SAISON 1, 1975 (pas de spoiler majeur)
Une série dont j'avais entendu dire qu'elle était assez culte pour quelques happy fews, et en effet c'est un petit bijou. Très en avance sur son temps scénaristiquement, les personnages y évoluent vraiment d'épisode en épisode, et le récit aussi, comme un grand tout.
L'éclairage et la technique témoignent de l'économie d'un show TV anglais de 1975, mais qu'importe. Le découpage est bon, sobre, efficace. Une tension se créé parfois avec rien.
Le pilote est un petit chef d'oeuvre, montrant une galerie de personnages dans leur vie quotidienne, bourgeois dans une belle maison de campagne, ou jeunes londoniennes en colocation... tandis qu'un virus contamine le monde. Tout le monde croit qu'il s'agit d'une grosse grippe, les autorités cachent la vérité.
Par la suite, les survivants errent dans le pays, à la recherche d'autres survivants... Quels personnages se croiseront ? Comment vont-ils reconstruire une vie à peu près normale ? Tout le plaisir de la saison 1 est de voir un trio terriblement attachant se former, et s'agrandir, avec de nouveaux venus. Certains repartent vers leur propre quête, ou meurent... D'autres sont mal intentionnés, créant l'affrontement... Le tout donne lieu à des questionnements assez puissants sur notre humanité, notre part de bonté et celle de sauvagerie, notre besoin de vivre en communauté, notre dépendance à la technologie (encore plus d'actualité aujourd'hui). (La série a donnée lieu à un remake en 2008, mais plutôt raté visiblement, très inférieur à l'original).
SAISON 2, 1976 (pas de spoiler)
Un petit peu en dessous de la première saison. Esthétiquement, c'est plus maladroit, notamment dans les premiers épisodes (ombres de perches, surexpositions...), et les décors sont moins stylés. Un resserrement budgétaire, peut-être ? De même niveau scénario, il semble que les équipes ont dû parer à de nombreuses difficultés de production - on sait depuis que l'une des comédiennes a été virée à cause de son alcoolisme d'alors. Et surtout, le créateur Terry Nation n'est plus de la partie. La continuité est moins bien tenue que dans la saison 1 : dans cette saison 2 certains personnages sont oubliés pendant quelques épisodes puis réapparaissent. Enfin bref, c'est un peu moins impressionnant que la saison 1 qui était vraiment épatante pour l'époque. Mais tout de même, cela reste un plaisir. Il y a encore de très très bons épisodes, et des idées fortes. Revenus aux techniques du moyen-âge, les survivants doivent tout remettre en question : comment exécute-t-on la justice ? Comment tient-on une communauté ? Chacun doit s'improviser policier, juge, politicien, fermier, docteur... Le côté "seventies" se fait bien sentir dans cette saison, avec une lutte des générations. Il y a notamment un épisode très réussi autour de l'avortement : dans un monde où il ne reste plus beaucoup d'humains, une fille a-t-elle toujours le droit d'avorter ? Heureusement, la réponse à ce questionnement est moderne et intelligente. La série n'est jamais datée quant aux scénarios - elle l'est uniquement, de temps en temps, dans les moyens techniques, comme dans les scènes de cascades ou de combats. La mise en scène est, comme je le disais, un peu en-dessous de la saison 1, mais cela reste inspirant de voir la tension apparaître souvent avec rien et sans musique, ce qui est classe. Le seul thème entendu l'est en générique d'intro et de fin, et il est très réussi.
SAISON 3, 1977 (pas de spoiler)
Arrivé à la fin de Survivors, et regardant dans le rétroviseur, j’en conclus qu’il s’agit d’une pépite contenant les germes des séries modernes, avec :
- Une galerie de personnages étendue, unifiée par quelques « héros » ; les personnages secondaires sont développés, et apparaissent souvent tout au long d’une saison ou même de la série.
- Une narration qui préfigure les séries modernes : chaque épisode fait avancer le récit global de la saison, tout en proposant d’autres récits secondaires, autour d’un thème (politique, philosophique, …) par épisode.
- Des thèmes forts toujours actuels : notre dépendance à la technologie ; notre part d’animalité ; le besoin d’être dirigés par la force VS nos rêves de communauté et de liberté ; le droit à l’avortement ; la peine de mort, la justice
- Un mélange des genres, avec un ton souvent cruel, noir, mais des personnages très attachants permettant de ne pas trop déprimer.
- Une sobriété de la mise en scène, et un montage sans musique (hormis les deux génériques d’intro et de fin).
Mais, comme nombre de séries encore aujourd’hui, "Survivors" a dû affronter des difficultés de production : une comédienne de la saison 1 virée pour cause d’alcoolisme, le départ du créateur original Terry Nation également à la fin de la saison 1, puis le départ d’un comédien au cours de la saison 3…
Bref, en arrivant à cette troisième saison, les scénaristes doivent sortir les rames pour poursuivre le récit – et cela se sent malheureusement. Ils choisissent de revenir à un ton plus "dur", retrouvant les dangers du début de la saison 1 (chiens enragés, rats, et hommes-bêtes). Mais, leurs choix narratifs paraissent artificiels – c’était déjà un peu le cas au début de la saison 2, qui s'ouvrait sur 2-3 épisodes maladroits, avant que la « sauce » ne prenne pour le reste de la saison. Ce n’est pas le cas dans cette saison 3, qui ne parvient pas à créer un nouvel enjeu solide. La série n’offre plus un sentiment de cohérence, et piétine terriblement. Pour la première fois dans la série, il y a des épisodes vraiment médiocres, 3 épisodes en tout. Mais il y a tout de même une majorité d’épisodes « corrects », et 2 épisodes très très réussis, deux chefs d’œuvres qui secouent le spectateur.
Donc, au final, je suis heureux d'avoir regardé jusqu'au bout. Même dans cette saison 3 il y a beaucoup d'idées géniales malgré les ratés. Et la série dans son ensemble laisse des souvenirs marquants (de scènes, de situations hyper fortes, de personnages qu'on a le sentiment de connaître comme des proches...).