Puisqu'il est peu probable que je pousse plus loin les investigations, je me contenterai de la confirmation apportée par les deux créateurs de la série (dont Mike Judge, papa des infâmes Beavis et Butthead) : les intrigues sont basées sur des enquêtes, rencontres, entretiens, confessions étendues offertes par des acteurs de ladite Silicon Valley.
Cette série constitue donc pour des néophytes tels que moi un aperçu privilégié sur le monde des start ups de l'économie digitale, qui ne se prive pas d'abuser du jargon propre à ce milieu montré dans son exécrable nudité. Et ce cadre réaliste soutient une jouissive satire.
Donc s'il s'agit bien d'une sitcom, ce n'est pas une machine à rires enregistrés - d'ailleurs, le temps de poser son univers, les premiers épisodes ne sont pas particulièrement drôles.
Pourtant, leur construction obéit à une structure éprouvée : nouvelle idée, phase d'enthousiasme puis échec, puis nouvelle solution, pour aboutir à un final qui laisse dans l'expectative. Ce schéma efficace s'applique aussi à chaque saison, décrivant un nouveau projet et de nouvelles aventures amères dans le monde sans pitié des défricheurs de nouveaux moyens de faire du fric sur l'internet. Avec quelques hauts et beaucoup de bas.
Les insignes pionniers de notre nouveau monde numérique sont bourrés de défauts et de manies qui alimentent l'humour et la progression de l'intrigue : Richard Hendriks (moins cool que Jimmy), le génie du groupe qu'il ne fédère par aucun charisme mais plutôt par sa puissance d'innovation (son projet initial est'un algorithme de compression des données d'une efficacité inédite), est fréquemment bridé par son incapacité de mentir, qui pose des problèmes dans ses relations avec les investisseurs, la justice, etc.
Erlich Bachman, l'hôte de l' incubateur de startups où s'agite notre petite bande, est un magouilleur paresseux qui se tire grâce à sa gouaille et à sa capacité d'improvisation, de toutes les situations où le met son intelligence limitée (en partie par le cannabis). Et c'est le sosie enrobé de Julien Doré. Et un con.
Le duo ami-ennemi des "sous-fifres", techniciens spécialisés du numérique, est constitué par Dinesh, un Pakistanais qui a des problèmes de socialisation, et Gylfoyle, un sarcastique Canadien sataniste.
L'ensemble est complété par "Jared", un assistant qui jongle entre les aspects légaux, économiques et logistiques, qui s'est volontairement débauché de la némésis de notre petit groupe (un patron de grosse boîte mégalo inspiré en partie par Steve Jobs), et qui fait preuve d'un dévouement fanatique envers le chef (il parle aussi en allemand dans son sommeil).
Pour les soutenir dans cet environnement hostile, Monica Hall, le charmant élément féminin et assistante de leur premier investisseur, sympathise avec leur cause et reprise leurs chaussettes.
Silicon Valley est un portrait de notre époque et des hommes (oui, à leur propre regret,surtout des hommes) qui la font.
Incontournable.