Sur écoute par ColinDebroiseDy

Que dire de "The Wire" ? Cette série n'est pas qu'une simple série parmi d'autres, elle est plus que cela. C'est une fresque à la Balzac, une Comédie humaine du XXIè siècle télévisée, qui nous fait suivre, sans manichéisme aucun, la vie d'une multitude d'individus (policiers, dealers, puis dockers, enseignants, politiques, journalistes ...) ne se connaissant pas tous mais ayant pour point commun de vivre -et parfois mourir- à Baltimore. "The Wire" a une très grande efficacité narrative, quasi-addictive. L'on s'attache aux personnages de MacNulty, Daniels, Lester, Omar, Stringer Bell, ... car on apprend à les connaître au fil de la série, qui nous expose ce qu'ils sont : des hommes (ou des femmes) avec leurs qualités et leurs défauts. Cela est déjà beaucoup, et participe au fait que l'on apprécie cette série.
Mais ce qui la distingue d'autres bonnes séries, c'est l'ampleur et la profondeur de son récit, ce qu'elle montre à voir de la faillite d'un système qui exclut durablement une part de sa population, la violence, aussi bien physique que sociale, qui sévit dans ces ghettos; la guerre sans fin contre la drogue, sans fin car dès qu'un trafiquant tombe, un autre prend sa place; les compromissions du personnel politique aux idéaux et promesses qui ont garanti leur élection; ou des journalistes ne se souciant guère des faits, mais plutôt du Prix Pullitzer à venir ... "The Wire" nous rend compte, et ce sans concessions, du poids des déterminismes sociaux qui limitent notre liberté, plus que certains libéraux ne veulent le nier. Car comment, après tout, se sortir de la misère et de la violence qui est autour de soi quand elle est incorporée jusqu'au plus profond de soi, et qu'il n'y a même pas une institution scolaire digne de ce nom pour empêcher la reproduction de ce naufrage ?
À travers son regard sociologique et journalistique, qui fait s'inscrire la série dans un univers très réaliste, "The Wire" nous incite à réfléchir. Et désenchante ce qu'il pouvait rester encore du "Rêve Américain".