Une série sur les voyages dans le temps avec une dimension tragique agrémentée d'un parfum de romance ? Il ne m'en fallait pas plus pour découvrir cette petite perle, contenant certes quelques fêlures, mais également des moments remarquables. Et pourtant, ce thème ô combien ressassé avait tout d'un guêpier inextricable alors, avant toute chose, un grand bravo d'avoir essayé de construire un récit harmonieux de bout en bout. Message d'un voyageur du futur : petite précision, la suite est un véritable pavé, seul les plus acharnés (ou les plus fous !) auront la force de le lire en totalité...
Les premiers instants de l'anime sont pour le moins chaotique, à tel point que j'ai imaginé que bon nombre d'actions qui se déroulaient n'étaient issu que du cerveau détraqué du personnage principal, interné avec d'autres individus aux pathologies diverses à la suite d'un crime qu'il aurait commis dans une crise de folie, délirant sur la victime qu'il inventait encore vivante pour nier l'insoutenable réalité. Surtout, ne dites rien, hochez de la tête et tout se passera bien... La comparaison avec Shutter Island m'est tout de suite venue à l'esprit, pensant que l'anime jouerait la carte de l'indécision entre la réalité ou la psychose. Autant dire que la première partie n'a pas été de tout repos pour moi, perdu dans un doute absolu (Le portable est-il à la bonne date ? Les bananes sont-elles en plastique ? N'est-ce pas juste un simple court-circuit du micro-onde ?...). Le scepticisme de Kurisu s'est révélé être une véritable délivrance. Tout comme le sera pour vous la fin de ce calvaire !
Concernant les protagonistes, la découverte initiale laisse un sentiment mitigé, comme s'il n'étaient que les brouillons de la deuxième partie de l'anime. Ainsi, Rintaro est enfin un héros digne de ce nom (c'est assez rare pour être souligné !), avec une vraie personnalité, des idéaux et une certaine forme de paranoïa agrémenté de délires de toute-puissance. Sa transformation au fil des épisodes est brillante, passant d'un gars perché dans ses illusions à un autre croulant sous le poids de la douleur, du doute et de la fatalité. Êtes-vous vraiment sûr de vouloir continuer ? Il reste encore trois paragraphes, c'est comme vous voulez... Vers la fin de l'anime, l'accent est mis sur la raison pour laquelle Okabe possède une double personnalité, le rendant plus attachant. Un regret toutefois, l'action se concentre systématiquement sur lui, au point qu'au cours de plusieurs intrigues successives, cela ressemble plus à un défilé de rendez-vous galants qu'à une série de science-fiction. Un peu comme vous et moi, la galanterie en moins !
Itaru, de son côté, se morfond dans un rôle parodique : replet, génie de l'informatique, fan de mangas y compris érotiques et ne ratant jamais l'occasion de souligner une connotation grivoise (elles sont appréciables au début, mais vite navrantes par la suite). Heureusement, son caractère se bonifie avec le temps. Le vôtre aussi, mais uniquement en remontant le fil de votre lecture. Kurisu risquait de tomber dans une figure mi-tragique, mi-parfaite, efficacement contrebalancée par une romance (certes, prévisible) ainsi qu'un mélange intéressant entre flegme cartésien et timidité masquée par son ironie tranchante. C'était une blague tout à l'heure, en fait, il en reste encore cinq ! Sur ce, je vais manger un sandwich pois cassés-roquefort-chocolat-citron, à tout de suite ! Mayuri, quant à elle, est assez agaçante avec ses "tuturuu" (elle contamine d'ailleurs Nae, la fille de Mister Braun, le propriétaire taciturne de l'appartement d'Okabe) mais possède néanmoins un développement singulier, à cheval entre la comédie et le drame.
Parmi le reste des personnages secondaires, Faris et surtout Luka sont plutôt insipides : l'une pour son attitude kawaii juste insupportable (et dieu sait que j'aime les chats !) bien qu'elle ait le bon goût d'avoir un enrichissement de son histoire ; et le second parce qu'il n'y a rien d'autre que le malaise qui me vient à l'esprit, surtout en repensant à l'acte 8 (des légumes... Sérieusement ?) et à la scène du changement de tenue. Sinon, ça va ? Tout se passe bien ? Pas trop écœuré ? Dommage, cette problématique aurait pu être intéressante si elle ne tombait pas régulièrement dans des travers nébuleux. La volonté de prôner la tolérance des mœurs est visible bien que maladroite (j’admets que le sujet est difficile à aborder, la dérision et le pathos guettent). Enfin, il reste Suzuha, dont la longue liste de mystère se dénouent au fur et à mesure de l'avancée de l'œuvre, dévoilant tour à tour sa rudesse et sa sensibilité ; et Moeka. Celle-ci, est à mon sens, une merveille de psychologie aux facettes imbriquées les unes aux autres. Paradoxalement, c'est le personnage pour lequel j'ai ressenti le plus d'empathie. Ayez pitié de vous ! Cessez cette torture ! La convention de Genève !
L'opening, un concentré d'emmêlement géométriques et d'horloges aux mouvements hâtifs, symbolisant les différentes combinaisons et la fuite du temps est superbe. Vous avez officiellement lu plus d'une page Word en Times New Roman, en taille de police 11,5, heureux ? L'ending, de son côté, se concentre sur la dimension tragique et inéluctable du temps avec ces brisures de verre et cette montre à gousset, usant la métonymie. Les musiques parsemant l'anime sont plus que correctes et s'ajustent aux différentes actions, quitte à s'effacer à certains moments. Un petit coup de cœur pour Believe me, avis aux amateurs de mélodie mélancolique ! Je sens que vous en aurez besoin pour pleurer le temps perdu à lire cette ligne. Le niveau graphique est relevé bien que les protagonistes soient un peu seuls au monde toutefois leurs caractéristiques vestimentaires distinctes compensent cette impression de vide (mais peut-être est-ce voulu ?).
Parmi les bons points, Votre persévérance en est également un, sachez-le ! Par contre, pour qui, je ne sais pas... je nommerai les différents retournements de situation. Si un certain nombre sont prévisible (l'origine de Suzuha, le traumatisme de l'épisode 23 et la résolution du paradoxe), il y en a tellement que la surprise arrive tôt ou tard. Pour ma part, l'acte 12 m'a beaucoup étonné, non pas pour la conséquence (l'opening et l'ending sont assez insistants sur ce point), mais pour l'intervention inattendu d'un personnage (je pensais plus à Faris pour ce rôle). De plus, malgré l'accident de parcours à l'épisode 8 et à la toute fin de l'anime, la cohérence de la ligne temporelle est globalement respectée, fait suffisamment exceptionnel dans ce genre pour être noté. Courage, c'est le point de rupture dans l'espace-temps, vous y êtes presque ! Les systèmes de retour dans le passé sont aussi novateurs, avec une recherche de scientificité (à ma connaissance, la question de la téléportation du présent au passé n'avait jamais été résolue dans d'autres productions, si ce n'est par "trop complexe pour comprendre").
Il reste cependant de nombreuses interrogations : Que faites-vous ici ? Pourquoi Kurisu travaille pour cette organisation ? Comment la transformation de Luka a été possible (je croyais à un autre voyageur temporel qui contribuait à rendre les actions d'Okabe réelles) ? Pourquoi cette fatalité à partir de la moitié de la réalisation (la réponse est peu satisfaisante, à moins d'accepter une volonté extérieure) ? Comment se fait-il qu'il existe le "Reading Steiner" ? Mayuri est-elle autant sotte que cela (elle a tout de même une étrange capacité à sentir comment les choses doivent procéder, malgré les différentes lignes temporelles) ? Aurez-vous le temps de terminer ce dernier paragraphe ?
Pour conclure, il y a beaucoup de choses à signaler dans cet anime riche en péripéties et secondes lectures. Vous l'aurez remarqué, n'est-ce pas ? L'envie de revoir l'anime après visionnage afin de repérer les signaux avant-coureurs qui l'émaillent est grande, mais le risque de finir enfermé dans une boucle temporelle l'est tout autant. Saurez-vous y résister ? Vous avez gagné le droit de recommencer un tour de manège gratuit (enfin, presque, l'électricité, ça coûte cher à la longue) !