Snatch
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Snatch

Série Crackle (2017)

Même si la simple évocation de l’idée de cette adaptation a d’abord suffit à me faire peur, le gros fan de Snatch que je suis était obligé de se pencher sur cette série.
Oui, je considère Snatch comme l’un des meilleurs divertissements des années 2000, à tel point que je pourrais presque en réciter l’intégralité des dialogues de mémoire tant je l’ai vu, revu, et re-revu.
Mais alors, est-ce qu’un film comme Snatch se prête vraiment à une adaptation en série ?
OUI PUTAIN !!
Un univers de gangsters avec une galerie de personnages tarés dans un monde où tout le monde connaît quelqu’un qui connaît quelqu’un et où les intrigues s’entremêlent, on fait difficilement plus propice à une série. Et quand on voit ce que peut donner l’exercice avec la sublime réussite qu’est Fargo, je me suis risqué à être un peu enthousiaste.


Mais alors, est-ce que le pari est réussi ?
Indice: non.
En fait cette série ressemble un peu à un gamin qui veut te montrer qu’il est cool en faisant du vélo sans les mains et qui se viande au premier nid-de-poule venu. Sauf que, contrairement à la vautre en vélo, la série n’est pas drôle.


Commençons par les personnages, c’est en général le point central d’une série: si Ritchie avait bien compris que les gueules des acteurs étaient primordiales pour créer des personnages iconiques dans un film de gangsters, la série a pas l’air de l’avoir compris. Non, ici, ce sera des beaux gosses, des belles gosses, et Rupert Grint (pardon, c’est un peu méchant, j’arrête). Le cabotinage est venu les accompagner, la plupart des mecs se contentant d’ouvrir grands les yeux pour bien nous montrer qu’il se passe quelque chose, et les filles de faire des grands sourires charmeurs à la caméra pour essayer de focaliser l’attention. Aucun d’eux n’inspire de sympathie particulière, sans pour autant être complètement détestables (quoi que, le personnage principal l’est un peu parfois), mais ils remonteront vite dans l’estime du spectateur avec l’arrivée du grand méchant.
Parce qu’au début, on peut trouver le méchant Scarface rigolo au rabais un peu ridicule, mais on finira par le regretter après sa mort (qui est d’ailleurs une des meilleures scènes de la saison, sans ironie, et oui je spoile, mais ça n’a pas d’importance) en découvrant le VRAI méchant: un flic ripoux raté au charisme de pot d’échappement dégoûté de la vie parce que personne ne l’aime. Je passe sur le scénario, car mis à part le tout début (j’y reviendrai), le reste n’est pas foncièrement mauvais, et aurait même pu être plus que correct sans ses quelques digressions malvenues (quelques moments pathos ou changements de ton mal dosés, des répétitions grossières et inutiles, un traitement un peu cucul de la romance, une engueulade/remise en cause de l’amitié qui durera environ 20 minutes…) et ses quelques rebondissements plus que prévisibles (le sac dans le taxi, les mots fléchés, l’identité de Windrush*, le mot de passe du téléphone…).


Mais tout ça à la limite, c’est pas bien grave comparé à un des pires défauts de ce bordel: la série semble s’adresser exclusivement à ceux qui connaissent le film et, comme si ça ne suffisait pas, s’y prend extrêmement mal. Un peu comme ce mec qui, quand il apprend que t’es fan de Kaamelott, te crache un « C’est pas faux » à la gueule en pensant te faire plaisir parce que c’est la seule réplique qu’il a retenu.
Certains se plairont sûrement à dire que le style de Guy Ritchie est une caricature en lui-même, et à ceux-là je conseillerais quand même, juste histoire de, d’essayer de regarder la série. Parce que oui, les mecs ont clairement voulu copier le style Ritchie, mais là où lui arrivait à le doser pour qu’il serve l’ambiance et les personnages, ici on a simplement droit à un énorme gloubiboulga complètement aléatoire d’effets de montage tous plus dégueulasses les uns que les autres. Ça ralentit, ça accélère, ça re-ralentit, arrêt sur image, split screen, arrêt, accéléré, ralenti, split… Et des jump cuts. Plein. Sans justification particulière d’ailleurs, je pense qu’ils ont juste voulu s’amuser à les caler sur la musique (pas foncièrement mauvaise d’ailleurs, mais un peu trop omniprésente).
Les mecs ont certainement confondu « rythme » et « rapidité ». Parce que niveau rythme, on n’est pas loin du naufrage, et certaines scènes sont proches de l’épilepsie (mes yeux en veulent encore à la scène de concert punk beaucoup trop longue et sans aucun intérêt, et montée sous substitut de cocaïne bon marché).
Pour résumer: si quelqu’un trouve un moyen de foutre les monteurs en prison, je lui paye une bière.


Attention, allez pas croire que les mecs se sont juste contenté de caricaturer la réa, ils ont piqué bien d’autres choses au film. Prenons par exemple le fait que la saison commence avec un pari raté sur un boxeur à moitié gitan (il fallait pas que la supercherie soit trop visible, donc il est seulement à moitié gitan), des rabbins qui ramènent des diamants volés pour le bijoutier juif du coin, et la fine équipe qui va chercher de l’aide dans un camp de gitans. Est-ce que c’est possible de faire aussi lourd et pas inspiré que ça, sans déconner…
Et quand on voit à quel point la série repompe le film, y’a un autre point qui est dramatique: là où le film est une mine de répliques et de situations cultes, ici… merde… c’est pas drôle…
Et c’est pas que c’est pas drôle parce que ça cherche pas à l’être, y’a clairement des vannes un peu partout dans chaque épisode, mais aucune ne fonctionne, et quand bien même elles seraient construites sur de bonnes idées (ce qui n’est pas franchement le cas), même une bonne vanne peut facilement tomber à l’eau à cause d’une mauvaise gestion du rythme et d’un jeu d’acteur moyen. Et en fait, je pense qu’ils savent que leurs vannes sont pas terribles. Parce que quand je disais que la série s’adressait mal aux fans du film, j’ai pas parlé du point qui est pour moi le plus insupportable du lot: chaque épisode pompe des références foireuses et des répliques forcées du film en toute gratuité, comme pour essayer désespérément d’arracher un sourire au spectateur avec des clins d’oeil qui frôlent la paralysie faciale. Et quand on en sent une arriver, on en vient à prier à haute voix pour qu’ils se retiennent de la faire. Mais il la font quand même. Le fan-service dans tout ce qu’il peut avoir de plus maladroit et grossier.


Malgré tout ça, y’a une chose qui m’empêche de mettre 1 ou 2 à cette série: l’univers est réussi. Les quelques trouvailles disséminées dans la façon de montrer le monde du banditisme londonien est, pour le coup, une juste extension de l’univers du film, et rappelle son ambiance sans la singer. Et c’est typiquement le genre d’univers qui me plaît beaucoup. Mais sérieusement, il va falloir qu’Alex De Rakoff et son crew comprennent qu’une série, même adaptée, est une oeuvre à part entière, qui se doit d’avoir une identité propre et ne garder que le minimum indispensable du film/livre/BD/n’importe quoi dont elle est tirée et réussir à s’en affranchir, afin qu’elle puisse être jugée sans tenir compte de ce dont elle est inspirée. Rematez Fargo, vous verrez.

Mais dans un cas comme Snatch, il est simplement impossible de ne pas faire la comparaison tant la série s’acharne à te rappeler qu’elle est tirée du film. Et c’est justement ce qui l’empêche d’être une réussite. Entre autres. Genre la fin ça chie aussi. On fait difficilement moins gangsta que ça.


*Je viens de remarquer que j’ai oublié de parler de Windrush, le seul personnage qui m’inspirait un peu de respect, avec sa gueule et sa dégaine (avant qu’il se mette à jouer n’importe comment). Je vais encore spoiler un petit peu mais promis après c’est la fin: pour résumer, le mec est une légende, le mercenaire le plus efficace et réputé de Londres, une pointure absolue, le genre qui te nique ta mère si tu lui dis pas bonjour. Du coup c’est très décevant de ne le voir à l’oeuvre qu’une fois, perdant un combat laborieux contre un quinquagénaire fatigué. Bonjour la légende…

Tartinovski
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le 10 juin 2017

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