnage magistralement interprété, ambigu et passionnant.
Les circonstances de l'accession au trône de Yeong Jo dans une époque de politique instable, à l'issue d'une révolte sanglante demeurent obscures, cependant son règne fut le plus long de tous les rois de Joseon( 52 ans, ça n'est pas rien à l'époque). On le dit agrippé au pouvoir(ce qui n'est pas démenti par les faits), tyrannique et violent.
La série commence doucement par l'enquête du Prince Sado sur un meurtre qui conduira à des révélations plus sombres sur les évènements politiques accompagnant son accession au trône. Sans romance ni humour, avec moult détails, j'avoue qu'il faut s'accrocher au départ et faire le tri pour arriver à situer toutes les factions politiques(Sorons, Norons...), ministres, conseillers... et démêler une situation très complexe(qui est dans le camp de qui?).
La force de cette série et ce qui la rend passionnante est le rapport de Sado avec son père, leurs confrontations, ce qui les rapproche et les oppose. Le personnage de Yeong Jo est de loin le plus fort et le plus original: sans cesse sur le fil entre folie et ruse, cruauté et amour paternel, comédie, violence aveugle et attention prévenante. Il semble dans la démesure mais toujours prudent et calculateur, haïssable avec des moments de grâce touchante(le rôle est très bien écrit et l'interprétation est puissante). Le prince apparait plus classique, jeune homme idéaliste, rempli de bonnes intentions, de justice et opposé à toute violence ou abus de pouvoir.
Par-delà l'ambition et la politique, la volonté de la série est de mettre en scène un authentique attachement, respect et amour entre le père et le fils. Ce qui est vraisemblable car bien qu'agrippé à son pouvoir plus qu'à tout, Yeong Jo a fait de Sado son héritier et tente de le protéger(malgré les pressions pour en désigner un autre, le fils de Sado sera ensuite nommé successeur). Leur relation conflictuelle, entre haine et amour, abus de pouvoir et générosité, refus et compréhension est très bien développée, avec des moments d'intense émotion alternant subitement avec les abus de pouvoir les plus révoltants. Haïssable la plupart du temps, il y a des moments infiniment touchants où père et fils se rejoignent sur leurs idées.
Je ne donnerai pas de détails sur le destin du prince Sado(si vous ne vous êtes pas renseigné sur sa vie, la série le fera à sa manière). Mais c'est intéressant de connaître la version officielle de l'époque: elle rapporte que le prince Sado était atteint d'aliénation mentale(on parle de violences et de viols). S'agissait-il de calomnies des clans pour écarter le prince ou était-il vraiment fou? La princesse, son épouse et son fils ont laissé des écrits démentant les rumeurs sur son instabilité mentale.
C'est le parti pris par la série: le prince Sado aurait pu être écarté du pouvoir en raison de ses idées trop progressistes et ses projets de réformes qui mettaient en péril le système des castes...
L'histoire semble d'ailleurs donner raison à cette vision, car le fils de Sado lorsqu'il accéda au trône réalisa certains projets du prince et ses descendants rétablirent sa mémoire.
Enquête passionnante sur un mystère, complexe et peut-être trop détaillée, ce qui la rend austère et difficile à suivre par moment, pourtant au final, ce n'est pas tant le Prince Sado qui laissera un souvenir marquant mais son père le roi Yeong Jo, sa personnalité excessive, sa passion démesurée pour le pouvoir et son attachement chaotique pour son fils, un rôle superbement écrit que Han Seok Gyu campe avec une présence saisissante, comme une seconde peau.