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Les adaptations des oeuvres littéraires de Stephen King au grand et au petit écran n’ont pas toujours été heureuses.. A deux films cultes comme « Carrie » ou « La Ligne Verte« , on se retrouve avec...
le 17 août 2013
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J'aime assez citer "Shining" - celui de Kubrick - en exemple pour illustrer le fait qu'un bon film ne soit pas automatiquement une bonne adaptation. Et si je vais critiquer aujourd'hui ce Shining - celui de King, en téléfilm - c'est parce qu'il illustre très bien le fait qu'une bonne adaptation n'est pas automatiquement un bon film.
Loin de là.
King a toujours considéré l'adaptation de Kubrick comme une trahison - n'admettant que du bout des lèvres que le film en lui-même était bon - et aura attendu plus de dix ans pour en livrer une autre version, plus fidèle, sous la forme d'un téléfilm de 4 heures, réalisé par son fidèle Yes man, Mick Garris (ayant déjà commis "le fléau" et putain en matière de trahison, cette chose est au livre de King ce que Marc Dutroux est à une classe de maternelle, pourtant).
Et le moins que l'on puisse dire c'est que Garris fait dans le fonctionnel : la réalisation est d'une platitude absolue, purement mécanique, au service de l'histoire. Une réalisation très téléfilm, justement, et pas téléfilm haut de gamme. S'il y a bien quelques petites fulgurances (travelling, grand angle d’œilleton, plans inclinés...), elles ressemblent beaucoup aux idées de réalisation du Shining original lors de séquences communes. Certes, cela donne un sursaut créatif bienvenu à ces suites de plan fadasses, mais ne fait que renforcer l'ennui qu'on ressent lorsque Garris revient à son rythme de croisière. Même les fantômes - surtout les fantômes en fait - sont très mal utilisés malgré quelques acteurs convaincants ( Horace Derwent, le maître des lieux, est d'une politesse carnassière des plus réjouissantes) par cette réalisation qui ne sait pas qu'en faire. À titre d'exemple, l'un d'eux jaillit d'une chambre, masqué, pour faire sursauter le petit Danny, comme le ferait un employé de Disneyland dans un recoin du manoir hanté avant de lui taper la causette. Et l'analogie n'est pas prise au hasard.
Tout l'élément fantastique et horrifique est géré comme dans un train fantôme : maquillages outrés, apparitions sans subtilité, portes qui claquent, juke-box qui s'allume tout seul (dans l'indifférence la plus totale de la famille Torrence, c'est bien la peine de s'emmerder à hanter...), on se croirait à la foire du trône. Alors, oui, l'élément horrifique n'est pas ce que King souhaitait mettre en avant et son "Shining" s'apparenterait plus à un drame fantastique mais je ne critiquerai pas aussi acidement si le téléfilm n'avait pas cherché à être effrayant. Et clairement, il tente de l'être. Comme un gamin avec un masque de Freddy vous bondissant sur le coin de la gueule en hurlant "Bouh", avec le même succès et le même potentiel irritant. Et je ne parlerai pas des CGI niveau mockbuster de pixar qui transforment deux scènes supposément angoissantes en immense moment de gêne. Ou de fou-rire, selon votre degré de mesquinerie.
De manière générale - hors phénomènes paranormaux - l'Overlook version 1997 n'est jamais inquiétant. Qu'il ne le soit pas au départ semble logique, puisque la volonté ici est de le voir se "démasquer", littéralement, mais même lorsque l'esprit de l'hôtel, attiré par le don de Danny, se réveille, rien ne se dégage des lieux. Le tout manque singulièrement de caractère et d'atmosphère, on ne ressent aucune isolation, aucune menace sourde, rien. Tout ce qui se dégage de cet Overlook c'est une ambiance chalet de vacances bon enfant avec 1 mètre de neige sur le perron. Autant dire que pour l'angoisse, c'est loupé.
Qu'on veuille un parti-pris différent, aucun problème - il y a des dizaines de façon de susciter la peur ou l'angoisse - mais qu'on en arrive à ce degré d'amateurisme, ce n'est plus seulement mauvais, c'est risible. Personnellement, je fais partie de la catégorie "trouillard +1000", le genre à qui faire peur est un jeu d'enfant. Hé bien ce "Shining : les couloirs de la peur" peut se vanter d'être la première œuvre qui n'y soit pas parvenue une seule fois. Même seul dans le noir, l'unique moment m'ayant tiré un sursaut est celui où mon anti-virus a hurlé dans mon casque pour une mise à jour. Je ne sais pas si Kubrick a fait mieux que King, mais sur ce coup, Avast a fait mieux que King.
Bon, côté horreur, c'est clairement pas ça, mais comme dit plus haut, ce que King reprochait au Shining de Kubrick, c'était d'avoir occulté toute la dimension du drame familial. Car après tout, l'Overlook et ses fantômes n'est rien de plus qu'une sorte d'analogie de l'alcoolisme de Jack Torrance, qui détruit ce qu'il est et ce qu'il aime. Le livre décrivait davantage sa lente et inexorable chute jusqu'à laisser les lieux le posséder qu'un catalogue de manifestations surnaturelles.
Qu'en est-il, de ce côté-là ?
Hé bien... mouais.
Les interprètes principaux sont très inégaux, Rebecca deMornay est très bien, en Wendy battante, volontaire et malgré tout très maternelle (on est loin de la femme-enfant crispante de Kubrick) mais Dick Halloran est peu investi - trop occupé à faire une espèce d'interprétation vaguement cliché du noir américain - et Courtland Mead/Danny m'a violemment donné envie d’agrafer sa putain de bouche, ouverte en cul de poule NON STOP pendant quatre heures, rendant inintelligible la moindre ligne de dialogue (oui, je l'ai regardé en VO, dix minutes de VF ayant durablement entamé mes tympans et ma raison vacillante).
Et Quid de Jack Torrance, alors ?
Je ne comparerai pas avec Nicholson puisque le personnage campé n'a absolument rien à voir, pour simplement juger le jeu de Steven Weber pour ce qu'il est. Et... il ne s'en sort pas mal. Il est plutôt touchant, on ressent chez lui une sorte de mélancolie et de mal-être permanent, ainsi qu'une tendresse sincère pour sa femme et son fils (deux choses complètement absentes du film de Kubrick). Il y a bien quelques petits moments de surjeu lorsqu'il pète définitivement les plombs mais vu celui de Nicholson, de surjeu, on ne va pas chipoter. D'autant que puisqu'il s'agit ici de possession plus que de folie, le maquillage se substitue assez vite aux grimaces. En fou meurtrier, Weber a quelque chose de presque serein, vaguement sadique, qui personnifie plutôt bien la cruauté policé des habitants de l'Overlook. Je n'en attendais rien et il est clairement le point fort du téléfilm.
Du moins si l'on fait abstraction des INTERMINABLES scènes de dialogue (certaines durent plus de dix minutes pour une même scène) : dans sa frénésie de vouloir respecter son œuvre, King a copié-collé les dialogues du livre dans le script, en oubliant que nous sommes ici à l'écran. Les personnages parlent plutôt que le film ne nous montre et il m'est arrivé plusieurs fois de décrocher de ces dialogues, centrés encore et toujours sur la crise que traverse le couple (oui parce que l'hôtel qui fait convulser fiston et lui laisse des marques de strangulation, c'est pas le plus urgent à régler, hein). Tout ça donne l'impression très chiante d'assister à une thérapie de couple, version longue et dont les dialogues ne sont vraiment pas mémorables (King sait écrire des dialogues très spontanés, qui sonnent parfaitement juste, mais pas des tirades d'anthologie). Et ne parlons pas du final ultra lacrymal et cheapos qui m'a inspiré un facepalm peu vigoureux (je luttais pour pas m'endormir, je visais donc moins bien).
Bon, on pourrait penser que la messe est dite et que Shining : les couloirs de la peur est à jeter au fond de la poubelle des aberrations que les œuvres de King ont malheureusement léguées au média audiovisuel mais...
Mais je conseille quand même de regarder ce téléfilm.
Surtout si vous aimez le travail de King. Il est plutôt chiant, plutôt mou, plutôt oubliable mais reste intéressant au moins sur un point. J'ai toujours pensé que King avait fustigé le film de Kubrick pour un simple problème d'ego : le film avait éclipsé le livre et l'écrivain le gardait en travers de la gorge.
En regardant le téléfilm, j'ai mieux saisi pourquoi le film de Kubrick avait été vécu comme une trahison et à quel point le livre est en tout point différent dans ses intentions. Voir Jack Torrance dégringoler au-delà de tout espoir de rédemption a quelque chose de profondément triste - la musique met d'ailleurs plus l'accent sur cette émotion que la peur. Ce téléfilm tient presque lieu de "guide" pour mieux appréhender le roman (que je conseille de lire, de toute façon).
Ce que "Shining : les couloirs de la peur" apprend surtout, c'est que rechercher la fidélité de l’œuvre à tout prix n'est pas forcément une bonne chose : si l'on souhaite tirer d'une œuvre ce qu'elle a de meilleur, on est forcés de la tordre pour la soumettre aux spécificités du media dans lequel on tente de la faire entrer. Comme, tout à fait au hasard, réduire les dialogues fleuves lorsqu'on veut faire du cinéma. En la matière, le téléfilm est une leçon, assez piquante, pour les ayatollah de l'adaptation en tout point fidèle.
Kubrick voulait un film d'épouvante glaçant sur la folie, pas un drame familial. Si on peut lui reprocher d'avoir foutu aux orties ce qui comptait pour King, il a réussi à exploiter le pan horrifique de son "Shining" avec brio. Parce que qu'on le veuille ou non, pour moi le film de Kubrick - en tant qu’œuvre cinématographique à part entière est infiniment supérieur au téléfilm ET au livre (King en a écrit des bien plus aboutis depuis Shining). Le téléfilm, détaché du livre, n'a pas plus d'intérêt que n'importe quelle production M6 du dimanche après-midi.
Mais bon, si on s'intéresse à l’œuvre de Stephen King, ce "Shining" reste quand même à voir pour ce qu'il montre du rapport de l'écrivain à l’œuvre. On ressort du visionnage ni spécialement effrayé ni spécialement ému mais avec l'envie de (re) découvrir le livre, enrichi de ce que King a tenté avec son téléfilm. Même s'il s'est puissamment loupé.
Créée
le 26 sept. 2017
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