Star Trek
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Star Trek

Série NBC (1966)

Certes, il s'agit d'un problème de riches s'il en est, mais être fan de Star Trek en France, c'est une garantie de ne pas être pris au sérieux, pour peu que l'on ne suscite pas carrément l'indifférence ("Euh, Star Trek, c'est bien le truc où Patrick Stewart se met le visage dans les mains ?" m'a-t-on un jour demandé. Oui, oui, c'est bien cela...) ou, affront suprême, qu'il y ait amalgame avec Star Wars, tendance que les films de JJ Abrams n'ont pas arrangé.


Le contraste avec les USA, ou dans une moindre mesure l'Allemagne et le Royaume-Uni, en est d'autant plus frappant, puisque là-bas, dans le petit monde des geeks, être "trekkie" est souvent perçu comme synonyme de snob ou de pseudo-intello (et ce coup-ci, c'est Big Bang Theory que l'on peut "remercier"). Bref, tout cela pour dire que Star Trek, du haut de son demi-siècle d'existence, véhicule tellement de stéréotypes et d'idées reçues qu'on en finit par oublier de quoi s'agit-il au juste. Or, Star Trek, c'est bien plus que les clichés, répliques cultes, icônes et parodies dont la vénérable franchise a fait l'objet au fil des décennies.


Bien sûr, je ne parlerai ici que de la série originelle, mais au fond, presque tout ce que j'ai à dire à son sujet pourrait s'appliquer aux séries et films ultérieurs, du moins jusqu'à 2009. Les 80 épisodes, diffusés en trois saisons entre 1966 et 1969, sont tout simplement la clé de voûte de la saga créée par Gene Roddenberry, avec l'aide de Gene L. Coon et D.C. Fontana. Sa version la plus pure, aussi ? Pas nécessairement, car ces trois saisons sont toutes nées dans la douleur, et nombreux sont ceux qui considèrent que The Next Generation et Deep Space Nine auront été plus loin dans le développement des thèmes abordés par "TOS", The Original Series. Mais il n'en reste pas moins que c'est bien cette dernière qui a fait plus que poser les bases d'un univers à la richesse infinie et, essentiellement, révolutionné au passage la science-fiction destinée au grand public.


Ce qui, selon moi, fait toute la réussite de Star Trek, c'est la parfaite juxtaposition entre son fond et sa forme. Star Trek, en effet, est indissociable des valeurs qu'elle véhicule : humanisme, tolérance, foi en l'humanité, promotion des vertus de la science et du progrès technologique, soif de découvertes... le 23ème siècle, tel qu'il est dépeint au-travers des aventures de l'USS Enterprise, offre une vision résolument optimiste du futur de l'espèce humaine. Sa représentation à l'écran est donc à l'avenant : les lignes de l'Enterprise sont racées, les uniformes de son équipage sont essentiellement des polos de couleurs très vives, et l'équipage en question est composé d'humains et d'aliens, d'hommes et de femmes, et même de gens de couleur et d'un Russe, alors même que la série a été tournée à l'époque des mouvements civiques et de la Guerre Froide.


Mais l'on aurait tort de commettre la même erreur que Michael Chabon, co-scénariste de la dernière série en date, Star Trek : Picard, et de penser que parce qu'il rassemble au lieu de diviser, le futur décrit par TOS est peuplé de bisounours. Ce que la série originelle montre avec brio, c'est que cet avenir radieux n'est pas si utopique que cela, qu'il est réalisable pour peu que nous soyons prêts à y croire et à continuer à nous battre pour préserver les idéaux qui l'ont rendu possible.


C'est cela qui, en dépit du kitsch et du carton-pâte de la présentation, rend Star Trek plus actuelle que jamais ; intemporelle, même. La série ne se contente pas de jouer sur les allégories de son époque, elle les transcende grâce à une formule simple : divertir tout en poussant à la réflexion. Un des nombreux clichés que j'évoquais tantôt consiste à réduire Star Trek à sa dimension "socio-politique", à penser qu'elle n'est qu'une fenêtre sur les problèmes de son temps, alors même que les épisodes les plus politiquement chargés sont souvent les plus faibles : Let that be your last Battlefield, dans lequel s'écharpe une race extra-terrestre au visage mi-blanc mi-noir, ou encore The Omega Glory, métaphore peu subtile sur l'opposition entre Blocs de l'Est et de l'Ouest.


Plus que par son traitement épisodique - et à ce titre, qualitativement irrégulier, reconnaissons-le -, c'est grâce à sa galerie de personnages que Star Trek transmet le mieux ses idées tout en faisant mouche auprès du spectateur, qui ne peut rester insensible face à leur charisme. Pourtant, ici point d'"origin story" chère aux scénariste contemporains, et on ne peut pas dire que le jeu d'acteur corresponde aux normes actuelles ! Mais qu'importe : le pouls de TOS, c'est la dynamique entre ses personnages, à commencer par le trio de tête, composé du rusé capitaine Kirk (William Shatner), de son officier scientifique Mr Spock (Leonard Nimoy), Vulcain au sang froid (et vert!) et à l'esprit imperturbablement logique et rationnel, et l'impulsif docteur McCoy (DeForrest Kelley).


Par l'entremise de leurs aventures et de la complémentarité de leurs caractères, Gene Roddenberry et ses associés parviennent à brosser un portrait étonnamment complet des dilemmes et contradictions inhérentes à notre humanité. Le ton est léger, plein d'humour, mais le propos souvent fort sérieux : l'épisode The City on the Edge of Forever, particulièrement primé et apprécié, traite ainsi de l'acceptation de la mort ; Mirror, Mirror et Space Seed de nos instincts les plus belliqueux et destructeurs, le pilote The Cage du choix entre désir et devoir... bref, dans Star Trek, c'est le voyage, qu'il soit intérieur ou intersidéral, qui compte davantage que la destination.


Star Trek ne saurait donc se résumer à "Live long and prosper" et aux doigts écartés en V, à la coupe au bol de Spock et au haussement de sourcil de Leonard Nimoy, à la diction hachée de William Shatner et à sa technique de combat très personnelle, au thème musical d'Alexander Courage ("Ah-aaah, ah-ah-ah-ah-aaaah") et au design de l'Enterprise, reconnaissable entre tous : Star Trek, c'est tout cela, et bien plus. Derrière chaque image, une idée ; derrière chaque idée, de l'optimisme. Si vous pouvez passer outre son aspect vieillot, ce qui vous attend avec Star Trek, c'est une aventure, et un futur, qui valent la peine d'être vécus.


Dans l'épisode The Savage Curtain, un président Abraham Lincoln, tout droit sorti d'un voyage dans le temps et l'espace, s'excuse platement d'avoir appelé le lieutenant Uhura une "charmante n*gresse". Cette dernière, loin de se formaliser, rassure l'émancipateur en l'informant "qu'à notre époque, nous avons appris à ne plus craindre les mots". Si ce n'est pas à méditer, par les temps qui courent...

Szalinowski
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le 17 juil. 2020

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